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22 mars 2015 7 22 /03 /mars /2015 09:55
Publie par Descartes samedi 21 mars 2015

A vingt quatre heures d’une élection qui selon toute vraisemblance ne nous apprendra rien que nous ne sachions déjà, l’ambiance politique reste la plus étrange dont j’aie souvenir ou même connaissance par les livres d’histoire. Autant le dire, j’avoue que je suis totalement désorienté. Et si cela m’arrive à moi qui, toute modestie mise à part, observe avec une certaine constance les affaires politiques depuis quelques décennies, j’imagine l’état de confusion dans lequel se trouvent probablement les électeurs et même certains militants politiques.

 

Sommes nous gouvernés ? La question se pose avec une acuité particulière. Nous avons un gouvernement, cela est certain. Mais un gouvernement n’est que le moyen d’une politique. Et les contours de cette politique sont de plus en plus difficiles à percevoir. Que veut exactement le gouvernement ? Quelle est la vision de la France qu’il propose aux français ? Pas grande chose. Le discours électoral de notre Premier ministre est de ce point de vue révélateur. Il a fait le choix de « nationaliser » la campagne. Pourquoi pas. Mais vous remarquerez que cette « nationalisation » n’a nullement pour objet de demander aux français un vote de confiance dans la politique du gouvernement. Pas du tout. La « nationalisation » se fait pour pouvoir agiter l’épouvantail du Front National. Manuel Valls avoue même son « angoisse » est sa « peur » de voir le FN arriver au pouvoir. Que l’homme qui a le pouvoir constitutionnel de « déterminer et de conduire la politique de la nation » avoue ainsi son impuissance n’est pas banal. Car c’est bien d’impuissance qu’il s’agit : si Manuel Valls était lui-même convaincu par la politique qu’il conduit, il n’aurait pas d’inquiétude quant aux résultats et le dirait. Le plus terrible aujourd’hui, c’est que nos dirigeants sont les premiers à admettre qu’on ne peut rien faire. Après deux ans de méthode Coué, ils n’affichent plus aucune illusion sur une amélioration du chômage, des conditions de vie des français. Comment s’étonner alors que les électeurs refusent leur confiance à ceux qui n’ont pas confiance en eux-mêmes ?

 

Convaincu de son incapacité à changer quoi que ce soit de profond, le monde politique en est réduit à faire dans le symbolique. Alors que le pays s’enfonce dans l’austérité, qu’on laisse se dégrader nos infrastructures, qu’on perd notre industrie et qu’on affaiblit notre recherche, on discute au Parlement du sexe des anges. Le gouvernement y envoie des lois-pavés dépassant la centaine d’articles et qui, loin de poser des principes et marquer des choix, sont un ramassis de mesurettes dont l’impact est minime. Croit-on vraiment que le fait d’ouvrir les magasins douze dimanches au lieu de sept fera une véritable différence ? Qu’on « libérera la croissance » en mettant les notaires en concurrence ? Qu’on fera la « transition énergétique » en fixant par la loi une limite de 50% de nucléaire dans la production d’électricité en 2025, objectif dont tout le monde sait parfaitement qu’il est matériellement irréalisable ? Tout cela ne sert à rien, si ce n’est à permettre à nos élus de s’empoigner pour essayer de faire croire au citoyen qu’ils servent à quelque chose.

 

De ce point de vue, le psychodrame du 49-3 a été un summum. Création géniale du comité de rédaction de la constitution de 1958, l’article 49-3 ce n’est pas, loin de là, l’instrument anti-démocratique que certains – parmi eux beaucoup de nostalgiques de la VIème… eu pardon, de la IVème République – dénoncent. Tout au contraire : c’est un instrument permettant à chacun – gouvernement, députés, président de la République – de prendre clairement leurs responsabilités. Responsabilité qui est pour moi l’essence de la démocratie. Voici comment tout cela fonctionne : le président de la République a été élu pour inspirer une politique qu’il a exposé aux français. Elu, il nomme un premier ministre pour conduire cette politique. Ce premier ministre dépose devant les assemblées législatives les projets de loi qu’il estime nécessaires pour l’exécution de cette politique. Le Parlement les examine, et peut parfaitement les rejeter. Il peut aussi, et c’est plus sournois, dénaturer le texte par des amendements qui changent complètement sa nature ou réduisent ses effets à néant. Et cela sans que personne ne prenne clairement de responsabilité devant les électeurs : si la loi est promulguée dans cet état, c’est le gouvernement qui en portera la responsabilité, même s’il ne l’a pas voulue ainsi. Comment le citoyen pourrait-il faire la part de ce qui relève de la faute du gouvernement et de ce qui a été voulu par le Parlement ? Et comment pourrait-il sanctionner ce dernier, alors qu’il ne peut en fait que sanctionner son député ?

