(ENR = Energies Nouvelles Renouvelables)
EXERCICE D'APPROCHE ECONOMIQUE
Par Ludovic ZANOLIN
Représentant la Confédération CGT au Comité National de la Géothermie
Le 16 octobre 2011
Un débat nécessaire
Le débat nécessaire concernant l'énergie suppose de s'entendre sur les problématiques à considérer, stratégiques, environnementales, économiques et sur les potentialités et inconvénients de chaque source énergétique afin d'aboutir à un mix énergétique raisonné le plus « décarboné » possible. Au lieu de réfléchir aux complémentarités à favoriser dans ce sens, la confusion est particulièrement entretenue autour des potentialités de l'éolien et du photovoltaïque, principales ENR (énergies renouvelables nouvelles), pour la fourniture électrique. Certains vont jusqu'à affirmer que ces sources de production, associées à l'hydraulique, à la biomasse et à quelques autres, pourraient très bien remplacer à la fois l'électronucléaire et les énergies fossiles !
La démarche de l'exercice
Sans aucunement vouloir valider la crédibilité et le sérieux de telles positions et en faisant abstraction des difficultés constituées par l'intermittence du vent (dont sa quasi absence par grand froid en période anticyclonique) et la forte variabilité de l'ensoleillement (journée, nuit, saisons)*, nous nous proposons de comparer dans le tableau ci-après, à titre d'exercice, les coûts d'investissement (sur 20 à 25 ans) et de fonctionnement annuel pour différentes hypothèses de production des 420 TWh d'électricité correspondant approximativement à la production actuelle du parc nucléaire.
Coût annuel de production (nucléaire) ou d’achat (ENR) et investissements associés sur 20 ou 25 ans pour produire420 TW/h par an (niveau actuel de production nucléaire) dans chaque solution
Solution
|
Coût En € Mwh |
Coût de Production En G€/an |
Fonctionnement En h/an** |
Capacité En GW*** |
Investissement Unitaire en €/kW |
Investissement Global en G€ Sur 20 à 25 ans |
Parc nucléaire actuel avant rénovation (1) |
31
|
13,0 |
6640 |
63,3 |
- |
- |
Parc rénové sans EPR (2) |
42 |
17,6 |
7500 |
56 |
900 |
50 |
Parc EPR à 100 % (3)
|
50 |
21,0 |
8000 |
52,5 |
2425 (cas 1) |
127 |
60 |
25,2 |
8000 |
52,5 |
3030 (cas 2) |
159 |
|
70 |
29,4 |
8000 |
52,5 |
3635 ( cas 3) |
191 |
|
Parc rénové à 75% Et EPR à 25 % (4) |
44 |
18,5 |
7625 |
55,1 |
1280 ( cas 1) |
71 |
46,5 |
19,5 |
7625 |
55,1 |
1432 ( cas 2) |
79 |
|
49 |
20,6 |
7625 |
55,1 |
1585 ( cas 3) |
87 |
|
Eolien terrestre (5)
|
85
|
37,5 |
2000 |
210 |
1500 |
315 |
1800 |
378 |
|||||
Eolien offshore (6) |
135 |
56,7 |
3000 |
140 |
3500 |
490 |
180 |
75,6 |
5000 |
700 |
|||
Photovoltaïque (7) |
300 |
126 |
1200 |
336 |
3000 |
1008 |
5000 |
1680 |
Wh = Watt .heure (unité d'énergie); W = Watt (unité de puissance)
k = kilo; M = million; G = milliard; T = mille milliards
Quelques enseignements de l'exercice
La comparaison est sommaire et les hypothèses peuvent se révéler approximatives. Susceptible donc d'être amendé et approfondi, cet exercice est toutefois particulièrement éclairant sur les énormes surcoûts de production et d'investissement des solutions ENR.
Il apparaît qu'une combinaison sommaire des coûts d'investissement entre éolien et photovoltaïque (dernière colonne) pour remplacer les 420 TWh nucléaires conduirait à des surcoûts très supérieurs à 500 G€ (500 milliards d'euros!) par rapport aux 50 à 80 G€ correspondants aux solutions en nucléaire les plus vraisemblables, sans prendre en compte les autres coûts ( centrales thermiques fossiles pour assurer la permanence de la production, stockage, réseaux, interconnexions, coûts résiduels du nucléaire), même avec de grands progrès dans le photovoltaïque, l'efficacité énergétique et les économies d'énergie.
Cet ordre de grandeur recoupe assez bien les récentes estimations de 250 G€ faites en Allemagne par la banque d'investissements d'Etat KfW (pour sortir du nucléaire en 2020, sans réduction a priori des émissions de gaz à effet de serre) et en France de plus de 750 G€ faites par le haut-commissaire à l'énergie atomique.
Concernant les coûts annuels (2ème colonne), les écarts par rapport au nucléaire, qui sont éloquents, conduiraient immanquablement à des augmentations considérables des tarifs de l'électricité.
______________
* Les moyens de stockage massifs qu'appellent ces difficultés restent à inventer pour l'essentiel, les possibilités de développement des STEP (Stations de Transfert d'Energie par Pompage) étant limitées sans atteintes profondes à l'environnement. Ces moyens de stockage sont indispensables pour des productions importantes d'éolien ou de photovoltaïque afin de faire face tant aux excès qu'aux insuffisances de production .Le renforcement des réseaux de transport et l'extension des interconnexions internationales que le développement massif des ENR implique est aussi problématique.
** Les durées correspondent à l'équivalent du temps de fonctionnement à capacité nominale. Les valeurs retenues correspondent à l'expérience ou aux objectifs des projets. Pour le photovoltaïque, la valeur retenue est une valeur haute actuellement.
*** Les capacités sont celles nécessaires pour produire 420 TWh pour les durées de fonctionnement retenues.
(1) Ce coût de production a été cité dans les débats sur la loi NOME. Il inclut les investissements et les dépenses obligatoires (déchets, démantèlement) jusqu'aux troisièmes visites décennales. Ces dépenses ne sont pas indiquées dans la colonne investissement.
(2) Le coût de production est celui de l'ARENH à partir de janvier 2012. L'exercice ne prend en compte que 56 des 63,3 GW du parc actuel pour produire 420TWh à 7500h/an. L'investissement unitaire est supposé inclure la charge des investissements de rénovation du parc nucléaire. Il est supérieur aux hypothèses actuelles de rénovation pour la prolongation de la durée de fonctionnement (plus 50% pour le post - Fukushima).
(3) Le cas 3 est basé sur les dernières annonces (6G€) du coût d'investissement du prototype EPR de Flamanville. Les cas 1et 2 sont deux hypothèses de réduction à 5 et 4 G€ pour une série. Les coûts de production sont des estimations avec un taux d'actualisation voisin de 5%.
(4) Les éléments résultent de la combinaison entre les solutions (2) et (3).
(5) Le coût est celui du tarif d'achat moyen depuis le début de constitution du parc éolien.
(6) Le premier tarif est celui arrêté en 2006; le second est celui avancé actuellement dans l'attente du retour de l'appel d'offres en cours.
(7) Le prix d'achat correspond à une moyenne des derniers tarifs fixés par le gouvernement, tarifs dont la baisse a provoqué un tollé. Le coût d'investissement de 3000 € du kWc (kWcrête) tient compte d'une prédominance de grandes installations. Des augmentations conséquentes des rendements (donc des temps de fonctionnement) jusqu'à un facteur 2 (?) et la poursuite de la réduction des coûts d'investissement sont attendues dans un futur plus ou moins proche. L'importance des surcoûts en sera réduite mais restera très certainement considérable