Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • : Villiers sur Orge- La Vie en Blog
  • : Economie, social, environnement, éducation, santé, sciences et techniques, vie dans la cité...Et leurs prolongements politiques, tout peut être sujet d'échanges pour le commun des mortels...Un seul objectif, le dépassement du présent.
  • Contact

Recherche

Archives

13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 18:55

Par Thierry Meyssan, réseau Voltaire

« Nuit debout », un mouvement à dormir debout

 

Le mouvement « Nuit debout » qui vient de se créer en France, mais aussi en Espagne et en Allemagne, ambitionne de faire barrage au projet de loi El-Khomri sur la réforme du Code du travail et, plus généralement, de lutter contre le néolibéralisme. Thierry Meyssan dénonce des discussions creuses et incohérentes. Il relève les références explicites des organisateurs aux manipulations de l’équipe de Gene Sharp, qui a organisé pour le compte de la CIA les révolutions colorées et le printemps arabe.

 

 

La presse parisienne se pâme devant la naissance d’un mouvement politique, « Nuit debout ». Des centaines de personnes se rassemblent sur les grandes places des principales villes françaises pour discuter et refaire le monde.

 

Ce mouvement « spontané » s’est organisé en quelques jours. Il dispose désormais de deux sites internet, d’une radio et d’une télévision web. À Paris, place de la République, 21 commissions ont été constituées comme dans un inventaire à la Prévert : animation artistique, climat, cantine, création d’un manifeste, dessin debout, jardin des savoirs, manifestations, campement, démocratie, science debout, gréve générale, éducation, économie, féminisme, LGTBI+, TV debout, vote blanc, transparence, Françafrique, infirmerie, communication. C’est dans ce bavardage que se jouerait l’avenir du pays.

 

« Nuit debout » aurait surgi de la projection d’un film militant «  Merci patron  » de François Ruffin, le 23 février. Les spectateurs auraient constitué un collectif « Convergence des luttes », avec l’idée de rassembler les préoccupations des salariés, des migrants, etc. [1]

 

Cependant, la lecture de l’appel rédigé par « Convergence des luttes » ne manque pas de surprendre. On peut y lire :


« Ce mouvement n’est pas né et ne mourra pas à Paris. Du printemps arabe au mouvement du 15M, de la place Tahrir au parc de Gezi, la place de la République et les nombreux autres lieux occupés ce soir en France sont l’illustration des mêmes colères, des mêmes espoirs et de la même conviction : la nécessité d’une société nouvelle, où démocratie dignité et liberté ne sont pas des déclarations vides » [2].

 

Si ce mouvement n’est pas né à Paris, comme l’affirment ses initiateurs, qui en a eu l’idée ?

 

Les références au « printemps arabe », au « mouvement du 15M », à la « place Tahrir » et au « parc de Gezi » renvoient toutes quatre à des mouvements clairement soutenus, sinon initiés par la CIA. Le « printemps arabe », c’est le projet du département d’État de renverser les régimes laïques arabes et de les remplacer par les Frères musulmans. Le « mouvement du 15M », en Espagne, c’est la contestation de la politique économique des grands partis tout en affirmant l’attachement aux institutions européennes. La « place Tahrir » en Égypte est habituellement considérée comme un des lieux du printemps arabe, et l’en distinguer ne peut faire référence qu’à son occupation par les Frères musulmans de Mohamed Morsi. Quant au parc Gezi, ce fut le seul mouvement laïque des quatre, mais il était instrumenté par la CIA pour mettre en garde Recep Tayyip Erdoğan, qui n’en a pas tenu compte.

 

Derrière ces quatre références et bien d’autres, on trouve un même organisateur : l’équipe de Gene Sharp, jadis baptisée Albert Einstein Institute [3] et aujourd’hui Centre for Applied Nonviolent Action and Strategies (Canvas), exclusivement financée par les États-Unis [4]. Des gens très organisés, directement liés à l’Otan et ayant une sainte horreur du spontanéisme de Rosa Luxembourg.

 

La non intervention de la préfecture de police, le discret soutien de l’Union européenne à Radio Debout, et la présence parmi les organisateurs de personnalités jadis soutiens d’Action directe [5] ne semblent pas poser de problème aux participants.

 

Bien évidemment, le lecteur se demande si je ne force pas la dose en voyant ici aussi la main de Washington. Mais les manipulations de l’équipe de Gene Sharp dans une vingtaine de pays sont aujourd’hui largement attestées et étudiées par les historiens. Et ce n’est pas moi, mais les organisateurs de « Nuit debout » qui font référence à ses actions.

 

L’équipe de Gene Sharp intervient avec des recettes toujours identiques. Selon les cas, les manifestations manipulées visent soit à changer le régime, soit au contraire à stériliser l’opposition, comme c’est le cas ici. Depuis 2000, cette équipe utilise un logo emprunté aux communistes pour mieux les combattre : le poing levé. C’est évidemment le symbole qu’à choisi « Convergence des luttes ».

 

 

 

Le slogan de « Nuit debout », « On ne rentre pas chez nous », est nouveau dans la longue succession des opérations de Gene Sharp, mais il est tout à fait typique de sa manière d’intervenir : ce slogan ne comprend aucune revendication positive, ne propose rien. Il s’agit juste d’occuper la rue et de distraire les médias pendant que les choses sérieuses se déroulent ailleurs.

 

Le principe même de « Nuit debout » exclut toute participation des travailleurs. Il faut être bien noctambule pour pouvoir passer ses nuits à discuter. Les « salariés et les précaires » que l’on est censé défendre travaillent, eux, le matin et ne peuvent pas se permettre de nuits blanches.

Ce ne sont pas les commissions de « Nuit debout » —où l’on s’intéresse à tout sauf aux ravages de l’exploitation et de l’impérialisme— qui mettront fin à la domination de la France par une coterie de nantis, qui l’ont vendue aux Anglo-Saxons et viennent d’autoriser le Pentagone à y installer des bases militaires. Imaginer le contraire serait croire une histoire à dormir debout.

Thierry Meyssan

FacebookTwitterDeliciousSeenthisDiggRSS

[1] « Nuit debout : genèse d’un mouvement pas si spontané », Eugénie Bastié, Le Figaro, 7 avril 2016.

[2] « Appel de la Nuit Debout », place de la République le 8 avril 2016, Paris.

[3] « L’Albert Einstein Institution : la non-violence version CIA », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 4 juin 2007.

[4] La présence de l’équipe de Gene Sharp est attestée au moins dans : la chute des Caucescu (1989), la place Tian’anmen (1989), la Lituanie (1991), le Kosovo (1995), la « révolution des Bulldozers » en Serbie (2000), l’Irak (2002), la « révolution des roses » en Géorgie (2003), l’« insurrection de Maafushi » aux Maldives (2003), la « révolution orange » en Ukraine (2004), la « révolution du cèdre » au Liban (2005), la « révolution des tulipes » au Kirghizistan (2005), la « marche du désaccord » en Russie (2006-7), les « manifestations pour la liberté d’expression » au Venezuela (2007), la « révolution verte » en Iran (2009), « Poutine doit partir » (2010), la « révolution de jasmin » en Tunisie (2010), la « journée de la colère » en Égypte (2011), « occupy Wall Street » aux États-Unis (2011), le « mouvement du 15M » en Espagne (2011), le « sit-in » de Mexico (2012), « le départ » à nouveau au Venezuela (2014), la « place Maidan » à nouveau en Ukraine (en 2013-14), etc.

[5] Action directe fut un groupe d’extrême gauche, qui organisa 80 attentats et assassinats dans les années 80, et fut en définitive manipulé par le Gladio, c’est-à-dire les services secrets de l’Otan.

Partager cet article
Repost0
12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 19:08

lundi 11 avril 2016, par Comité Valmy

 

 

 

Sergueï Glaziev est un économiste russe, né à Zaporojié (Ukraine) en 1961. Il a commencé une carrière politique à partir de 1990, tantôt dans les cabinets ministériels, tantôt sur les bancs de la Douma, le parlement russe. Il est passé du camp ultra-libéral aux communistes. Allié de Vladimir Poutine qu’il conseille, il a été nommé coordinateur des agences travaillant à l’union douanière entre la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan. Barack Obama l’a placé dans la liste des sept premières personnes sous sanctions, en 2014.

 

M. Glaziev, y a-t-il la moindre raison de s’attendre à la levée des sanctions américaines ?

 

Les sanctions constituent l’un des éléments de la guerre hybride que les États-Unis mènent contre nous. Ils le font, non pas parce qu’ils n’aiment pas « l’annexion » de la Crimée par la Russie , mais plutôt principalement en raison de la défense des seuls intérêts objectifs et subjectifs de l’oligarchie dirigeante américaine.

 

Les États-Unis sont en train de perdre leur hégémonie mondiale : ils fabriquent déjà moins de produits et exportent moins de technologies que la Chine. La Chine est également en train de rattraper l’Amérique pour le nombre de scientifiques et d’ingénieurs, et nombre de technologies innovantes chinoises sont en train de s’emparer des marchés mondiaux. Le taux de développement de la Chine est cinq fois supérieur à celui des États-Unis. Le système international des entités économiques récemment mis en place en Chine illustre bien le nouvel ordre économique mondial.

 

Les entités économiques qui dominent aux États-Unis, au seul service d’une oligarchie financière, ont complètement déstabilisé le système monétaire et financier américain, qui fait presque défaut deux fois par an. Les causes de la crise financière mondiale de 2008 n’ont en rien disparu et la bulle de la dette américaine – pyramides financières composées de dérivés et de dette nationale – ne cesse de croître davantage de jour en jour.

 

Selon la théorie des systèmes, ce processus ne peut pas continuer indéfiniment. L’oligarchie américaine est désespérée d’arriver à se débarrasser de son fardeau de la dette, et c’est la raison principale pour laquelle elle mène une guerre hybride, non seulement contre la Russie, mais contre l’Europe et le Moyen-Orient.

 

Comme il arrive toujours dans un ordre économique mondial en mutation, le pays qui est en train de perdre son leadership tente alors de déclencher une guerre mondiale pour le contrôle de la périphérie. Depuis que les Américains considèrent l’ancien espace soviétique comme étant leur périphérie financière et économique, ils tentent sans cesse d’en prendre le contrôle.

 

L’élite politique américain a été élevée selon des chimères de géopoliticiens du XIXième siècle. Les étudiants américains s’imprègnent encore dans les classes de sciences politiques des fondamentaux géopolitiques anglais et allemands de leur époque. La principale question qui revient sans cesse reste comment ruiner l’Empire Russe, et ils regardent encore le monde à travers les yeux des « faucons » du XIXième siècle, quand la Grande-Bretagne a tenté de sauver son hégémonie en déclenchant la Première Guerre mondiale, puis qu’elle a perdu son empire colonial après la seconde guerre mondiale.

 

Voilà ce qu’étudient toujours les géopoliticiens américains dans le Département d’État et la Maison Blanche , en continuant de regarder le monde à la fois à travers le prisme de la guerre froide, et des confrontations britanniques entre la Russie et l’Allemagne au XIXième siècle ; c’est donc maintenant le tour des États-Unis de vouloir déclencher une autre guerre mondiale.

 

La combinaison des problèmes objectifs de l’oligarchie financière américaine et de l’étrange état d’esprit des géopoliticiens américains fait peser la menace d’un conflit mondial. Cela n’a strictement rien à voir avec la Crimée. N’importe quel prétexte fera l’affaire.

 

Nous devons donc agir en fonction des contradictions qui amènent les États-Unis à toute attitude agressive à risque, avec le danger d’une guerre hybride avec le monde entier. Ils ont choisi la Russie comme étant leur objectif principal, et l’Ukraine, occupée par eux, comme étant leur principal moyen de destruction.

 

Pour survivre dans de telles conditions, arriver à maintenir notre souveraineté et développer notre économie, nous devons construire une large coalition antimilitaire, poursuivre notre stratégie de développement prioritaire, récupérer notre souveraineté financière et économique et continuer l’intégration eurasienne. Pour éviter la guerre, nous devons réaliser l’objectif du président Poutine d’une zone de développement commune de Lisbonne à Vladivostok. Il est très important de convaincre nos partenaires européens, ainsi que nos partenaires d’Extrême-Orient et dans le Sud, que nous avons besoin de coopérer, non pas par le chantage ou bien par des menaces, mais plutôt à travers des projets mutuellement bénéfiques, en combinant nos potentiels économiques tout en respectant la souveraineté de chaque État.

 

Peut-on améliorer les relations avec l’UE et comment ?

Une condition nécessaire pour coopérer avec l’Union européenne est qu’elle ait rétabli sa souveraineté. Le fait que des politiciens européens soient aller tenir des discours devant la foule de l’euromaïdan comprenant des nazis déchaînés a montré à quel point s’est dégradée la culture politique européenne. Les dirigeants de l’UE ne sont plus indépendants : ils sont devenus de simples marionnettes des États-Unis.

 

Ceci est dû à une spécificité de l’espace politique de l’UE : il est dominé par les médias américains. Ils ont ancré dans l’esprit du public tout un tas de chimères antirusses, les affolant avec une soi-disant menace russe. Leurs politiciens se retrouvent donc obligés de suivre la ligne médiatique fournie par Washington afin de pouvoir gagner des voix. Cela a conduit à la catastrophe que nous contemplons aujourd’hui à Bruxelles et dans tant d’autres villes européennes, qui se retrouvent tout d’un coup envahies par la peur que leurs gouvernements ne réussissent pas à assurer leur sécurité.

 

Malheureusement, la souveraineté de l’Europe ne peut être restaurée uniquement par une clarification de l’esprit du public. Ces problèmes ne sont pas apparus d’un seul coup : ils sont le résultat d’une classe politique européenne qui a abandonné tout intérêt national. L’Europe se retrouve confrontée à une période de transition très difficile, au cours de laquelle elle ne peut pas encore devenir un partenaire, mais sera simplement l’ombre de Washington.

 

Les Européens ont perdu leur boussole. Ils vivent dans une mosaïque, un monde fragmentaire, qui a perdu de vue le système global de relations. Mais la vie va les forcer à revenir à la réalité, et je crois que les traditions démocratiques européennes et l’humanisme européen vont jouer un rôle important dans le retour du bon sens.”

Sergueï Glaziev,
le 31 mars 2016

Sources :
- Russia-Insider

Traduction :Les-crises.fr
 

Partager cet article
Repost0
11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 16:37
Elle  est déclarée au Brésil, comme en Russie
Par Pepe Escobar

Repris sur  Comité Valmy

 

 

Les révolutions de couleur ne seront jamais suffisantes ; L’Exceptionalistan est toujours à l’affût des mises à jour stratégiques majeures capables d’assurer l’hégémonie perpétuelle de l’Empire du Chaos.

Si la matrice idéologique et le modus operandi des révolutions de couleur sont maintenant dans le domaine public, ce n’est pas tellement le cas du concept de Guerre non conventionnelle [UW : Unconventional War].

 

UW a été énoncé en 2010 dans le manuel Special Forces Unconventional Warfare. Voici la citation qui vaut son pesant de cacahuètes :

Les pouvoirs hostiles s’entendent non seulement au sens militaire ; tout État qui ose défier un quelconque aspect important de l’ordre du monde décidé à Washington – du Soudan à l’Argentine – peut être déclaré hostile.