 

Le principe de responsabilité exige donc que le gouvernement ait le choix. Puisqu’il assume la responsabilité des conséquences, il faut qu’il puisse en cas de conflit avec le Parlement soumettre le différend au peuple souverain. Et c’est à cela que sert l’article 49-3. En usant de cet article, le gouvernement dit « la loi en discussion est si importante qu’il faut absolument qu’elle passe dans l’état où on l’a conçue, ou avec les modifications que nous pouvons accepter, et c’est pourquoi, si le Parlement persiste, nous irons demander aux électeurs de confirmer notre choix en dissolvant l’assemblée nationale ». Dans cette logique, il est bien entendu admis que si le peuple tranche en faveur du Parlement, le président de la République présente sa démission pour permettre l’élection d’un président qui soit sur la même longueur d’onde que le peuple (1).

 

Manuel Valls a donc été parfaitement cohérent en utilisant l’article 49-3. Il avait toujours déclaré que le dispositif Macron était une pièce absolument essentielle de la politique du gouvernement. Dans cette logique, il ne pouvait pas permettre qu’elle soit dénaturée par le Parlement, et c’est pourquoi le ministre de l’économie a été intraitable pendant le débat parlementaire, au risque de ne pas avoir une majorité pour voter la loi à l’issue du débat. Il ne pouvait pas non plus admettre sans rien faire que la loi soit rejetée par l’Assemblée. Il a donc bien utilisé le 49-3 pour le but pour lequel il a été conçu : mettre le Parlement devant ses responsabilités, en lui demandant si oui ou non il veut changer de politique et donc changer les hommes qui l’exécutent. Honneur à qui honneur est du : ce faisant, Manuel Valls et Emmanuel Macron sortent de la politicaillerie habituelle, celle des ministres qui, comme Marisol Touraine ou Ségolène Royal, sont prêts à transformer les lois qu’elles défendent en coquilles vides pour faire plaisir aux différents groupes de pression. Il renoue avec l’esprit de la Vème République en sommant les députés de le suivre sous peine d’avoir a se justifier devant leurs électeurs, chose qu’aucun élu ne devrait craindre s’il avait la conscience tranquille d’avoir bien servi ceux qui l’ont élu. Bon point donc pour Valls.

 

Mais à la cohérence de Valls a répondu une cacophonie qui a mis péniblement en évidence l’état de décomposition général de la gauche. Commençons par le groupe le plus nombreux : les soi-disant « frondeurs », ces frondeurs qui font penser à la formule de Clemenceau : ils ont franchi le Rubicon, mais c’était pour y pêcher à la ligne. Après avoir expliqué pendant des semaines que la politique du gouvernement nous conduit dans le mur, ils ont décidé qu’ils n’allaient pas voter une motion de censure dont l’effet, si elle avait été votée, aurait été d’enterrer la politique en question. La position des frondeurs est totalement illisible : Ils savent que le gouvernement a choisi une politique, et que tant que Valls sera là elle ne changera pas. Changer de politique implique donc changer de gouvernement. Et si on n’est pas prêt de forcer le gouvernement à la démission, alors à quoi bon les rodomontades ? Les « frondeurs » donnent la désagréable impression de vouloir se laver publiquement les mains de la politique du gouvernement tout en faisant ce qui est nécessaire pour qu’elle puisse continuer. Pour comprendre cette incohérence, il faut laisser de côte les considérations idéalistes et revenir aux fondamentaux. Le Parti Socialiste est d’abord une société mutuelle d’assurances pour élus. Les députés « frondeurs » ont leurs convictions, certes, mais la politique est leur gagne-pain. Il y a bien entendu au PS quelques notables bien installés, élus sur leur nom et donc intouchables – le genre Jean-Noël Guérini. Mais la majorité des « frondeurs » ne sont pas dans cette catégorie. Ils doivent souvent leur siège à des équilibres d’appareil, et sans le soutien de l’appareil ils sont foutus. C’est pourquoi il ne faut pas se faire d’illusions : ils ne franchiront jamais le Rubicon. Jamais ils ne feront quelque chose qui pourrait mettre le gouvernement en danger, et celui-ci le sait. Du coup leur capacité à infléchir la ligne gouvernementale est nulle.