 

« Le but des efforts US dans la guerre non conventionnelle [Unconventional Warfare] est d’exploiter la vulnérabilité politique, militaire, économique et psychologique d’une puissance hostile, par le développement et le soutien aux forces d’opposition, pour atteindre les objectifs stratégiques des États-Unis. […] Pour l’avenir prévisible, les forces américaines seront principalement engagées dans des opérations de guerre irrégulière [IW : Irregular Warfare]. »

 

La guerre mondiale a commencé. Brisons le silence. John Pilger

Les liaisons dangereuses entre les révolutions de couleur et UW sont maintenant pleinement épanouies sous l’appellation de guerre hybride ; une émanation déformée des Fleurs du Mal. Une révolution de couleur n’est rien d’autre que la première étape de ce qui deviendra une guerre hybride. Et la guerre hybride peut être interprétée, pour l’essentiel, comme la militarisation de la théorie du chaos – un chouchou conceptuel absolu de l’armée américaine : « La politique est la continuation de la guerre par des moyens linguistiques. » Mon livre de 2014, L’Empire du Chaos, traque essentiellement ses innombrables manifestations.

 

La thèse très bien argumentée, en trois parties, clarifie l’objectif central derrière une guerre hybride majeure [Traduite par le Saker Francophone, NdT] : « Perturber les projets conjoints transnationaux multipolaires par des conflits d’identité provoqués de l’extérieur (ethniques, religieux, politiques, etc.) dans un État de transit ciblé. »

 

Les BRICS – un mot / concept extrêmement sale pour l’axe Washington / Wall Street – devaient être les premières cibles de la guerre hybride. Pour une multitude de raisons. Parmi lesquelles la dynamique pour l’échange et le commerce dans leurs propres monnaies, sans passer par le dollar américain ; la création de la banque de développement des BRICS ; l’objectif avoué de l’intégration eurasienne, symbolisée par les projets maintenant convergents des Nouvelles Routes de la soie promues par la Chine – une ceinture, une route (OBOR), dans sa terminologie officielle – et de l’Union économique eurasienne (EEU) menée par la Russie.

 

Cela implique que la guerre hybride va frapper l’Asie centrale plus tôt que prévu ; le Kirghizstan, un laboratoire de choix pour les expériences de l’Exceptionalistan dans le genre révolution de couleur, est le candidat idéal.

 

À l’heure actuelle, la guerre hybride est très active à la frontière ouest de la Russie, en Ukraine, mais encore embryonnaire dans le Xinjiang, Far West de la Chine, que Pékin surveille de loin comme le lait sur le feu. Une guerre hybride est déjà en cours pour empêcher une manœuvre cruciale dans le Pipelineistan : la construction du Turkish Stream. Et sera également entièrement mise en œuvre pour interrompre la Route de la soie dans les Balkans – essentielle pour intégrer le commerce de la Chine avec l’Europe de l’Est.

 

La révolution brésilienne commence à révéler sa vraie couleur

Comme les BRICS sont le seul véritable contre-pouvoir de l’Exceptionalistan, une stratégie a dû être mise au point pour chacun des principaux acteurs. La Russie a déjà tout subi – les sanctions, une totale diabolisation, un raid sur sa monnaie, une guerre des prix du pétrole, y compris, c’est même pathétique, une tentative pour amorcer une révolution de couleur dans les rues de Moscou. Pour un nœud BRICS plus faible, une stratégie plus subtile devrait être mise au point. Ce qui nous amène à la complexité de la guerre hybride appliquée à la déstabilisation massive actuelle de la politique et de l’économie du Brésil.

 

Dans le manuel UW, faire vaciller la perception d’une vaste population moyenne non engagée, est essentiel dans la voie du succès, de sorte que ces non-engagés se retournent finalement contre leurs dirigeants politiques. Le processus englobe tout, de l’« insurrection de soutien » (comme en Syrie) au « mécontentement plus large, par la propagande et les efforts politiques et psychologiques pour discréditer le gouvernement » (comme au Brésil). Et quand une insurrection dégénère, elle doit être accompagnée par « une intensification de la propagande ; une préparation psychologique de la population pour la rébellion ». Voilà, en un mot, le cas du Brésil.

Nous avons besoin de notre propre Saddam

L’objectif stratégique principal de l’Exceptionalistan est généralement d’obtenir une conjonction de révolution de couleur et de guerre non conventionnelle [UW]. Mais la société civile du Brésil et sa démocratie dynamique étaient trop sophistiquées pour les étapes de base de la guerre non conventionnelle, telles que les sanctions ou la R2P ( « responsabilité de protéger », comme en Libye).

 

Il est pas étonnant que São Paulo ait été transformé en épicentre de la guerre hybride contre le Brésil. São Paulo, l’État brésilien riche, qui abrite aussi la capitale économique et financière de l’Amérique latine, est le nœud principal dans une structure liant le pouvoir national et l’international.

 

Le système financier mondial centré à Wall Street – qui règne sur la quasi-totalité de l’Occident – ne pouvait tout simplement pas permettre à la souveraineté nationale de s’exprimer pleinement chez un acteur régional majeur comme le Brésil.

 

Le Printemps du Brésil était au début pratiquement invisible, un phénomène exclusif des médias sociaux – comme en Syrie au début de 2011.

 

Puis, en juin 2013, Edward Snowden a dévoilé les pratiques d’espionnage notoires de la NSA. Au Brésil, la NSA n’était occupée que par Petrobras. Et tout à coup, à l’improviste, un juge régional, Sergio Moro, sur la base d’une seule source – un opérateur de change sur le marché noir – a eu accès à une importante poubelle de documents chez Petrobras. Jusqu’à présent, l’enquête Car Wash sur la corruption n’a pas révélé, en deux ans, comment ils sont arrivés à connaître autant de choses sur ce qu’ils surnomment la « cellule criminelle » agissant à l’intérieur de Petrobras.

 

Le « premier ministre » Lula changera-t-il la donne ?

Ce qui importe est que le modus operandi de la révolution de couleur – une lutte contre la corruption et pour la défense de la démocratie – était déjà en place. Ce fut la première étape de la guerre hybride.

 

De la même façon que l’Exceptionalistan a fabriqué des bons et des mauvais terroristes parmi ceux qui ravagent le Syraq, a surgi au Brésil l’image du bon et du mauvais corrompu.

 

Wikileaks a également dévoilé comment l’Exceptionalistan soupçonnait que le Brésil pourrait concevoir un sous-marin nucléaire – une question de sécurité nationale ; comment l’entreprise de construction Odebrecht était devenue mondiale ; comment Petrobras a lui-même développé la technologie pour explorer les gisements pré-salifères – la plus grande découverte de pétrole du jeune XXIe siècle, dont le Big Oil a été exclu par nul autre que Lula.

 

Puis, à la suite des révélations de Snowden, l’administration Rousseff a exigé que tous les organismes gouvernementaux utilisent les entreprises publiques pour leurs services technologiques. Cela signifierait que les entreprises américaines pourraient perdre jusqu’à $35 milliards de revenus sur deux ans si elles étaient privées de ce business dans la 7e plus grande économie du monde – selon les estimations du groupe de recherche Information Technology & Innovation.

L’avenir commence maintenant

La marche vers la guerre hybride au Brésil avait peu à faire avec la gauche ou la droite politique. Elle a essentiellement mobilisé quelques familles riches qui font effectivement fonctionner le pays, acheté de larges pans du Congrès, contrôlé les médias traditionnels, agi comme les propriétaires de plantations d’esclaves au XIXe siècle – l’esclavage imprègne encore toutes les relations sociales au Brésil – et légitimé le tout par une lourde, encore que fausse, tradition intellectuelle.

 

Tout cela devait donner le signal de la mobilisation pour la classe moyenne.

 

Le sociologue Jesse de Souza a identifié une gratification substitutive, phénomène d’origine freudienne en vertu duquel la classe moyenne brésilienne – une grande part d’entre elle réclamant un changement de régime – imite les quelques riches autant qu’elle est impitoyablement exploitée par eux, via des montagnes de taxes et des taux d’intérêt exorbitants.

 

Les riches 0,0001% et les classes moyennes avaient besoin d’un Autre à diaboliser – dans le plus pur style de l’Exceptionalistan. Et qu’est-ce qui pourrait être plus parfait pour le complexe police judiciaire-médias-ancienne élite compradore que la figure d’un Saddam Hussein tropical, l’ancien président Lula ?

 

Des mouvements d’ultra-droite financés par les infâmes Koch Brothers ont soudainement surgi sur les réseaux sociaux et dans les manifestations de rue. Le procureur général du Brésil a visité l’Empire du Chaos à la tête d’une équipe d’enquêteurs de Car Wash pour délivrer des informations sur Petrobras, qui pourraient étayer de possibles actes d’accusation du ministère de la justice.

 

Trois millions de personnes dans la rue pour la plus grande manifestation jamais vue au Brésil

Les enquêteurs de Car Wash et l’immensément corrompu Congrès brésilien, qui va maintenant délibérer sur la destitution possible de la présidente Rousseff, se sont révélés eux-mêmes comme indiscernables.

 

D’ici là, les scénaristes étaient sûrs que l’infrastructure sociale d’un changement de régime était déjà intégrée dans une masse critique anti-gouvernementale, permettant ainsi la pleine floraison de la révolution de couleur. La route d’un coup d’État en douce était pavée – sans même avoir à recourir au terrorisme urbain létal – comme en Ukraine. Le problème est que si le coup en douce échoue – comme cela semble maintenant au moins possible –, il sera très difficile de lâcher un coup dur, style Pinochet, par l’intermédiaire d’une guerre non conventionnelle, contre l’administration Rousseff aux abois ; c’est à dire d’accomplir enfin une guerre hybride totale.

 

Sur le plan socio-économique, l’opération Car Wash ne sera pleinement réussie que si elle se reflète dans un assouplissement des lois brésiliennes régissant l’exploration pétrolière, l’ouverture au Big Oil US. Et en parallèle, tous les programmes de dépenses sociales devraient être annulés.

 

Au lieu de cela, ce qui se passe maintenant est la mobilisation progressive de la société civile brésilienne contre un scénario de changement de régime par un coup d’État en douce. Des acteurs cruciaux dans la société brésilienne sont maintenant fermement positionnés contre la destitution de la présidente Rousseff : de l’Église catholique aux évangélistes, des professeurs universitaires de haute volée, au moins quinze gouverneurs d’États [sur vingt-six], la masse des travailleurs syndiqués et ceux de l’économie informelle, artistes, intellectuels, juristes, l’écrasante majorité des avocats ; et last but not least, le Brésil profond qui a légalement élu Rousseff avec 54,5 millions de voix.

 

Tout cela ne sera pas fini tant qu’un gros homme de la Cour suprême brésilienne n’aura pas chanté. Ce qui est certain, c’est que les universitaires brésiliens indépendants sont déjà en train d’établir les bases théoriques juridiques pour étudier Car Wash, non comme une simple et massive opération anti-corruption, mais comme un cas ultime de la stratégie géopolitique de l’Exceptionalistan appliquée à un environnement mondialisé sophistiqué dominé par les technologies et les réseaux sociaux. L’ensemble du monde en développement devrait être pleinement en alerte – et apprendre les leçons pertinentes – alors que le Brésil est mûr pour être analysé comme le cas ultime de la guerre hybride douce.

Pepe Escobar
– Le 29 mars 2015 – Source Russia Today

Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) ,Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.

Traduction : le Saker Francophone

Partager cet article
Repost0
7 avril 2016 4 07 /04 /avril /2016 19:07

par Thierry Meyssan

Contrairement aux apparences, la campagne des « Panama Papers » n’aura pas pour conséquence de restreindre les malversations financières et d’augmenter les libertés, mais exactement le contraire. Le système va se contracter un peu plus autour du Royaume-Uni, de la Hollande, des États-Unis et d’Israël, de sorte qu’eux et eux seuls en auront le contrôle. En violant le principe d’égalité devant la Justice et leur éthique professionnelle, les membres de l’International Consortium of Investigative Journalists se sont mis aux service des ennemis de la liberté et des défenseurs du Grand capital, et le fait qu’ils aient épinglé au passage quelques malfrats n’y changera rien. Explications.

Réseau Voltaire | Damas (Syrie) | 6 avril 2016

 

La doctrine Romer : contraindre les paradis fiscaux non-anglo-saxons à renoncer et déstabiliser l’Union européenne jusqu’à ce que les capitaux refluent vers les paradis fiscaux du Royaume-Uni, de la Hollande, des États-Unis et d’Israël.

La stratégie économique des États-Unis

Au début de son mandat, le président Obama a désigné l’historienne Christina Romer pour présider son Comité des conseillers économiques. Ce professeur à l’Université de Berkeley est une spécialiste de la crise de 1929. Selon elle, ni le New Deal de Roosevelt, ni la Seconde Guerre mondiale n’ont permis de sortir de cette récession, mais l’afflux de capitaux européens, à partir de 1936, fuyant la « montée des périls ».

C’est sur cette base que Barack Obama a conduit sa politique économique. En premier lieu, il a agi pour fermer tous les paradis fiscaux que Washington et Londres ne contrôlent pas. Puis, il a organisé la déstabilisation de la Grèce et de Chypre, de sorte que les capitaux européens se réfugient dans les paradis fiscaux anglo-saxons.

Tout a commencé en Grèce, en décembre 2008, avec des manifestations à la suite de l’assassinat d’un adolescent par un policier. La CIA a transporté par autobus des casseurs du Kosovo pour perturber une manifestation et installer un début de chaos [1]. Le département du Trésor a pu alors vérifier que des capitaux grecs quittaient le pays. L’expérience étant concluante, la Maison-Blanche décida de plonger cet État fragile dans une crise financière et économique qui remit en cause l’existence même de la zone euro. Comme prévu, à chaque fois que l’on s’interroge sur une éventuelle expulsion de la Grèce de l’euro ou sur une dissolution de la zone euro, des capitaux européens se précipitent dans les paradis fiscaux disponibles, principalement britanniques, états-uniens et hollandais. En 2012, une autre opération fut conduite contre le paradis fiscal chypriote. Tous les comptes bancaires furent confisqués au-delà de 100 000 euros. C’était la première et unique fois, dans une économie capitaliste, que l’on observait ce type de nationalisation [2].

Au cours des huit dernières années, nous avons assisté à de nombreuses réunions du G8 et du G20 qui ont établi toutes sortes de règles internationales, prétendument pour prévenir l’évasion fiscale [3]. Cependant, une fois ces règles adoptées par tous, les États-Unis —et dans une moindre mesure Israël, les Pays-Bas et le Royaume-Uni— s’en sont dispensés.

Les paradis fiscaux

Chaque paradis fiscal a un statut juridique particulier, généralement saugrenu.

Actuellement, les principaux paradis fiscaux sont l’État indépendant de la City de Londres (membre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), l’État du Delaware (membre des États-Unis), et Israël, mais bien d’autres paradis fiscaux existent, surtout britanniques, à commencer par les îles de Jersey et de Guernesey (membre du duché de Normandie et à ce titre placé sous l’autorité de la reine d’Angleterre, mais ni membre du Royaume-Uni, ni de l’Union européenne), Gibraltar (un territoire espagnol dont la propriété foncière est anglaise et que le Royaume-Uni occupe illégalement), jusqu’à Anguilla, les Bermudes, les îles Caïmans, les îles Turques, les îles Vierges ou Montserrat. Il y a en aussi quelques uns rattachés à la Hollande : Aruba, Curaçao, ou Sint Maarten.

Un paradis fiscal, c’est une « zone franche » étendue à tout un pays. Cependant, dans l’imaginaire collectif, une zone franche est indispensable à l’économie, tandis qu’un « paradis fiscal » est une calamité, c’est pourtant exactement la même chose. Bien sûr, certaines entreprises abusent des zones franches pour ne pas payer d’impôts, et d’autres abusent des paradis fiscaux, mais ce n’est pas une raison pour remettre en question l’existence de ces dispositifs indispensables au commerce international.

Dans leur guerre contre les paradis fiscaux non-anglo-saxons, les États-Unis ont surtout porté des coups contre la Suisse [4]. Ce pays avait développé un strict secret bancaire permettant à de petits opérateurs de mener des transactions à l’insu des gros. En contraignant la Suisse à abandonner son secret bancaire, les États-Unis ont étendu leur surveillance de masse aux transactions économiques. De la sorte, ils peuvent aisément truquer la concurrence et saboter l’action des petits opérateurs.

 

 

Durant une dizaine d’années, Forbes a classé Fidel Castro comme le chef d’État le plus fortuné au monde. S’il est aujourd’hui admis que c’était de la pure propagande, Forbes ne s’est jamais excusé.

Les « Panama Papers »

C’est dans ce contexte que Washington a fourni au Süddeutsche Zeitung 11 500 000 fichiers informatiques piratés au quatrième cabinet d’avocat au monde chargé de créer des sociétés off shore. Cet espionnage étant un crime, les prétendus « lanceurs d’alerte » qui l’ont accompli sont restés anonymes. Bien sûr Washington a d’abord soigneusement trié les dossiers et a exclu en premier lieu tous ceux relatifs à des ressortissants ou à des entreprises états-uniennes, puis probablement ceux qui concernent ses bons alliés. Le fait que quelques prétendus alliés, en délicatesse avec l’administration Obama, —comme le président Petro Porochenko— figurent dans ces documents, nous confirme qu’ils viennent d’être lâchés par leur puissant protecteur.

Alors que le Panama est un État de langue espagnole et que le Süddeutsche Zeitung est édité en Allemagne, les fichiers volés ont été dénommés en anglais par leurs espions : « Panama Papers ».

Au passage, les auteurs de cette carabistouille tentent de nous persuader que tous les hommes qui se dressent contre Washington seraient des voleurs. Souvenons-nous par exemple des campagnes qui furent menées contre Fidel Castro, accusé d’être un trafiquant de drogue et classé par Forbes parmi les plus grandes fortunes du monde [5]. Pour avoir constaté les difficiles conditions de vie de la famille Castro à Cuba, je me demande comment on a pu monter un bobard pareil. Les nouveaux magnats secrets seraient donc Vladimir Poutine, Bachar el-Assad et Mahmoud Ahmadinejad —dont la frugalité est pourtant légendaire—.

Cette propagande contre des adversaires politiques, n’est que la partie émergée de l’iceberg, l’important étant l’avenir du système financier international.

 

 

 

Violation de l’éthique des journalistes

Le Süddeutsche Zeitung fait partie de l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), une association spécialisée non pas dans le journalisme d’investigation comme son intitulé pourrait le faire croire, mais dans la dénonciation de crimes financiers.

Dans les sociétés républicaines, la Justice doit être égale pour tous. Mais l’ICIJ, qui a déjà rendu publics plus de 15 millions de fichiers informatiques depuis sa création, n’a jamais attenté aux intérêts des États-Unis. Elle ne peut donc certainement pas prétendre agir par souci de justice.

En outre, des principes républicains de notre société découlent des obligations pour les journalistes. Celles-ci ont été formalisées dans la Charte de Munich, adoptée en 1971 par tous les syndicats professionnels du Marché commun, puis étendue au reste du monde par la Fédération internationale des journalistes.

Je comprends parfaitement que ce texte impose des limitations parfois difficiles à supporter. Et j’ai, il y a quelques années, fait partie de ceux qui croyaient utiles de pouvoir la violer de temps à autres. Mais l’expérience prouve qu’en la violant, on ouvre la voie à d’autres violations qui se retournent contre les citoyens.

Les journalistes de l’International Consortium of Investigative Journalists ne se sont pas posés de question éthique. Ils ont accepté de travailler sur des documents volés et triés, sans avoir la moindre capacité de vérifier leur authenticité.

La Charte de Munich stipule que les journalistes ne publieront que des informations dont l’origine est connue, qu’ils ne supprimeront pas d’informations essentielles et n’altéreront pas les textes et les documents ; enfin qu’ils n’useront pas de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents.
Trois exigences qu’ils ont violées en parfaite connaissance de cause, ce qui devrait les exclure des instances professionnelles et provoquer la révocation des directeurs de la BBC, de France-Télévisions, de NRK, et pourquoi pas de Radio Free Europe/Radio Liberty (la radio de la CIA qui est elle aussi membre du Consortium des journalistes).

L’International Consortium of Investigative Journalists n’en est pas à sa première affaire. C’est lui qui avait rendu publics, en 2013, 2,5 millions de fichiers informatiques volés à 120 000 sociétés off shore. Puis, c’est lui encore qui avait révélé, en 2014, les contrats signés entre des multinationales et le Luxembourg pour bénéficier d’une fiscalité privilégiée. Et c’est lui toujours qui révéla, en 2015, les comptes de la banque britannique HSBC en Suisse.

L’International Consortium of Investigative Journalists, on s’en doute, est financée par de nombreux organismes liés à la CIA, comme la Fondation Ford, et les fondations de George Soros. Ce dernier exemple est le plus intéressant : pour les membres de l’ICIJ, l’argent de M. Soros ne vient pas de la CIA, mais de ses spéculations financières au détriment des peuples ce qui le rendrait plus acceptable.

 

 

 

Principe fondamental des sociétés républicaines : pour être légitime, la Justice doit s’appliquer également à tous (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Or, depuis sa création, l’ICIJ s’abstient de dévoiler les crimes des États-Unis. Ce faisant, elle accroît les injustices.

Plus de Résistance sans paradis fiscaux non-anglo-saxons

Que le Hezbollah détienne des sociétés et des comptes secrets au Panama et ailleurs n’a rien de surprenant. J’évoquais dans un récent article les efforts de la Résistance libanaise pour s’auto-financer sans avoir à dépendre des subventions iraniennes. Le complexe montage financier auquel il s’est livré devra être entièrement recomposé, faute de quoi le Liban redeviendra la proie de ses voisins israéliens.

Que le président Ahmadinejad ait créé des sociétés off shore pour contourner l’embargo dont son pays était victime et vendre du pétrole n’est non seulement pas un crime, mais c’est tout à son honneur.

Que la famille Makhlouf, les cousins du président el-Assad, ait utilisé un montage financier pour contourner l’embargo illégal des puissances occidentales et permettre aux Syriens de se nourrir durant cinq années de guerre d’agression est tout aussi légitime.

Que va-t-il rester de ce vaste déballage ? D’abord la réputation de Panama est détruite et mettra de longues années à se relever. Ensuite, de petits malfrats qui ont abusé du système seront poursuivis en justice, tandis que quantité de commerçants honnêtes devront longuement se justifier devant les tribunaux. Mais contrairement aux apparences, ceux qui animent cette campagne veilleront à ce que rien ne change. Le système restera donc en place, mais toujours plus au seul profit du Royaume-Uni, de la Hollande, des États-Unis et d’Israël. En croyant défendre leurs libertés, ceux qui auront participé à cette campagne l’auront en réalité réduite.

Thierry Meyssan

Partager cet article
Repost0
7 avril 2016 4 07 /04 /avril /2016 15:58

La plupart des Russes souhaiteraient se retrouver en Union soviétique. Mais qu'est-ce qui les tente tellement à cette époque? Découvrez-le ci-dessous.

Ranimer l'Union soviétique, voilà le désir de deux tiers de la population de la Russie d'aujourd'hui, dont atteste un sondage réalisé par le Centre d'étude de l'opinion publique russe (VTsIOM). L'URSS ne leur manque pourtant pas comme entité politique. Les Russes sont tentés par des choses concrètes avec lesquelles elle est associée.

 

A suivre à l'adresse suivante https://fr.sputniknews.com/russie/201604061023997517-russes-manque-urss/

Partager cet article
Repost0
6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 16:02

Par : Karim Bouali  

Algérie Patriotique

Repris sur Afrique Asie.fr

 

Le déplacement de Walid al-Mouallem, le ministre syrien des Affaires étrangères en Algérie, sans doute prélude à une visite officielle du président Bachar Al-Assad dans notre pays, a donné des frissons aux soutiens traditionnels et inconditionnels du «printemps arabe».

 

 

 

Ainsi, l’animateur surexcité d’Al-Jazeera, Fayçal Al-Kacim, s’en est vivement pris à l’Algérie à travers un message qu’il a posté sur sa page Facebook. Le propagandiste anti-syrien d’origine syrienne a, en effet, mis en garde – qui ? – contre la «réédition du scénario algérien en Syrie», c’est-à-dire, explique-t-il, «l’invention de groupes armés par l’armée pour neutraliser l’opposition et faire accroire à une menace terroriste». Il est évident, à travers cette réaction paniquée du collègue de Khadidja Benguenna – deux étrangers au passeport confisqué, à deux doigts d’être débarqués avec l’ensemble des employés d’Al-Jazeera qui a déjà mis à la porte 500 de leurs collègues – que les artisans du chaos en Syrie ont compris que la fin de Daech est proche et que l’armée syrienne est en train de remporter la guerre. Une issue à un plan de déstabilisation qui, il y a encore quelques mois, était tout simplement invraisemblable.

La chaîne de propagande islamiste qatarie a échoué dans la mission qui lui a été assignée par ses fondateurs, laquelle consistait à mettre le Moyen-Orient et le Maghreb à feu et à sang et à épargner les régimes monarchiques despotiques du Golfe. A la longue, les citoyens de ces pays, obnubilés pendant de longues années par cet outil qui fonctionne grâce au savoir-faire d’experts américains, britanniques et autres en matière de manipulation et de désinformation, ont fini par se réveiller de leur hypnose lorsqu’ils ont découvert l’état dans lequel se trouvent les peuples arabes après la chute des régimes dictatoriaux et leur remplacement par des pseudo-démocraties.

Fragilisés, exsangues, en situation de quasi-faillite, la Tunisie, l’Egypte, la Libye, le Yémen et la Syrie ont fini par suivre l’exemple de l’Algérie en interdisant à la chaîne Al-Jazeera d’exercer son rôle maléfique à partir de son territoire. Les bureaux de cette chaîne seront alors fermés les uns après les autres et des journalistes-agents seront même emprisonnés par les autorités égyptiennes et jugées pour subversion et atteinte à la sécurité nationale de l’Egypte.

A cette baisse drastique de l’audience, Doha est confronté, à l’instar de tous les pays producteurs de pétrole et de gaz, à la chute vertigineuse des prix des hydrocarbures. Faux argument ou raison objective, l’inévitable fermeture d’Al-Jazeera «pour des raisons économiques» apparaît comme une planche de salut pour l’émir de ce petit pays qui veut se débarrasser de ce fardeau hérité de son père et jeter à la poubelle tous ceux qui y officient comme clairons et qui ne lui servent désormais à rien, sinon à renforcer un monstre appelé Daech et qui n’épargne plus personne. Y compris ses propres créateurs.

Partager cet article
Repost0
5 avril 2016 2 05 /04 /avril /2016 16:10

La réaction de Fidel Castro au discours d’Obama au Gran Teatro.

Obama, notre frère

L’intégralité à l’adresse suivante http://www.legrandsoir.info/obama-notre-frere.html

Extraits,

 

Les rois d’Espagne nous amenèrent les conquistadores et maîtres auxquels furent assignés non seulement les aborigènes qu’ils obligèrent à chercher de l’or dans le sable des cours d’eau, une forme d’exploitation abusive et honteuse, mais encore des domaines circulaires dont on peut retrouver les traces vues d’avion dans bien des endroits du pays.

 

Le tourisme consiste aujourd’hui, pour une bonne part, à montrer aux visiteurs les beautés des paysages et à leur faire savourer nos excellents fruits de mer, mais à condition que ce soit en partage avec le capital privé des grandes sociétés étrangères dont les profits, sauf s’ils se chiffrent à des milliards de dollars par habitant…

 

…Obama, comme il l’a rappelé, naîtrait en août 1961, voilà plus d’un demi-siècle. Voyons donc ce que pense aujourd’hui notre illustre visiteur :

 

« Je suis venu ici enterrer les derniers restes de la Guerre froide dans les Amériques. Je suis venu ici tendre la main de l’amitié au peuple cubain. »

 

Il nous a ensuite assené une volée de concepts, absolument inédits pour la plupart d’entre nous :

 

« Nous vivons tous les deux dans un Nouveau Monde colonisé par les Européens. Cuba, tout comme les États-Unis, a été édifiée en partie par des esclaves amenés d’Afrique. Comme le peuple étasunien, le peuple cubain peut remonter jusqu’à ses origines aussi bien à travers les esclaves qu’à travers leurs maîtres. »

 

Les populations autochtones n’existent absolument pas dans l’idée d’Obama. Pas plus qu’il ne dit que la Révolution a liquidé la discrimination raciale ; qu’elle a offert une pension et un salaire à tous les Cubains avant que M. Obama ne fête ses dix ans ; qu’elle a éliminé à jamais l’odieuse habitude bourgeoise et raciste d’engager des sbires pour empêcher l’entrée des Noirs dans les centres de distraction ; qu’elle est passée à l’Histoire pour la bataille qu’elle a livrée en Angola contre l’apartheid, mettant fin en même temps à la présence d’armes atomiques sur un continent peuplé aujourd’hui de plus d’un milliard d’habitants, même si ce n’était pas là l’objectif que poursuivait notre solidarité, mais notre aide aux peuples d’Angola, du Mozambique, de Guinée-Bissau et d’autres pour qu’ils se libèrent de la domination coloniale d’un Portugal fasciste….

 

Je ne sais ce qu’Obama pourra bien dire de cette affaire. J’ignore ce qu’il sait et ne sait pas, quoique je doute qu’il ne sache absolument rien. Je lui suggère modestement d’y réfléchir et de ne pas tenter maintenant d’échafauder des théories sur la politique cubaine.

 

Je souhaitais en quelque sorte qu’Obama se conduise correctement, compte tenu de ses origines modestes et de son intelligence naturelle.

 

Autre point important : dans son allocution, Obama utilise des phrases on ne peut plus doucereuses :

« Il est temps de laisser le passé derrière nous. Il est temps de fixer ensemble l’avenir – un futuro de esperanza. Et ça ne sera pas facile, il y aura des reculs. Ça prendra du temps. Mais mon séjour ici à Cuba renouvelle mon espoir et ma confiance dans ce que fera le peuple cubain. Nous pouvons faire ce voyage en amis, en voisins, en famille, ensemble. Sí se puede. Muchas gracias. »

 

À entendre ces mots du président des États-Unis, chacun de nous risquait l’infarctus ! Et ce blocus impitoyable qui dure depuis quasiment soixante ans ! Et ceux qui sont morts dans les attaques de mercenaires à des navires et à des ports cubains ! Et l’avion de ligne rempli de passagers saboté en plein vol ! Et les invasions de mercenaires ! Et la foule d’actes de violence et de force !