 

Du côté de la « gauche radicale », ce n’est guère mieux. C’en est même pire. Ainsi, le PCF appelle les députés Front de Gauche a voter la motion de censure déposée par la droite, ce qui paraît cohérent avec le discours qui veut que l’austérité conduit la France dans le mur… mais qui provoque immédiatement l’ire du PG qui dénonce son partenaire au nom du sacro-saint « fossé gauche/droite » qui interdirait de mêler ses voix aux siennes. Ceux qui ont un minimum de mémoire apprécieront le paradoxe : aux municipales, le PG avait voué le PCF aux gémonies au prétexte que celui-ci avait accepter, pour « battre la droite », des alliances de premier tour avec le PS. Aujourd’hui, le PG voue encore aux gémonies son allié pour la raison exactement inverse. On va finir par penser que le PG fait ses choix de manière à mettre en porte-à-faux son allié… et on n’aura pas tort.

 

En fait, les partis qui constituent la « gauche radicale » – devenus des groupuscules – n’ont globalement plus rien à dire de sérieux. Ils n’ont pas d’analyse politique, économique, sociale, bref, pas d’idéologie à défendre. La preuve ? Ils constituent aujourd’hui des alliances qui varient de département en département, de canton en canton, en fonction des préférences ou des détestations personnelles et locales. Dans un canton, EELV ira avec le PS alors que le PCF ira avec le PG, Ensemble et le NPA. Dans le canton voisin, le PS ira avec le PCF, alors que EELV se joindra au PG et Ensemble. Dans un troisième, Ensemble et EELV auront fait alliance alors que le PS se retrouve avec le PCF et le PG. Et ainsi de suite.

 

Si le critère dominant pour conclure ou exclure une alliance était la compatibilité des choix idéologiques et des projets, on n’observerait pas une telle variabilité. Si le « projet » d’EELV et celui du FdG étaient compatibles, ils le seraient ici et en Chine. Et s’ils sont incompatibles, idem. Le fait qu’ils soient compatibles à Trifouillis-les-Oies mais incompatibles à Gerson-le-Canard montrent que ce n’est pas d’idées qu’on est en train de discuter. En fait, ces alliances se font en fonction des amours et des détestations personnelles entre candidats, alimentées par l’histoire particulière des rapports entre forces politiques à l’échelon local, le caractère « prenable » ou non du siège voire du Conseil départemental. Tous sujets qui passionnent les militants, mais qui laissent les électeurs de marbre. Et c’est bien là le problème, accentué encore par cette institution stupide qui est le vote par « couples ». Ainsi, dans ma commune je me vois proposer par un « rassemblement de la gauche solidaire et écologiste » (2) deux candidats : une dame qui affiche son appartenance au PCF, un monsieur qui n’affiche rien du tout mais dont on devine sans trop de difficulté qu’il est encarté à EELV. Et bien moi, électeur je ne veux pas manifester par mon vote un quelconque soutien à un projet et à une idéologie écologiste avec la quelle je n’ai rien de commun. Mais je souhaiterais manifester mon soutien au projet communiste, avec lequel je partage bien de points communs donc, par exemple, le soutien au nucléaire. Ce qui n’est pas neutre dans une élection locale dans un département « nucléarisé ». Maintenant, je fais comment ? Comment puis-je marquer par mon vote le choix entre deux projets contradictoires, alors qu’ils se présentent ensemble ?