 

Que personne ne se fasse des illusions : le peuple de ce pays noble et dévoué ne renoncera jamais à sa gloire et à ses droits, pas plus qu’à la richesse spirituelle qu’il a gagnée grâce à l’essor de l’éducation, de la science et de la culture.

 

J’avertis par ailleurs que notre peuple est capable de produire les aliments et les richesses matérielles dont nous avons besoin par ses efforts et son intelligence. Nous n’avons besoin d’aucun cadeau de l’Empire. Nos efforts seront légaux et pacifiques, car tel est notre engagement envers la paix et la fraternité de tous les êtres humains qui vivent sur cette planète.

Fidel Castro Ruz 27 mars 2016

Source : Gramma

http://www.granma.cu/reflexiones-fidel/2016-03-28/el-hermano-obama-28-...

Traduction J-F Bonaldi (La Havane)

Publié en Français par Le Grand Soir

 

Notes de JF :

 

Castro sait que le socialisme est plus facile à déconstruire qu’à construire. La restauration du capitalisme en URSS nous montre qu’il ne faut jamais baisser la gardel..

 

Le clan occidental, USA en première ligne, n’aura de cesse jusqu’à ce qu’il domine l’économie mondiale, d’est en ouest et réciproquement,  relire absolument « L’impérialisme  stade suprême du capitalisme » de Lénine publié il y a plus de 100 ans, En face la Russie elle aussi capitaliste tente de restaurer son périmètre de sécurité, tout en se prémunissant contre l’ingérence étrangère par mercenariat interposé, lire à ce sujet georges Corm   http://jafreyvil.over-blog.com/2016/04/qu-est-ce-que-le-jihad.html 

 

La Chine en route vers le socialisme avance à petit pas vers l’occident, au sud en réactivant la route de la soie au nord  via la Russie qui semble à l’heure actuelle à la recherche d’un compromis avec les USA ou le devenir Cuba ne pèsera pas lourd, pas même l’Amérique  du sud dont les composante devraient s’inspirer de Cuba pour tendre vers l’autosuffisance plutôt que trop miser sur des ressources naturelles dont les prix sont manipulés par les transnationales économiques financières et les apatrides politiques.

 

Que le peuple Cubain et ses dirigeants continuent sur la voie dans laquelle ils se sont engagés. Pour ma part je suis convaincu que s'ils ont progressé malgré l’embargo ils l'ont du  à leur lucidité,  leur vigilance face aux tentatives d'ingérences, à leur isolement ilien aussi, qui leur ont  évité bien des avatars, dans le cas contraire ils auraient subi un sort identique à celui de l’Union soviétique.

 

D’aucuns pourraient ajouter le poids de l’opinion internationale, de l’URSS à n’en pas douter jusqu’à sa disparition. A cela il convient de rétorquer que l’opinion occidentale  n’a jamais pesé d’un point déterminant  contre les crimes commis depuis des décennies un peu partout sur la planète au prétexte de la défense des droits de l’Homme, de la Démocratie et des Libertés sinon celle d’exploiter le travail humain pour en tirer le profit maximum ce que souligne Castro à contrario de beaucoup d’autres commentateurs naïfs ou faisant preuve de duplicité.

 

Fidel Castro est sans illusion quant aux objectifs visés par les Etats-Unis et leurs alliés, Obama compris, moi non plus. JF

Partager cet article
Repost0
4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 16:08

Source Investig’ Action

Par Georges Corm

 

 « Parler de "jihad" dans le cas des opérations terroristes est une aberration » Dans le contexte actuel où les attentats terroristes bouleversent la vie des peuples des deux côtés de la Méditerranée, les analyses de Georges Corm, historien libanais, sont une bouffée d'oxygène pour résister à la théorie du "choc des civilisations". Son dernier ouvrage, "Pensée et Politique dans le Monde Arabe", comble les lacunes de notre mémoire historique et constitue un puissant antidote au pessimisme ambiant. Dans cette interview accordée en exclusivité à Investig'Action, Georges Corm décortique également les motivations des départs de jeunes européens en Syrie, et dénonce l'hypocrisie de la gestion des réfugiés et les relations des pays occidentaux avec l'Arabie Saoudite.

 

Aujourd’hui, l’islamisme est pointé du doigt comme l’idéologie à la base du terrorisme. Partagez vous ce constat ?

Les actions terroristes n’ont pas d’idéologie, sinon un nihilisme mortifère. Elles se parent certes de slogans qui peuvent être de nature religieuse ou, autrefois marxiste, cela ne veut évidemment pas dire que la religion ou l’idéologie invoquée soient en cause. Il est très regrettable que dans le cas du terrorisme se réclamant de l’islam, le monde entier se soit mis à discuter du Coran et de la religion musulmane, en particulier depuis les attentats de septembre 2001. Tant que ce terrorisme se contentait de tuer d’autres musulmans, on se préoccupait peu de l’analyser et l’islam ne servait pas de clé d’explication des motivations supposées des groupements terroristes.

C’est lorsque ceux-ci s’en prennent à des Européens ou des Américains, que les médias se déchaînent sur le thème du choc de civilisation cher à Samuel Huntington et de l’antagonisme supposé entre un Occident judéo-chrétien et un Orient arabo-musulman. Ce thème débilitant et hautement fantaisiste a fait des ravages dans l’intelligentsia occidentale et musulmane. Il a justifié et légitimé l’invasion de l’Afghanistan puis de l’Irak par des coalitions armées dirigées par les Etats-Unis, sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Or la lutte contre le terrorisme a toujours été faite par des moyens de police classique et d’infiltration des groupes le pratiquant. On n’avait jamais vu jusque là déployer des armées à grand frais et envahir et occuper des pays sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Ceci bien sûr ne pouvait manquer de provoquer des résistances armées multiples et fanatiser des jeunes en quête d’exaltation morbide.

Quels pièges se cachent derrière l’usage tous azimuts de ce concept ?

Il faut commencer par rappeler que les phénomènes terroristes qui adoptent des slogans dits islamiques frappent d’abord et bien plus intensément et de façon continue depuis des décennies les pays arabes et d’autres pays musulmans. Parler de “jihad” dans le cas des opérations terroristes est une aberration, car lorsque des musulmans tuent de façon indiscriminée d’autres musulmans on ne peut qualifier cette barbarie de jihad.

Lorsque les opérations ont lieu en Europe, en l’absence de déclaration de guerre par une autorité étatique établie et légitime, des actes hostiles et violents à l’initiative d’individus déviants ou illuminés ne sont que des actes destinés à semer le trouble et à créer artificiellement des situations de conflits, de haine ou de guerres sous le slogan de “guerres de civilisations” ou de “religion”.

Le jihad a d’ailleurs deux significations : l’une morale qui équivaut à la perfection de soi, la signification de ce mot signifiant “effort” ; l’autre défensive pour arrêter un envahisseur ou un occupant. En tous cas, le terrorisme d’organisations meurtrières se réclamant de l’Islam ne peut trouver aucune justification dans le droit traditionnel musulman lui-même (la sharia). Lorsqu’il s’exerce à l’encontre d’autres musulmans il vise à créer des situations de guerres civiles à l’intérieur même de la “communauté des croyants” et à ce titre il est condamnable du point de vue du droit musulman classique.

Il faut ensuite pour comprendre cette multiplication aberrante d’un terrorisme se réclamant de la religion musulmane rappeler la politique délibérée des Etats-Unis d’instrumentaliser la religion comme arme de destruction massive dans le cadre de la guerre froide. Il s’agissait alors pour eux de faire reculer l’influence idéologique, politique et militaire de l’URSS dans le monde arabe et ailleurs dans le monde musulman, présence qui s’était considérablement développée au cours des années 1950-1970.

Pour cela, les Etats-Unis vont mobiliser des alliés très complaisants...

Oui. Tout d’abord l’Arabie Saoudite, dont le régime politique se réclame de la conception la plus rigoriste et extrême de la religion musulmane, apparue au milieu du XVIIIè siècle au centre de la péninsule arabique. Il s’agit du wahhabisme qui deviendra l’idéologie officielle du royaume dès sa naissance dans les années 1920, cette forme intolérante de pratique de la religion ayant été jusque là considérée le plus souvent comme hérétique.

Ce royaume fut d’ailleurs constitué par la force brute avec l’aide de l’armée britannique pour faire avorter les demandes de constitution d’un royaume arabe unifié, moderne et ouvert sur le monde dont les Anglais avaient fait la promesse à la famille Hachémite régnante dans la province du Hedjaz, en retour de la constitution de régiments militaires arabes venant prêter main forte aux alliés contre l’Empire ottoman. La famille des Saoud ne disposant d’aucune légitimité historique dans les vastes régions de la péninsule Arabique qu’elle va occuper par la violence armée avec le soutien et le financement britannique va choisir d’exporter cette conception d’un régime islamique pur et dur dans les pays arabes et musulmans. Elle soutiendra vigoureusement partout dans ces pays la naissance et le développement de tels mouvements islamiques, en particulier celui dit des « Frères musulmans » en Egypte, de façon à mettre en échec les aspirations révolutionnaires et nationalistes arabes.

Quels sont les principaux jalons de ce processus historique ?

Au début des années 1970 et grâce à l’augmentation fabuleuse de ses revenus pétroliers, l’Arabie saoudite fonde l’organisation des Etats islamiques, ainsi que la Banque islamique de développement. En 1979, sur demande américaine, l’Arabie saoudite, de concert avec le Pakistan, autre Etat à pratique musulmane rigoriste et excessive et à faible légitimité lui aussi, entraîne militairement des dizaines de milliers de jeunes arabes pour les envoyer se battre en Afghanistan contre l’armée soviétique venue au secours d’un régime moderniste pro soviétique.

Cet enrôlement se fait sous couvert d’une idéologie dite « jihadiste » commandant de se battre contre les « infidèles » athées ou païens. Plutôt que de penser contribuer à libérer la Palestine, l’Arabie saoudite veut ainsi libérer l’Afghanistan avec qui le monde arabe et elle-même n’ont aucune relation depuis des siècles, que ce soit sur le plan culturel, commercial, ou économique. Cette action évite à l’armée américaine, traumatisée par sa défaite au Vietnam d’avoir à envoyer elle-même des troupes au sol. Cela fait donc penser à une armée de mercenaires et non à un mouvement de libération national.

Le résultat sera la constitution de l’organisation d’Al Qaëda sous la direction de l’un des fils d’une des grandes familles fortunées du royaume saoudien, Oussama Ben Laden. Une armée de prétendus jidahistes de toutes le nationalités de nombreux pays musulmans sera ainsi recrutée et formée qui plus tard fera le coup de feu en Bosnie, puis en Tchétchénie, puis en Albanie et aujourd’hui en Libye, Syrie et en Irak, mais aussi en Tunisie, au Liban, au Pakistan, en Indonésie, sans oublier le Caucase, les Philippines et même le Xing Kiang chinois, province à majorité musulmane.

L’histoire d’Al Qaëda aurait été la conséquence directe des pétrodollars. Par quel biais son influence et sa force de frappe se sont-ils renouvelées au sein des actuelles filières terroristes ?

La manipulation du religieux par les Etats-Unis et de nombreux Etats européens va reprendre de plus belle à partir de 2011 avec le dérapage des révoltes arabes et les interventions militaires externes en Libye puis surtout en Syrie. La démonisation du chef de l’Etat syrien par les déclarations des dirigeants européens et particulièrement français, ainsi que par les dirigeants américains, va alors tout normalement pousser de jeunes français de confession musulmane et même parfois non musulmans à aller se battre en Syrie sous la bannière des slogans des organisations terroristes pourtant qualifiées de “révolutionnaires” et de “libératrices” du joug de la famille Assad.

La Turquie membre de l’OTAN, mais dirigée par un parti se réclamant de l’islam, l’AKP, servira de centre de transit pour tous ces jeunes aveuglés par la propagande française, européenne et américaine ; elle assurera de plus une bonne partie de la logistique des organisations terroristes, cependant que le Qatar et d’autres Etats pétroliers de la péninsule Arabique en seront les financiers et que les Etats-Unis entraîneront militairement des milliers de recrues, en ayant recours à la justification de l’existence de groupes “modérés” d’opposition au redoutable et sanguinaire Bachar El Assad, selon eux.

Depuis l’invasion des Etats-Unis en Irak, les guerres ne cessent de se multiplier sous nos yeux. L’intervention française en Libye semble avoir eu un rôle considérable dans l’aggravation du phénomène complexe lié au terrorisme. Quels sont les principales responsabilités dans les attentats terroristes qui frappent aujourd’hui un peu partout ?

Il me paraît que la responsabilité des membres de l’OTAN dont la politique est exclusivement définie et menée par les Etats-Unis est écrasante. Les membres d’Al Quaëda ont longtemps été considérés comme des “combattants de la liberté” par tous les médias et certains travaux académiques aux ordres durant la première guerre d’Afghanistan contre l’armée soviétique venue dans ce pays au secours d’un gouvernement prosoviétique et moderniste.

Quelques années plus tard, l’invasion de l’Irak (2003), puis la déstabilisation violente de la Libye et de la Syrie (en 2011) et aujourd’hui depuis 2015 celle du malheureux Yémen qui a fait l’objet d’une agression caractérisée de l’Arabie saoudite et ses alliés des principautés pétrolières de la Péninsule arabique : autant d’initiatives très favorables menées par les membres de l’OTAN et de ses alliés arabes permettant ce développement effréné des groupements terroristes.

Ceci a permis au prétendu Etat islamique au Levant (ISIL-Daëch) de conquérir très facilement d’énormes territoires en Irak et en Syrie, sans que la coalition américaine contre cette organisation terroriste n’ait eu le moindre impact pour contrer cette extension ; à la seule exception de la protection effective accordée à la région autonome kurde d’Irak, que les Etats-Unis ont mis en place dès les années 1990. Dans ce cas, des équipements militaires et des soutiens logistiques ont été assurés dans la plus extrême célérité par l’armée américaine aux combattants kurdes, ce qui aura permis d’éviter l’extension de la domination de Daëch sur cette province kurde irakienne, devenue depuis sa création un protectorat direct des Etats-Unis.

En fait, pour qu’il soit mis un frein à cette extension territoriale de Daëch et autres organisations terroristes aux slogans islamiques en Irak, comme en Syrie, il aura fallu l’assistance militaire iranienne fournie à ces deux pays, puis surtout l’arrivée de l’aviation russe en Syrie et sa campagne de bombardements massifs des installations de cette organisation terroriste et de ses différentes émanations pour l’affaiblir durablement. D’autant que les bombardements ont permis de paralyser le trafic pétrolier bénéficiant à l’organisation terroriste et mené au grand jour avec la Turquie depuis 2014.

Ces responsabilités qui ne sont pas assumées, sont-elles donc liées au fait que les discours politiques et médiatiques en Europe ne s’intéressent jamais aux victimes du terrorisme irakiennes, syriennes ou égyptiennes ?

Oui, tant que des musulmans tuent d’autres musulmans, pourquoi s’émouvoir en Europe ? On se contentera de s’émouvoir sur ce que ces organisations terroristes font subir aux Chrétiens ou aux Yézidis des pays arabes, mais évidemment pas à d’autres musulmans surtout s’ils sont chiites, car l’irresponsabilité des milieux politiques et médiatiques de l’OTAN va jusqu’à considérer les composantes chiites des populations arabes comme source de terrorisme, en particulier pour ce qui est du Hezbollah libanais, vraisemblablement et inconsciemment en punition du fait d’avoir réussi en 2000 à libérer le sud du Liban de 28 ans d’occupation israélienne, sans aucune contrepartie politique ou militaire (comme le cas de l’accord de Camp David avec l’Egypte en 1979) et d’avoir en outre empêché le retour de cette occupation du fait de la nouvelle agression perpétrée contre le Liban, et plus particulièrement les zones tenues par le Hezbollah, par l’armée israélienne en 2006, mais aussi le fait d’être présent en Syrie où il contribue à défendre les frontières du Liban contre les nombreuses infiltrations terroristes en provenance du territoire syrien.

C’est évidemment le monde à l’envers. On rappellera ici que Condoleeza Rice, ministre des affaires étrangères des Etats-Unis avait déclaré que les souffrances entraînées par cette nouvelle agression israélienne contre le Liban étaient celles de “l’enfantement du nouveau Moyen-Orient” remodelé par les Etats-Unis. Aussi est-il certain que les vieilles démocraties filent du mauvais coton depuis l’installation de l’hégémonie des néoconservateurs aux Etats-Unis qui a produit aussi des effets désastreux d’aveuglement géopolitique en Europe.

Comment redresser cette tendance ?

Pour cela il faudrait que les démocrates de ces pays demandent des comptes à leurs gouvernements sur toutes ces aventures extérieures militaires coûteuses qui ne produisent que le chaos et des victimes locales par plusieurs centaines de milliers. Par ailleurs, il faut bien voir que la dynamique des violences dans le monde arabe est d’autant plus compliquée à appréhender qu’une violence verbale exceptionnelle se manifeste depuis plusieurs années dans les discours des dirigeants politiques américains et européens qui présentent les événements complexes dont est l’objet le monde arabe dans une approche manichéenne sous l’angle d’une dichotomie entre des « bons » arabes (dits modérés et même des organisations terroristes dites modérées dans le cas de la Syrie) et des méchants « arabes » dits radicaux (ceux qui s’opposent à l’hégémonie américaine et à la continuation de la colonisation de la Palestine par Israël).

En permanence, les médias, mais aussi les think tanks ou certains travaux académiques répercutent une façon binaire et simpliste de voir ces événements, au détriment de toute analyse mesurée de la complexité des événements, de l’identité des acteurs des violences et de ceux qui les soutiennent. Est ainsi écartée toute approche multifactorielle d’un conflit qui est celle de la politologie classique. J’ai consacré d’ailleurs en 2013 un ouvrage à déconstruire et dénoncer cette approche simpliste qui vise à annihiler la compréhension de la complexité des événements (1). Lorsqu’il en est ainsi, le fonctionnement de la démocratie et de la libre discussion rationnelle est paralysée et c’est un totalitarisme qui règne sur la présentation totalement biaisée des conflits.

D’après vous, quel rôle joue l’Arabie Saoudite dans le conflit syrien ?

Le rôle est évidemment très négatif. C’est l’Arabie saoudite principalement, mais aussi la France, le Qatar et la Turquie qui ont coopté les membres du conseil syrien de l’opposition qui siège d’ailleurs aujourd’hui dans la capitale saoudienne. De plus, il s’est constitué désormais un axe de faucons comprenant Israël, l’Arabie saoudite et la France qui s’est opposé jusqu’à récemment à tout apaisement en Syrie, mais qui s’était opposé aussi de façon virulente à l’accord nucléaire avec l’Iran. Mais dans le cas syrien, cet axe a été renforcé par l’activisme du Qatar et celui de la Turquie.

Heureusement, dans le cas iranien, comme dans le cas syrien, le président Obama a tempéré les ardeurs des très nombreux faucons dans les rangs des républicains et même parfois des démocrates comme Madame Clinton. J’ajouterai que récemment sous pression de l’Arabie saoudite, le Hezbollah libanais a été déclaré “organisation terroriste” par la Ligue des Etats arabes et le Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Koweit, Emirats arabes unis, Bahreïn), sous haute influence saoudienne et celle de l’OTAN. Ce qui est un comble.

Enfin, ne faut-il pas ici rappeler que l’Arabie saoudite a envahi l’émirat de Bahreïn en 2011 pour mettre fin à la révolte d’une large partie de la population de ce pays qui a été exclue de la prospérité pétrolière. Il se fait que cette partie de la population est chiite et il était normal que dans le sillage des révoltes populaires dans presque tous les pays arabes, elle manifeste pour des réformes socio-économiques et politiques. Il convient de même de rappeler la violence extrême pratiquée par l’Arabie saoudite au Yémen sous prétexte de rébellion houthite, soit celle des anciens partisans de l’Imam Yehia, détrôné en 1962 par un coup d’Etat militaire, alors que l’Arabie avait très longtemps soutenu ces houthites dans l’espoir de rétablir un régime monarchique autoritaire dans ce pays.

On présente souvent l’actualité soit du point de vue des affects, soit d’un choc culturel et religieux. Pourtant nos jeunes ont besoin d’analyses économiques et géostratégiques...Comment peut-on former une jeunesse qui changera le cours des événements plutôt que de s’y soumettre ?

J’ai déjà évoqué le binarisme simpliste des analyses des situations complexes du Moyen-Orient. J’ai autrefois suggéré la création d’un Observatoire des conflits qui aurait le courage de dénoncer les interventions déstabilisatrices de grandes puissances ou de puissances régionales qui jetteraient de l’huile sur le feu des situations de tension au lieu de tenter de les apaiser.

Mais j’ajouterai que je pense urgent de lutter contre l’idéologie du choc de civilisations qui s’est infiltrée dans tous les discours et qui est devenue une sorte de prophétie auto-réalisatrice à partir du moment où l’on a déployé des armées et non des moyens de police classique pour lutter contre un terrorisme largement soutenu, au gré des causes, par les membres de l’OTAN. Cette idéologie est hautement fantaisiste et malfaisante, il faut sans répit le démontrer.

D’abord, seuls les Etats entrent en conflit et toujours pour des motifs de puissance profane ; les civilisations elles sont en interaction positive ou s’ignorent suivant les intérêts profanes des dirigeants des Etats. Ensuite, accepter de promouvoir un dialogue des civilisations ou des cultures ou des religions, comme antidote à la thèse du choc, c’est en fait renforcer cette thèse, puisque la raison du dialogue qui prétend contribuer à la paix vient confirmer la thèse que les civilisations, cultures ou religions constitueraient les vraies causes des conflits et non point l’ambition et le manque de scrupule des dirigeants politiques.

Il faut ensuite rappeler, dans ce contexte, que la quasi-totalité des Etats qui se disent musulmans, même lorsqu’ils pratiquent des formes extrêmes et très peu conformes à l’esprit de la religion musulmane, mais aussi totalement incompatibles avec la conception des droits de l’homme, tels que l’Arabie saoudite ou le Pakistan, sont des alliés indéfectibles des Etats-Unis (à l’exception de l’Iran et de la Syrie) ; que les élites de ces pays envoient leurs enfants non point à la Mecque ou à Islamabad faire leurs études, mais bien dans les grandes universités européennes et américaines et que des dizaines de milliers d’entre eux choisissent de demeurer en Europe ou aux Etats-Unis après la fin de leurs études.

Enfin, que pour ce qui est des couches pauvres et marginalisées de la population de ces pays, elles ne rêvent que d’émigrer en Europe ou aux Etats-Unis et souvent au péril de la vie des migrants et de leur famille en traversant la méditerranée. Où se trouve donc le conflit ?

Lorsque l’on rappelle ces faits élémentaires, qui sont toujours passés sous silence dans les médias et souvent dans la recherche académique, on voit bien que l’idéologie huntingtonienne n’est qu’un délire raciste à combattre sans arrêt. Ce n’est qu’une vieille reprise du racisme virulent du XIXè siècle européen qui avait divisé le monde en deux entités imaginaires : la race noble et raffinée des Aryens et la race inférieure des Sémites à l’esprit lourd, incarnée pour Ernest Renan dans l’islam.

Aussi, ne faut-il pas être étonné comme en témoignent les réactions officielles aux dernières opérations terroristes en France et en Belgique, qu’aient été servis les mêmes discours vides et creux que ceux de l’ex-président américain George W. Bush : nous sommes en guerre et les terroristes en veulent à nos valeurs démocratiques et à nos libertés.

Le discours des va-t-en guerre d’hier et d’aujourd’hui se ressemblent en effet comme deux gouttes d’eau. Cette mystification de la violence cache pourtant une caution bien réelle...

Ces discours sont issus en droite ligne de l’idéologie huntingtonienne et sont totalement détachés des réalités et complexités d’un terrorisme si bien manipulé, voire favorisé en certaines situations, qu’il peut désormais s’étendre hors du monde musulman. Si aujourd’hui les organisations terroristes prospèrent, c’est bien du fait de tant d’interventions militaires externes et d’occupations et de manipulation de ces mouvements dont l’origine, il ne faut jamais l’oublier, remonte à la guerre d’Afghanistan de 1979 à 1989.

Aujourd’hui c’est en Irak, Syrie, au Yémen, en Somalie et en Libye et en Afrique sub-saharienne, notamment au Nigeria, que ces organisations prospèrent et ont pu être soutenues au gré des circonstances par tel ou tel membre de l’OTAN, sans parler des soutiens de l’Arabie saoudite et du Qatar. Ces soutiens sont liés au désir des Etats-Unis à la fois de remodelage des Etats arabes et celui d’assurer la pérennisation de la sécurité de l’Etat d’Israël. Rappelons ici que l’idée même de créer cet Etat remonte aux persécutions subies par les communautés juives d’Europe qui ont culminé dans le génocide pratiqué par l’Europe sous domination nazie. L’Etat d’Israël apparaît ainsi aux yeux européens un juste “accomplissement de l’histoire” en réparation des persécutions et de l’Holocauste.

Aux yeux américains, “l’épopée” israélienne accomplit les dires et récits de l’Ancien testament. N’oublions pas que la culture et le nationalisme américains ont puisé une large partie de leurs sources dans le puritanisme protestant des premiers colons, lesquels avaient considéré que le continent américain était une nouvelle Terre promise par Dieu.

Aussi, les Etats-Unis devenus puissance impériale ne pouvaient manquer d’appuyer sans restriction cette résurrection de l’ancienne “Terre promise” hébraïque en Palestine afin que ce nouvel Etat puisse définitivement absorber toute la Palestine. D’où un appui sans limites à la colonisation de la Palestine, en infraction à toutes les règles du droit international contemporain et des principes humanitaires. D’où aussi la qualification de toute résistance locale à la judaïsation de la Palestine comme étant du terrorisme, qu’il s’agisse des Palestiniens qui tentent de façon tout à fait légitime de secouer leur joug et d’empêcher l’irréparable ou du Hezbollah qui a défié avec succès cette hégémonie militaire israélienne. On remarquera ici que ce mauvais usage du terme terroriste est aussi celui de la Turquie qui l’applique au mouvement kurde indépendantiste, ou du moins autonomiste.

Depuis le début du conflit en Syrie, votre pays le Liban a accueilli plus d’un million de réfugiés en provenance du pays voisin. Quelle est la situation au Liban aujourd’hui ?

Le Liban constitue un modèle sur le plan de la capacité qu’il a démontré à recevoir sur son minuscule territoire de 10 000 km² plus d’un million de réfugiés syriens, soit l’équivalent d’un quart de sa population, auxquels s’ajoutent plus de 300 000 réfugiés palestiniens environ et de nombreux réfugiés irakiens et kurdes. L’Etat avec ses moyens très limités fait de son mieux pour ouvrir ses écoles aux enfants des réfugiés, les grandes organisations caritatives libanaises se sont admirablement mobilisées, enfin beaucoup de réfugiés ont trouvé des opportunités d’emploi à basse qualification (ouvriers du bâtiment et de l’agriculture entre autres).

Cet afflux massif de réfugiés n’a pas entraîné une augmentation de la criminalité dans le pays et jusqu’ici ne menace pas la stabilité du pays. Toutefois, leur présence peut probablement faciliter les infiltrations de terroristes au Liban qui a été victime depuis 2011 de nombreux attentats à la voiture piégée. De même, les deux organisations terroristes Al Nosra et Daëch ont réussi à enlever une trentaine de militaires et policiers dont certains ont eu la gorge tranchée aux confins du Liban près de la frontière avec la Syrie. Malheureusement, certaines forces politiques libanaises sous haute influence saoudienne et qatari tentent d’empêcher l’armée libanaise de prendre toutes mesures qui s’imposent face à de telles agressions.

Mais les problèmes du Liban sont très nombreux : blocages constitutionnels puisque la chambre des députés s’est auto-prorogée sans raison valable depuis 2013, année où auraient dû se tenir de nouvelles élections. De plus, ce parlement auto-prorogé n’arrive pas à trouver un consensus sur l’élection d’un président de la république dont le siège est vacant depuis 2014. Enfin, le gouvernement est totalement inefficace à assurer les principaux services publics et la corruption est généralisée. Toutefois, les services de sécurité et l’armée (souvent aidés par le Hezbollah) ont réussi à arrêter la vague d’attentats terroristes en provenance des organisations terroristes présentes en Syrie (au titre d’une prétendue révolution démocratique), sans toutefois parvenir à contrôler encore totalement la frontière avec la Syrie.

Mais lorsque l’on voit le chaos sanglant dans les pays voisins, le Liban tient bon contre vents et marées et malgré l’hostilité que lui manifeste depuis un mois l’Arabie saoudite qui a suspendu de façon surprenante il y quelques semaines l’aide militaire de 3 milliards de dollars accordée en 2013-2014 qu’elle était censée accorder au Liban, via des livraisons d’équipements et de munitions françaises. Les livraisons déjà effectuées par la France à ce titre étant de toutes façon négligeables.

Dans votre dernier livre "Pensée et Politique dans le Monde Arabe" vous offrez un panorama des courants réformistes et progressistes qui ont nourri la philosophie et l’histoire politique du monde arabe. Ces idées, restent-elles une graine d’espoir pour la région ?

Oui, je le pense et le but de mon ouvrage était de combler ce trou de la mémoire historique arabe sur la richesse et la vivacité de la culture et de la pensée arabes, mémoire oblitérée par le déferlement des courants islamiques alimentés à grand frais par les financements saoudiens mais aussi des travaux académiques de piètre qualité qui ont réussi à faire croire que l’esprit arabe était bloqué dans un invariant d’ordre religieux. Mon ouvrage montre que contrairement à tout ce qui peut se dire ou s’écrire l’islam n’est pas une religion monolithique et insécable et « l’esprit arabe » n’est pas fait d’une culture unique de nature théologique.