 

Ces alliances à la gauche du PS sont quelquefois présentées comme les prémisses d’une recomposition à gauche qui ferait apparaître un « pôle de radicalité » à gauche, susceptible de faire jeu égal avec les socialistes, une sorte de « Podemos » ou de Syriza. Remarquez, on peut toujours croire au père Noël, mais ce n’est pas ça qui le fera venir. Pour qu’il y ait recomposition, il faudrait qu’il y ait un débat d’idées, à l’issue duquel les différentes organisations proposeraient à l’électeur un projet cohérent. Or c’est le contraire qu’on fait : des alliances tactiques sans débat d’idées qui conduisent à proposer à l’électeur d’élire d’un coup la carpe et le lapin sur quelques vagues engagements qui permettent de mettre sous le tapis les points de divergence. C’est cette incapacité à mettre sur la table les points de désaccord et à en débattre qui ont plombé dès le départ le Front de Gauche, le réduisant à une alliance tactique entre des gens proposant des projets contradictoires. Mais les dirigeants de la « gauche radicale » sont prêts à recommencer : que Cécile Duflot apparaisse dans une tribune de meeting avec Mélenchon et Laurent, et on commence à nous raconter que le pôle de radicalité est en marche. Personne ne prend la peine d’expliquer comment la position euro-fédéraliste de Duflot et les siens pourrait s’ajuster à l’euro-prudence du PCF. Mais qui se soucie de ce genre de détails ? L’essentiel, c’est qu’on puisse additionner les voix pour avoir beaucoup d’élus. Cela fera toujours quelques apparatchiks de casés.

 

On se prend à penser au slogan de mai 1968 : « assez d’actes, nous voulons des paroles ». Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des paroles. La politique dite « politicienne », celle qui évacue les idées et les projets pour ne s’intéresser qu’aux questions tactiques a bouffé l’autre, la vraie, celle qui avait trait aux idées. Et on aurait tort de croire que l’électorat en général et l’électorat populaire en particulier se désintéressent des idées. Au contraire : la meilleure preuve est le succès du Front National. Notre classe politique est prompte à signaler que les mesures proposées par le FN sont « non financées » ou très difficiles à mettre en œuvre. Et pourtant, il caracole en tête. Pourquoi ? Parce qu’il reste le seul parti qui par ses propositions, même si elles sont difficilement réalisables, semble tenir compte des préoccupations de l’électorat populaire. Les autres continuent à débiter leur discours en vase clos, sans tenir le moindre compte des préoccupations de nos concitoyens. Ainsi, dans ma commune, le « rassemblement de la gauche sociale et écologiste » propose sans rire de « défendre le droit de vote des étrangers (…) aux élections locales ». Comment cette promesse peut-elle être ressentie dans l’électorat populaire, à votre avis ?

 

J’entends d’ici les objections : « vous voudriez que nous faisions de la démagogie en mettant sous le boisseau nos idées ». Pas le moins du monde. Mais il faut savoir ce qu’on veut. Si l’on propose des choses dont les électeurs ne veulent pas, ils ne voteront pas pour vous. Faire de la politique implique entraîner les gens derrière vous, pas de leur balancer des propositions « à prendre ou à laisser ». Et pour entraîner, il faut partir des problèmes des gens. C’est cela qui avait fait la force du PCF en son temps, et qui fait la force du FN aujourd’hui.

Descartes
le 21 Mars 2015

(1) Cette logique reçut son premier coup de canif en 1986. Cette année-là, la gauche toute entière admit que le fait que le peuple désavoue le président n’est pas une raison suffisante pour provoquer sa démission. La logique aurait voulu que le président renonce à son droit de dissolution : puisque le président ne peut être désavoué par une élection parlementaire, le Parlement ne devrait pas pouvoir être désavoué par l’élection présidentielle. Mais bien entendu il n’en fut rien, et le Parlement élu en 1986 fut dissout par Mitterrand en 1988 après l’élection présidentielle. Les décisions conjuguées de 1986 et 1988 peuvent être considérées comme la mort de l’esprit, sinon de la lettre, de la Constitution de 1958.

(2) Il faut d’ailleurs aller à la sixième page de leur dépliant pour trouver, en tout petit, les logos de EELV et du Front de Gauche. Un peu comme si le fait d’adhérer à un parti – et donc d’endosser des choix idéologiques - était une maladie honteuse.

 

Descartes "pro rege saepe, pro patria semper"

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