La culture arabe, avant comme après l’avènement de cette religion, est d’abord une culture basée sur la poésie profane, et notamment la poésie amoureuse, l’art de la rhétorique, la richesse d’une langue qui a servi de véhicule à une civilisation arabo-islamique (aujourd’hui éteinte, ce que l’on oublie) qui a fait avancer de nombreuses sciences dont la médecine, les mathématiques, l’astronomie, la géographie, aussi bien que la philosophie. L’Islam est aussi une religion qui n’a pas eu de mal à coexister avec d’autres religions partout dans le monde jusqu’à ce que l’instrumentalisation de cette religion devienne un élément majeur de la stratégie de lutte américaine contre l’Union soviétique et que beaucoup de régimes arabes (ainsi que l’Iran) fassent eux aussi la promotion de diverses formes de “radicalisme” islamique ou d’instrumentalisation de cette religion comme moyen de maintien de leur hégémonie sur des populations en quête de leur émancipation et de leurs libertés fondamentales. C’est pourquoi ce livre se veut pour les jeunes générations d’arabes une porte sur l’avenir qui ne peut s’ouvrir sans la connaissance de la vraie richesse du patrimoine et de la culture (2).


J’ajouterai que parmi les causes rarement évoquées de l’explosion du nombre de candidats au terrorisme, il y a celles relatives à l’échec répété de l’industrialisation dans le monde arabe. La rente pétrolière dont le montant a explosé depuis 1973, au lieu d’être investie dans l’acquisition des sciences et des technologies de façon à supprimer le chômage massif des jeunes arabes, a largement été employée à financer la littérature des nombreux mouvements d’islam dit “politique” dans la conception étriquée du wahhabisme saoudien ou du régime du gouvernement pakistanais qui voit son pays comme celui des “Purs” en raison de la radicalité de l’islam pratiqué qui supprime elle aussi toute liberté individuelle. Cette rente a souvent aussi été investie dans d’innombrables achats immobiliers en Europe, aux Etats-Unis et dans d’autres pays arabes, dont le Liban.

C’est ainsi que toute l’oeuvre des grands réformistes musulmans arabes du XIXè siècle et de la moitié du XXè siècle a été totalement marginalisée, voire traitée de “non authentique”, parce que supposée avoir été trop influencée par la philosophie des Lumières européennes. A leur place, trois théoriciens illuminés, tels que l’égyptien Sayyed Qotb, membre de la confrérie des Frères musulmans, le Pakistanais Al Mawdoudi, qui tous deux ont prêché la souveraineté de Dieu sur tout gouvernement humain, mais aussi le juriste arabe du XIVè siècle Ibn Taymiyya, ont été intronisés comme incarnant le vrai “islam”, non corrompu par la modernité européenne.

Dans l’oeuvre immense de milliers de juristes musulmans depuis la fin du VIIè siècle, seuls les trois auteurs sont aujourd’hui promus comme incarnant la théologie authentique de la religion musulmane. Un vrai scandale académique, d’autant que l’enseignement universitaire en Europe et aux Etats-Unis s’est pratiquement exclusivement penché sur eux et ne s’est plus intéressé qu’aux mouvements d’islam politique, beaucoup d’universitaires ne faisant plus que des travaux de recherches sur tous les partis et groupuscules se réclamant d’un activisme islamique, en ignorance complète des évolutions et manipulations géopolitiques depuis l’époque de la guerre froide.

C’est plus faire un travail de renseignement et de police qu’un travail utile sur les évolutions des sociétés, les raisons des échecs des expériences diverses d’industrialisation, les causes réelles d’absence d’opportunités d’emplois décents pour faire face à l’explosion démographique, l’absence de capacité d’innovation, etc... Autant de thèmes quasi-absents de toute la recherche académique sur le monde arabe, désormais fondu dans la nébuleuse islamique “mondialisée”.

Il existe certes des travaux de sociologie, mais la plupart sont orientés et menés dans l’optique exclusive de l’hégémonie supposée de la religion musulmane sur tous les aspects de la vie des sociétés arabes : Islam et politique, Islam et société, Islam et le sexe, féminisme défini immédiatement comme islamique, etc..., travaux qui présentent rarement un intérêt académique, autre que celui de confirmer une vision de la religion musulmane, omniprésente et omnipotente, sans référence à tous les financements reçus pour “islamiser” la vie de ces sociétés.

La jeunesse arabe saura-t-elle séparer le bon grain de l’ivraie ?

Il faut espérer que la jeune génération d’Arabes, celle qui est descendue manifester avec enthousiasme dans les rues de toutes les capitales au printemps arabe, saura briser à nouveau le carcan dans lequel cette jeunesse est enfermée depuis un demi-siècle où le seul horizon supposé est celui d’un islam dit modéré opposé à un islam dit radical. Sur ce plan, la dénonciation de l’utilisation aberrante de la richesse issue de la rente pétrolière et gazière devrait devenir un thème majeur des recherches académiques. Car, rappelons-le, le PIB par habitant dans la majorité des pays arabes était plus élevé au début des années 1960 que celui des Coréens du sud, des Singapouriens, des Taïwanais et des Chinois continentaux qui ont bâti des économies dynamiques et innovantes et intégré le monde des sciences et de la technologie.

Que s’est-il donc passé pourrait-on dire, plagiant l’interrogation malveillante – et mal placée - de l’orientaliste néo-conservateur proche d’Israël, Bernard Lewis, à propos des relations entre les Musulmans et l’Occident ? La rente pétrolière plutôt que d’assurer le développement socio-économique, technologique et scientifique des sociétés arabes a été dépensée à fabriquer du radicalisme religieux se réclamant de l’islam pour garder ces sociétés en esclavage et leur refuser l’accès à une vie digne.

Ce faisant les gouvernements concernés se sont gagnés la protection des Etats-Unis et de l’Europe qu’ils ont servilement aidé à réaliser leurs ambitions géopolitiques. Le chaos sanglant qui règne dans le monde arabe et dont ils portent une large part de responsabilité avec leurs protecteurs de l’OTAN permet à l’Etat d’Israël de continuer sans obstacle la colonisation du territoire palestinien tout entier. En contrepartie de services aussi éminents, le gouvernement américain et de nombreux gouvernements européens non seulement se sont tus sur la nature oppressive et autoritaire d’un pouvoir comme celui de l’Arabie saoudite, mais ils lui accordent, ainsi qu’au Pakistan et à la Turquie, qui se considère de plus en plus défenseur de l’islam politique, une protection morale internationale.

Il faut donc travailler des deux côtés de la Méditerranée à expliciter les enjeux brouillés et de plus en plus complexes des situations encourageant l’extension du terrorisme, dans l’espoir de faire advenir des changements qui mettront en échec les manigances des apprentis sorciers qui nous gouvernent ici et là, manigances dont les résultats semblent désormais les dépasser de plus en plus.

Notes :

1) Voir Georges Corm, Pour une lecture profane des conflits. Sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains au Moyen-Orient, La Découverte, Paris, 2013 ; on pourra voir aussi mon ouvrage antérieur Le phénomène religieux au XXIè siècle. Géopolitique et crise de la post-modernité. La Découverte, Paris, 2006.

2) Voir Georges Corm, Pensée et politique dans le monde arabe. Contextes historiques et problématiques. XIXè-XXIè siècle, La Découverte, Paris, 2015.

Source : Investig’Action

Partager cet article
Repost0
30 mars 2016 3 30 /03 /mars /2016 17:30

Par Alain Chouet

 

mardi 14 octobre 2014, par Comité Valmy

Origine Esprit Corsaire

(Il n'est jamais trop tard pour savoir)

 

Les frappes aériennes de la coalition montée par Barak Obama sont impuissantes à stopper la progression des djihadistes de l’Etat Islamique. Le drame de Kobané témoigne de la nature et de la force de cet ennemi, qui a mis sur pieds une véritable armée. Dans un entretien publié par « Atlantico », Alain Chouet décrypte ce qui se cache derrière l’acronyme « Daesh ».

 

Que nous enseigne l’affaire de Kobané sur la nature et sur l’organisation des forces islamistes en présence ? L’image du djihadiste se cachant dans les montagnes doit-elle définitivement être mise en placard ?

 

Alain Chouet : Il y a longtemps qu’en Irak et en Syrie les djihadistes ne se cachent plus dans les montagnes. Longtemps soutenus financièrement et logistiquement par divers Etats, bénéficiant d’un important apport de volontaires étrangers grâce à la complaisance des autorités du gouvernement islamiste turc, profitant de l’effondrement de la capacité de contrôle territorial des pouvoirs locaux, les djihadistes de l’Etat Islamique se sont constitués en une véritable armée avec une implantation territoriale définie, une hiérarchie, des véhicules et armes abandonnés par les armées régulières débandées, ou fournies par des intervenants extérieurs, des ressources locales fournies par leur contrôle du terrain.

Cette photo de Kobané a été prise par un photographe dont nous ne connaissons pas le nom.

 

Malgré des effectifs nombreux, un armement lourd et un encadrement assuré selon certaines sources par d’anciens officiers de Saddam Hussein, peut-on aller jusqu’à qualifier l’Etat islamique d’armée au sens traditionnel ?

 

Ils ne sont pas si nombreux que cela. On évalue les effectifs actuels de l’EI dans une fourchette de 15000 à 20000 individus de qualité militaire très inégale. Ces effectifs peuvent parfois compter sur le renfort de chefs de tribus ou de villages locaux dont les islamistes se payent les services avec le produit de leurs rapines.

 

Leurs rangs et leurs capacités militaires ont été considérablement renforcés par l’apport de nombreux officiers et sous-officiers sunnites de l’armée de Saddam Hussein brutalement licenciés par l’administration américaine en Irak ainsi que par de nombreux vétérans des autres théâtres de djihad (Tchétchénie, Bosnie, Afghanistan, Libye, etc.). Nombre de ces "vétérans" sont en fait des mercenaires rémunérés (les chiffres varient de 500 à 2000 dollars par mois) et surtout autorisés à se "payer sur la bête" par le viol, le pillage, le racket et les trafics.

 

Les forces de l’Etat Islamique peuvent donc effectivement s’analyser en une véritable armée ou, au moins, comme l’une de ces "grandes compagnies" de mercenaires qui terrorisaient et pillaient l’Europe du Moyen Age.

 

Quelles sont leurs sources de financement locales et internationales ?

Il ne fait plus de doute aujourd’hui que l’Arabie Saoudite et le Qatar ont largement contribué financièrement et logistiquement à l’émergence et au développement des mouvements djihadistes en Irak et en Syrie en vue de déstabiliser les pouvoirs locaux suspects de connivence avec l’Iran. L’EI a même bénéficié dans ce domaine d’une surenchère entre les Saoudiens et les Qataris.

 

Pour des raisons diverses, ces deux monarchies arabes ont interrompu à l’été 2013 leurs financements d’Etat ou via des fondations publiques au profit de ces organisations djihadistes. Mais le relais a été pris à une moindre échelle par des donateurs privés de ces deux pays et du Koweït. Le Département du Trésor américain a récemment publié des listes de ressortissants de ces pays soupçonnés ou convaincus de financer l’EI en Irak et Jabhat el-Nosra en Syrie.

 

Et entre temps l’EI a mis a profit sa capacité d’offensive pour s’enrichir considérablement par le pillage, le racket et les trafics, notamment celui des ressources pétrolières et gazières.

 

Plutôt "qu’Etat islamique", "califat" ou "Daesh", faudrait-il davantage parler "d’entreprise" ou de "multinationale du terrorisme" ? En quoi ce groupe diffère-t-il d’Al-Qaida à ses plus belles heures ?

 

Al-Quaïda était un mouvement terroriste stricto sensu, c’est-à-dire u groupe restreint ayant une stratégie globale mais pas de tactique définie, mettant en œuvre des non-professionnels de la violence sacrifiables en vue de commettre dans le monde entier des attentats aveugles comme ils pouvaient, où ils pouvaient, quand ils pouvaient, pourvu que la violence soit spectaculaire, médiatisée et porte la signature et le message de la mouvance.

 

L’EI est, au contraire, une véritable armée de professionnels de la violence avec un chef, une mission, des moyens, un agenda et des objectifs précis dans un espace limité. Le seul fait de se désigner sous le nom d’Etat montre bien que ses responsables entendent se donner un ancrage institutionnel (Dawla) à fondement islamique (al-Islamiyyah) et géographique en Irak et en Syrie (fil-Iraq wa ash-Sham). Le tout formant l’acronyme arabe "Da’ish". Ce n’était pas du tout le cas de Ben Laden, au moins dans sa version finale des années 1998-2001 qui prônait une violence déterritorialisée contre le monde entier.

 

Pour autant, il serait prématuré et inexact de parler de "multinationale du terrorisme". D’abord parce que - même si les ressorts et les affirmations idéologiques sont identiques - les objectifs, les méthodes et l’agenda de l’Etat Islamique ne sont pas ceux d’Aqmi, des Shebab somaliens ou de Boko Haram. Ensuite parce que les actions de l’EI s’analysent pour l’instant (j’insiste : pour l’instant…) en opérations militaires à visage découvert, certes d’une barbarie et d’une sauvagerie rarement égalées, contre des ennemis désignés et déclarés et non en opérations terroristes aveugles contre des tiers n’ayant qu’un lointain rapport avec les problématiques locales.

 

Sur le terrain, quelles sont les méthodes des djihadistes pour faire régner la discipline et la Charia ? Quel sort est réservé aux prisonniers selon leur statut et origine, et aux femmes ?

 

Les méthodes de l’EI pour assurer l’ordre public sont assez sommaires et conformes à la charia : flagellation des petits contrevenants, amputation diverses (mains, pieds, nez, lèvres) pour les cas plus graves, flagellation ou lapidation pour les femmes "frivoles", décapitation pour les infractions majeures. Les prisonniers musulmans sunnites sont invités à rejoindre les rangs de l’Etat Islamique sous peine de mort. Les autres, en particulier les "hérétiques" (Yazidis, Chiites, Alaouites, Ismaéliens) sont exécutés sur le champ. Les Chrétiens sont sommés de se convertir et de payer une taxe spéciale et sont exécutés s’ils refusent.

 

pour aller plus loin : http://www.atlantico.fr

Par Alain Chouet
Date de parution : 13/10/2014

 Alain Chouet Diplômé en droit, science politique et langues orientales (arabe), Alain Chouet a fait toute sa carrière à la DGSE. Il a servi en poste détaché dans les Ambassades de France au Liban, en Syrie, au Maroc, en Belgique ainsi qu’à la Mission française près les Nations Unies à Genève avant d’occuper des fonctions de conseiller technique des Directeurs de la stratégie et du renseignement avant d’être nommé Chef du service de renseignement de sécurité, en charge du recueil du renseignement et de la mise en oeuvre des contre-mesures dans les domaines de la criminalité organisé, l’espionnage et le terrorisme. Spécialiste des problèmes islamiques et des questions de sécurité, il a été consultant du Centre d’analyse et de prévision du Ministère des Affaires Etrangères et - depuis sa retraite en 2002 - a publié divers articles dans des revues et ouvrages spécialisés dont Maghreb-Mashrek, Politique Etrangère, Questions Internationales ou la Revue de Défense Nationale. Dernier livre paru : « Au cœur des services spéciaux : la menace islamiste, fausses pistes et vrais dangers », seconde édition augmentée. Éditions La Découverte, Paris, 2013.

 

Partager cet article
Repost0
29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 14:48

 

selon certains partisans de l’Europe…

Par Pierre Lévy

Spécialiste des questions européennes, Pierre Lévy dirige la rédaction du mensuel Ruptures. Précédemment, il a été journaliste au sein du quotidien L’Humanité, ingénieur et syndicaliste. Il est l’auteur de deux essais et d’un roman.

25 mars 2016

 

© Frederic SierakowskiSource: Reuters

L'aéroport de Bruxelles suite à l'attentat du 22 mars 2015

 

Les attentats de Paris et de Bruxelles pourraient servir la cause de certains partisans de l'Europe unie, estime le spécialiste des questions européennes Pierre Lévy.

 

Après les tragiques attentats de Bruxelles, il convient avant tout de s’incliner devant le drame des victimes et la douleur de leurs proches.

 

Pour autant, l’émotion ne doit pas empêcher la réflexion. A ce stade, l’on peut déjà formuler quelques remarques et questions. La première porte sur l’abyssale disproportion entre les événements bruts, et le flot continu de «directs» et d’éditions spéciales qui ont saturé l’espace médiatique, et balayé quasiment tous les autres événements. Etrangement, on ne cesse d’expliquer que les djihadistes tentent d’impressionner, de subjuguer et de terroriser les citoyens ; et les mêmes n’hésitent pas à ainsi sur-relayer cette guerre psychologique.

 

Si encore les grands journaux, radios et télés apportaient des questionnements nourrissant la réflexion, ceux-ci seraient légitimes et bienvenus. Or seule la question du «comment ?» est évoquée : comment ont-ils procédé, comment ont-ils pu échapper, comment leur faire échec ?... En revanche, la question essentielle du «pourquoi ?» passe à la trappe.

 

Croit-on vraiment que le groupe Etat islamique est uniquement composé de fanatiques écervelés dont le seul moteur est la «haine de l’autre», et le seul espoir, l’arrivée expresse au paradis coranique ?

Comme si l’invocation compulsive de «la haine» suffisait à solder l’analyse ; comme si la psychologie suffisait à expliquer les guerres ; comme si, ces dernières n’avaient pas, toujours, des causes matérielles et des intérêts sous-jacents. Car on ne cesse de nous le répéter : «nous sommes en guerre». Mais si tel est le cas, la première des questions à se poser est : quel est, quels sont, les véritables «buts de guerre».

 

La doxa politico-médiatique explique qu’il s’agit de répandre la terreur. Mais, ça, c’est une stratégie – pas un objectif. En faisant passer les moyens pour les fins, on ne risque guère d’éclairer les citoyens. Croit-on vraiment que le groupe Etat islamique est uniquement composé de fanatiques écervelés dont le seul moteur est la «haine de l’autre», et le seul espoir, l’arrivée expresse au paradis coranique ? N’y a-t-il pas, au moins, quelques têtes pensantes, et qui sait, quelques amis discrets, qui réfléchissent en termes de buts à atteindre, d’intérêts à défendre, de services à rendre ?

 

Le plus étrange est que la question ne soit jamais posée – en tout cas dans le débat public.

Ce que chaque citoyen peut en revanche constater, ce sont les conséquences de la situation ainsi créée. Deux au moins crèvent les yeux. La première est le fol emballement sécuritaire, aussi dangereux qu’inefficace. L’image des hélicoptères vrombissants dont les projecteurs balayent nuitamment des quartiers entiers est quasi-orwellienne. A Paris, les fusils-mitrailleurs et les uniformes kaki se banalisent dans les rues et dans les transports ; faudra-t-il bientôt passer à la fouille avant d’attraper le métro ?

 

La seconde conséquence tient à la relégation au second plan des actuels problèmes sociaux et économiques.

 

Quant aux causes de la violence métastasée en attentats criminels, elles sont évidemment complexes et multiples. Il importe cependant de rappeler encore et toujours que, parmi celles-ci, figure le chaudron moyen-oriental. Qui peut prétendre que la gangrène qui n’a cessé de s’aggraver depuis des décennies de la Palestine à la Syrie et à l’Irak – et plus récemment, de la Libye jusqu’au Pakistan – n’est pour rien dans la barbarie perpétrée par les djihadistes ? Affirmer ceci ne constitue ni de près ni de loin un début d’excuse pour ces derniers. Mais l’occulter revient à se condamner à la poursuite de l’enfer.

 

Ecrire que c’est l’UE qui était visée permet à quelques plumes de pointer la solution miracle : « il faut plus d’Europe »

 

Depuis la première invasion de l’Irak en 1991 jusqu’au pilonnage du Yemen qui se poursuit aujourd’hui dans une totale indifférence, les puissances occidentales, et/ou leurs alliés et affidés n’ont cessé de multiplier guerres et ingérences brutales. Peut-on oublier que Daech est l’enfant de la seconde invasion de l’Irak et de la déstabilisation de la Syrie, de même qu’Al-Qaïda avait eu sa rampe de lancement en Afghanistan ? Faut-il rappeler que, dans ce dernier cas, les dirigeants américains admettent désormais avoir aidé (c’est un euphémisme) les Taliban afghans avec l’objectif de déstabiliser ce qui était alors l’URSS ? Ce fut l’acte de naissance du djihadisme moderne, créé et instrumentalisé pour des intérêts qui ne sont pas totalement mystérieux.

 

Soyons justes, de nombreux commentateurs ont quand même «découvert» le véritable objectif des kamikazes de Bruxelles, et le répètent en chœur : «c’est symboliquement l’Europe qui était visée.» Cette propension des dirigeants de l’UE et de ses propagandistes à se croire le centre du monde n’est certes pas nouvelle, même si, en l’espèce, elle est touchante de ridicule. Car les explosifs qui ont ensanglanté Bruxelles avaient précédemment touché l’avion de touristes russes revenant d’Egypte, et même tout récemment, Istanbul – était-ce déjà l’UE qui était visée ?

 

Qu’importe qu’aucun personnel des institutions communautaires n’ait été touché ; qu’importe que le communiqué de revendication ne fasse aucune allusion à l’Union européenne : écrire que c’est l’UE qui était visée permet à quelques plumes de pointer la solution miracle (quel que soit le problème, d’ailleurs) : « il faut plus d’Europe ». Mettre en place une Europe fédérale, telle est la piste que pointe ainsi Arnaud Leparmentier, directeur éditorial du Monde (dans sa chronique du 24/03/2016), en déplorant toutefois que « les pressions populistes » (comprendre : les réticences populaires) bloquent cette voie. Parmi les idées suggérées : «la création d’un FBI européen» (tiens, il n’a pas écrit : «la création d’un FSB européen»…).

 

Pour sa part, Jean-Michel Servant, rédacteur en chef adjoint du quotidien régional Le Midi Libre dévoile sans ambages l’état d’esprit de certains orphelins de l’Europe : « ce terrorisme aveugle est aussi une opportunité pour la construction européenne ».

 

Une opportunité. Il fallait l’écrire.

 

Repris sur RT ex Russia To Day

 

 

Partager cet article
Repost0
27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 13:25

L'armée syrienne a repris le contrôle total de Palmyre après en avoir chassé les jihadiste du groupe état islamique qui tenaient cette ville antique depuis près d'un an.

 

Source sputnik

 

"Après de violents combats nocturnes, l'armée contrôle entièrement la ville de Palmyre, y compris le site antique et la partie résidentielle. Ils (les jihadistes) se sont retirés", a affirmé à l'AFP une source militaire à Palmyre.

 

D'après cette source, les combattants de l'EI "se sont repliés vers Sokhné, Raqa et Deir Ezzor", leurs fiefs dans le nord et l'est de la Syrie.

 

"Les unités d'ingénierie de l'armée sont en train de désamorcer des dizaines de bombes et de mines à l'intérieur de la cité antique" qui contient des trésors détruits en partie par le groupe extrémiste.

 

 

© Sputnik. Mikhaïl Voskresensky

 

Les forces prorégime, appuyées par l'aviation russe, ont lancé le 7 mars une offensive pour reprendre Palmyre à l'EI, qui s'était emparé en mai 2015 de la ville et ses ruines antiques classées au patrimoine mondial de l'Unesco. 

 

La ville de Palmyre, dont les vestiges sont classés au patrimoine mondial par l'Unesco, a une importance aussi bien historique que stratégique. Un désert s'étend au nord et au nord-ouest de Palmyre. La reprise de la ville a privé Daech du contrôle de 20% des territoires occupés. Le commandement des forces armées syriennes pourrait ainsi entamer une progression vers la ville de Raqqa, "capitale" de Daech, et procéder au déblocage de Deir ez-Zor, assiégée par les terroristes

 

Partager cet article
Repost0
24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 17:31

par Thierry Meyssan

En signant un accord —au demeurant illégal en droit international— avec la Turquie pour ralentir l’afflux de migrants, les dirigeants de l’Union européenne se sont engagés un peu plus dans un pacte avec le diable. Une grande partie des 3 milliards d’euros annuels alloués à Ankara servira à financer le soutien aux jihadistes et, par conséquent, à augmenter le nombre de migrants fuyant la guerre. Surtout, en abrogeant dans les prochains mois les visas avec la Turquie, les Européens instituent la libre-circulation entre les camps d’Al-Qaïda en Turquie et Bruxelles. En écrasant les peuples irakien et syrien sous l’oppression des jihadistes qu’ils financent indirectement et en abandonnant le peuple turc à la dictature du président Erdoğan, ils préparent les bases d’un très vaste affrontement dont ils seront les victimes.

Réseau Voltaire | Damas (Syrie) | 21 mars 2016

 

 

Lors de la conférence de presse du 18 mars 2016, le président de l’Union européenne, Donald Tusk (un Polonais qui défend les intérêts de l’Allemagne), semblait tenter de calmer la fureur du président de la Commission, Jean-Claude Juncker (un Luxembourgeois qui défend les intérêts des États-Unis). Pour la plus grande joie d’un Premier ministre turc goguenard, Ahmet Davutoğlu.

 

« La démocratie est un tramway, on l’emprunte pour aller là où on veut aller et on en descend. »
Recep Tayyip Erdoğan (1996)

 

Le Conseil européen des 17 et 18 mars 2016 a adopté un plan visant à résoudre le problème posé par l’afflux massif de migrants en provenance de Turquie [1]. Les 28 chefs d’État et de gouvernement se sont soumis à toutes les demandes d’Ankara.

 

Nous avions déjà analysé la manière dont les États-Unis entendaient utiliser les événements du Proche-Orient pour affaiblir l’Union européenne [2]. Au début de l’actuelle crise des « réfugiés », nous avons été les premiers à observer à la fois que cet événement avait été délibérément provoqué et les problèmes insolubles qu’il allait poser [3]. Malheureusement, toutes nos analyses ont été vérifiées et nos positions ont été, depuis, largement adoptées par nos détracteurs d’alors.

 

Allant plus loin, nous voulons étudier la manière dont la Turquie s’est emparée du jeu et l’aveuglement de l’Union européenne qui persiste à avoir un coup de retard.

 

Le jeu de Recep Tayyip Erdoğan

Le président Erdoğan n’est pas un homme politique comme les autres. Et il ne semble pas que les Européens, ni les peuples, ni leurs dirigeants, en aient pris conscience.

 

• Premièrement, il est issu de la Millî Görüş, un mouvement islamique panturquiste lié aux Frères musulmans d’Égypte et favorable au rétablissement du Califat [4]. Selon lui —comme d’ailleurs selon ses alliés du Milliyetçi Hareket Partisi (MHP)—, les Turcs sont les descendants des Huns d’Attila, eux-mêmes enfants du loup des steppes d’Asie centrale, dont ils partageaient l’endurance et l’insensibilité. Ils forment une race supérieure appelée à gouverner le monde. Leur âme est l’islam.

 

Le président Erdoğan est le seul chef d’État au monde à se revendiquer d’une idéologie suprémaciste ethnique, parfaitement comparable à l’aryanisme nazi. Il est également le seul chef d’État au monde à nier les crimes de son histoire, notamment les massacres des non-musulmans par le sultan Abdülhamid II (les massacres hamidiens de 1894-95 : au moins 80 000 chrétiens tués et 100 000 chrétiennes incorporées de force dans les harems), puis par les Jeunes Turcs (génocide des Arméniens, des Assyriens, des Chaldéens, des Syriaques, des Grecs pontiques et des Yézidis de 1915 à 1923 : au moins 1 200 000 morts) ; un génocide qui fut exécuté avec l’aide d’officiers allemands, dont Rudolf Höß, futur directeur du camp d’Auschwitz [5].

 

En célébrant le 70ème anniversaire de la libération du cauchemar nazi, le président Vladimir Poutine soulignait que « les idées de suprématie raciale et d’exclusivisme ont provoqué la guerre la plus sanglante de l’Histoire » [6]. Puis, lors d’une marche —et sans nommer la Turquie—, il appelait tous les Russes à se tenir prêts à renouveler le sacrifice de leurs grands-parents si nécessaire afin de sauver le principe même de l’égalité entre les hommes.

 

• Deuxièmement, le président Erdoğan, qui n’est soutenu que par un tiers de sa population, gouverne seul son pays par la contrainte. Il est impossible de savoir précisément ce que pense le peuple turc, puisque la publication de toute information mettant en cause la légitimité du président Erdoğan est désormais considérée comme une atteinte à la sécurité de l’État et conduit immédiatement en prison. Cependant, si l’on se réfère aux dernière études publiées, en octobre 2015, moins d’un tiers de l’électorat le soutient. C’est nettement moins que les nazis en 1933, qui disposaient alors de 43 % des voix. Raison pour laquelle, le président Erdoğan n’a pu gagner les élections législatives qu’en les truquant grossièrement. Entre autres :


- Les médias d’opposition ont été muselés : les grands quotidiens Hürriyet et Sabah ainsi que la télévision ATV ont été attaqués par des nervis du parti au pouvoir ; des enquêtes ont visé des journalistes et des organes de presse accusés de soutenir le « terrorisme » ou d’avoir tenu des propos diffamatoires contre le président Erdoğan ; des sites web ont été bloqués ; des fournisseurs de services numériques ont supprimé de leur offre les chaînes de télévision d’opposition ; trois des cinq chaînes de télévision nationales, dont la chaîne publique, ont été, dans leurs programmes, clairement favorables au parti au pouvoir ; les autres chaînes de télévision nationale, Bugün TV et Kanaltürk, ont été fermées par la police.


- Un État étranger, l’Arabie saoudite, a déversé 7 milliards de livres de « dons » pour « convaincre » les électeurs de soutenir le président Erdoğan (soit environ 2 milliards d’euros).


- 128 permanences politiques du parti de gauche (HDP) ont été attaquées par des nervis du parti du président Erdoğan. De nombreux candidats et leurs équipes ont été passés à tabac. Plus de 300 commerces kurdes ont été mis à sac. Plusieurs dizaines de candidats du HDP ont été arrêtés et placés en détention provisoire durant la campagne.


- Plus de 2 000 opposants ont été tués durant la campagne électorale, soit par des attentats, soit du fait de la répression gouvernementale visant le PKK. Plusieurs villages du sud-est du pays ont été partiellement détruits par des blindés de l’armée.

 

Depuis son « élection », une chape de plomb s’est abattue sur le pays. Il est devenu impossible de s’informer sur l’état de la Turquie par sa presse nationale. Le principal quotidien d’opposition, Zaman, a été placé sous tutelle et se borne désormais à louer la grandeur du « sultan » Erdoğan. La guerre civile, qui fait déjà rage à l’Est du pays, s’étend par des attentats à Ankara et jusqu’à Istanbul, dans la totale indifférence des Européens [7].

 

M. Erdoğan gouverne presque seul, entouré d’un groupe restreint, dont le Premier ministre Ahmet Davutoğlu. Il a publiquement déclaré durant la campagne électorale qu’il n’appliquait plus la Constitution et que tous les pouvoirs lui revenaient désormais.

 

Le 14 mars 2016, le président Erdoğan a déclaré que face aux Kurdes : « La démocratie, la liberté et l’état de droit n’ont plus la moindre valeur ». Il a annoncé son intention d’élargir la définition légale des « terroristes » pour inclure tous ceux qui sont « des ennemis des Turcs » —c’est-à-dire les Turcs et les non-Turcs qui s’opposent à leur suprémacisme—.

 

Pour un demi-milliard d’euros, Recep Tayyip Erdoğan s’est fait construire le plus grand palais jamais occupé par un chef d’État dans l’histoire mondiale. Le « palais blanc », en référence à la couleur de son parti, l’AKP. Il s’étend sur 200 000 mètres carrés et comprend toutes sortes de services, dont des bunkers sécurisés ultra-modernes reliés à des satellites.

 

• Troisièmement, le président Erdoğan utilise les pouvoirs qu’il s’est anti-constitutionnellement octroyés pour transformer l’État turc en parrain du jihadisme international. En décembre 2015, la police et la Justice turques avaient pu établir les liens personnels de M. Erdoğan et de son fils Bilal avec Yasin al-Qadi, le banquier global d’Al-Qaïda. Il a donc limogé les policiers et les magistrats qui avaient osé « porter atteinte aux intérêts de la Turquie » (sic), tandis que Yasin al-Qadi et l’État intentaient un procès au quotidien de gauche BirGün pour avoir reproduit mon éditorial, « Al-Qaida, éternel supplétif de l’Otan ».

 

En février dernier, la Fédération de Russie déposait un rapport de Renseignement au Conseil de sécurité de l’Onu attestant du soutien de l’État turc au jihadisme international, en violation de nombreuses résolutions [8]. J’ai publié une étude précise sur ces accusations, immédiatement censurée en Turquie [9].

 

La réponse de l’Union européenne

L’Union européenne avait envoyé une délégation pour surveiller les élections législatives de novembre 2015. Elle a longuement différé la publication de son rapport, puis s’est résolue à en publier une brève version édulcorée.

 

Paniqués par les réactions de ses populations réagissant durement à l’entrée massive de migrants —et, pour les Allemands, à l’abolition du salaire minimum qui en a résulté—, les 28 chefs d’État et de gouvernement de l’Union ont mis au point avec la Turquie une procédure pour qu’elle résolve leurs problèmes. Le Haut-Commissaire des Nations unies pour les Réfugiés, Filippo Grandi, a immédiatement relevé que la solution choisie viole le droit international, mais en supposant que les choses puissent être améliorées, ce n’est pas là le problème principal.

 

L’Union s’est engagée à
- verser 3 milliards d’euros annuels à la Turquie pour l’aider à faire face à ses obligations, mais sans mécanisme de vérification de l’usage de ces fonds ;


- mettre fin aux visas requis aux Turcs pour entrer dans l’Union [10] —ce n’est plus qu’une question de quelques mois, voire de semaines— ;


- accélérer les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union —ce sera par contre beaucoup plus long et aléatoire—.

 

En d’autres termes, aveuglés par la récente défaite électorale d’Angela Merkel [11], les dirigeants européens se sont contentés de trouver une solution provisoire pour ralentir le flux des migrants, sans chercher à résoudre l’origine du problème et sans tenir compte de l’infiltration de jihadistes parmi ce flux.

 

Le précédent de Munich

Dans les années 30, les élites européennes et états-uniennes considéraient que l’URSS, par son modèle, menaçait leurs intérêts de classe. Elles soutenaient donc collectivement le projet nazi de colonisation de l’Europe orientale et de destruction des peuples slaves. Malgré les appels répétés de Moscou à la création d’une vaste alliance contre le nazisme, les dirigeants européens acceptèrent toutes les revendications du chancelier Hitler, y compris l’annexion de régions peuplées par les Sudètes. Ce furent les accords de Munich (1938), conduisant l’URSS a pratiquer le sauve-qui-peut et à conclure de son côté le Pacte germano-soviétique (1939). Ce n’est que trop tardivement, que certains dirigeants européens, puis états-uniens, réalisèrent leur erreur et décidèrent de s’allier avec Moscou contre les nazis.

 

Sous nos yeux, les mêmes erreurs se répètent. Les élites européennes considèrent la République arabe syrienne comme un adversaire, soit qu’elles défendent le point de vue colonial d’Israël, soit qu’elles espèrent recoloniser elles-mêmes le Levant et s’approprier ses gigantesques réserves de gaz encore inexploitées. Elles ont donc soutenu l’opération secrète états-unienne de « changement de régime » et ont feint de croire à la fable du « printemps arabe ». Après cinq ans de guerre par procuration, constatant que le président Bachar el-Assad est toujours là bien qu’on ait annoncé un millier de fois sa démission, les Européens ont décidé de financer à hauteur de 3 milliards d’euros annuels le soutien turc aux jihadistes. Ce qui, selon leur logique, devrait permettre leur victoire et donc mettre fin aux migrations. Elles ne tarderont pas à réaliser [12], mais trop tard, qu’en abrogeant les visas pour les ressortissants turcs, elles ont autorisé la libre-circulation entre les camps d’Al-Qaïda en Turquie et Bruxelles [13].

 

La comparaison avec la fin des années 30 est d’autant plus juste que lors des accords de Munich, le Reich nazi avait déjà annexé l’Autriche sans provoquer de réaction notable des autres États européens. Or, aujourd’hui la Turquie occupe déjà le Nord-Est d’un État membre de l’Union européenne, Chypre, et une bande de quelques kilomètres de profondeur en Syrie qu’elle fait administrer par un wali (préfet) nommé à cet effet. Non seulement, l’Union s’en accommode, mais par son attitude, elle encourage Ankara a poursuivre ses annexions au mépris du droit international. La logique commune du chancelier Hitler et du président Erdoğan est basée sur l’unification de la « race » et l’épuration de la population. Le premier voulait unir les populations de « race allemande » et les épurer des éléments « étrangers » (les juifs et les Roms), le second veut unir les populations de « race turque » et les épurer des éléments « étrangers » (les Kurdes et les chrétiens).

 

En 1938, les élites européennes croyaient en l’amitié du chancelier Hitler, aujourd’hui en celle du président Erdoğan.

Thierry Meyssan

 

Partager cet article
Repost0
23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 17:51

Motion de l’association des professeurs de Lettres sur la politique éducative du gouvernement par l’Assemblée générale,

Samedi 19 mars 2016

 

L'Association des Professeurs de Lettres réunie en assemblée générale s'élève solennellement contre l'œuvre de démolition menée tous azimuts depuis plusieurs mois. Elle constate en effet la convergence de politiques conduites de manière autoritaire par le gouvernement qui se montre hermétiquement fermé à la concertation avec les associations comme aux objections des savants les plus éminents du pays, tient le Parlement à l'écart de décisions qui pourtant impliquent l'avenir de la nation et profère, à propos de la réforme du collège, les affirmations les plus éhontées devant l'opinion publique.

 

Ainsi, la réforme de l'évaluation, la mise en place des EPI et les nouveaux programmes scellent la suprématie de compétences transversales et comportementales sur les savoirs disciplinaires qui seuls peuvent élever les enfants confiés à ses écoles à la dignité de citoyens éclairés et qu'elle assujettit aux slogans de la bien-pensance officielle.

 

Ainsi, l'éviction du latin et du grec hors de nos collèges est emblématique d'une volonté d'interrompre la transmission d'un patrimoine linguistique, littéraire, artistique, juridique rendu illisible par l'oblitération des références qui l'ont continûment irrigué.

 

Ainsi, la réforme du collège, en jetant 20% du temps scolaire en pâture aux conseils pédagogiques et à ceux qui, localement, les influencent, disloque l'éducation nationale et abolit l'égalité devant l'instruction.

 

Ainsi, en supprimant tous les dispositifs et tous les enseignements qui excèdent un socle commun sur lequel rien décidément ne doit reposer, le ministère fabrique une école de charité, une école pour pauvres, que les classes aisées et les classes moyennes vont fuir plus résolument encore.

 

L'Association des Professeurs de Lettres dénonce une politique d'abdication, qui soumet l'école de la République, c'est-à-dire la formation du citoyen, à la logique délétère de marchandisation prônée par les rapports de l'OCDE. À l'heure où devraient prévaloir la lutte contre l'obscurantisme et le rassemblement de tous les Français autour d'un patrimoine dont la portée est universelle, elle rappelle au gouvernement que « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État » et qu'en France la nation est largement fille de ses lettres.

 

http://www.aplettres.org/index.php

Partager cet article
Repost0
21 mars 2016 1 21 /03 /mars /2016 18:22

Origine Spoutnik 07:23 19.03.2016

Lors de la prochaine bataille pour Palmyre, l'unité des Faucons du désert (milice loyale au pouvoir de Damas) sera la principale force militaire. Connue dans le monde entier pour ses joyaux de l'antiquité, cette ville syrienne est occupée par les terroristes depuis mai 2015.

 

Les Faucons du désert constitueront la principale force de frappe lors de l'opération de libération de Palmyre qui se trouve actuellement sur le joug islamiste. Sous commandement de l'armée syrienne, ces miliciens sont prêts à prendre d'assaut la ville, déclare Mohammad Djaber, fondateur et commandant en chef de cette brigade.

 

"Nous avons reçu l'ordre d'avancer vers Palmyre pour la libérer du groupe terroriste Etat islamique (interdit en Russie, ndlr). Lors de la prochaine bataille, nous serons la force de frappe de la progression offensive. Bientôt nous entamerons l'assaut de la ville. Très prochainement, nous annoncerons à tous nos amis que Palmyre est passée sous notre contrôle", dit M. Djaber.

 

Qui sont ces Faucons du désert

L'unité des Faucons du désert a été formée il y a trois ans par Mohammad Djaber. La troupe compte de 4.000 à 5.000 combattants de toutes les confessions et de toutes les provinces de la Syrie.

 

"La Russie fournit son soutien à l'Armée syrienne dans le cadre de la coopération militaire et technique. Le commandement des forces armées nous transmet une partie de l'aide reçue, si bien que nous considérons que les victoires signés par les +faucons+ sont devenues possibles grâce à l'aide russe", souligne-t-il.

 

Offensive sur Palmyre

L'avancée vers Palmyre est menée de l'ouest, de l'est et du sud. Sur certains tronçons du front, les troupes de l'Armée arabe syrienne et des milices sont déjà à deux kilomètres de la ville. Les troupes d'élite Tigres, sous le commandement de Souheil Al-Hassan, avancent depuis l'ouest. De l'est avancent les milices formées à base de tribus arabes. Les Faucons du désert viennent du sud.

 

L'armée syrienne avance vers Palmyre

C'est la direction sud qui est la plus complexe, une partie des hauteurs se trouvant des deux côtés de la voie étant occupées par Daech. Qui plus est, ce territoire qui s'étend entre deux chaînes de montagnes est absolument désert. L'une des tâches principales des troupes avançant de l'est et de l'ouest est de couper les voies d'apprivoisement et de maintenir le contrôle des hauteurs dominantes.

 

© AFP 2016 Joseph Eid

Daech poursuit la destruction de la cité antique de Palmyre

 

Quelle est l'importance de Palmyr

Cette ville, dont les vestiges sont classés au patrimoine mondial par l'Unesco, a une importance aussi bien historique que stratégique. Un désert s'étend au nord et au nord-ouest de Palmyre. Dès que l'armée reprend la ville, Daech perdra le contrôle sur 20% des territoires occupés. Une fois cette tâche remplie, le commandement des forces armées syriennes pourrait entamer une progression offensive vers la ville de Raqqa, "capitale" de Daech, et entamera le déblocage de Deir ez-Zor, assiégée par les terroristes.

 

 

Partager cet article
Repost0
20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 09:22

par Thierry Meyssan

L’annonce du retrait partiel de l’armée russe en Syrie a soulevé de très nombreux commentaires qui illustrent les partis pris des uns et des autres plus que la réalité. Non seulement, observe Thierry Meyssan, les faits attestent que les désaccords entre Moscou et Damas ont été résolus, mais la Russie —qui est parvenue à faire basculer l’Occident dans le camp anti-terroriste— entend laisser les Syriens libérer eux-mêmes leur territoire.

Réseau Voltaire | Damas (Syrie) | 17 mars 2016

 

L’annonce par le président russe du « retrait du regroupement principal de son contingent » [1] a provoqué une nouvelle campagne de désinformation. Selon la presse occidentale et du Golfe, Vladimir Poutine serait « irrité » par l’intransigeance du président Bachar el-Assad et aurait décidé de quitter la Syrie pour le placer en face ses responsabilités. Les mêmes commentateurs ajoutent que n’ayant plus d’allié, ce dernier devra faire des concessions à Genève et accepter d’abandonner son pays. Moscou aurait fait un beau cadeau à Washington pour les cinq ans de la guerre « civile ».

 

Or, tout ceci est absurde.

1- L’intervention militaire russe a été négociée dès 2012 par le général Hassan Tourekmani. Elle n’est advenue que trois ans plus tard, Moscou souhaitant terminer la mise au point de ses nouvelles armes avant de se déployer. Les troupes russes ont commencé à s’installer en juillet 2015 et nous avons été les premiers à l’annoncer, information immédiatement reprise par la presse israélienne, puis par les médias internationaux [2]. Il était convenu que la campagne de bombardement débuterait après la réunion du Conseil de sécurité qui devait se tenir en marge de l’Assemblée générale de l’Onu et dureraient jusqu’à la Noël orthodoxe, le 6 janvier 2016.

Il était également prévu que, lorsque la paix reviendrait, une force de l’OTSC serait déployée pour la maintenir ; ce qui n’a pour le moment pas pu avoir lieu.

 

2- Cependant, au vu des difficultés de la Maison-Blanche à contrôler ses alliés, la campagne de bombardements a été étendue jusqu’à la reprise des négociations de Genève, finalement fixée au 15 mars. Il va de soi que jamais la Russie n’a pris cette date comme l’anniversaire d’une pseudo-révolution. Tout a commencé le 12 décembre 2003 avec la promulgation par George W. Bush de la déclaration de guerre (Syria Accountability Act), puis s’est poursuivi d’année en année (sommet de la Ligue arabe de Tunis en 2004 sur la « démocratisation » forcée du Liban et de la Syrie, assassinat de Rafic Hariri en 2005 et accusation contre les présidents Lahoud et el-Assad de l’avoir commandité, invasion du Liban en 2006 pour provoquer l’intervention de la Syrie, création du Front de salut national par les Frères musulmans en 2007, destruction des moyens de communication et d’approvisionnement du Hezbollah en 2008, etc.) en passant par l’arrivée des hostilités sur le territoire syrien en 2011, jusqu’à aujourd’hui.

 

3- La Russie a amorcé ostensiblement le retrait de son contingent. Des plans de vol ont été régulièrement déposés quatre jours à l’avance pour tous les avions cargos chargés de replier les hommes et le matériel. La date elle-même n’était pas une surprise. Ainsi le chef d’état-major jordanien, le général Mishal Al-Zaben, en avait été informé à Moscou en janvier par le ministre russe de la Défense Sergei Shoigu et par son homologue syrien, le général Fahd Jassem Al-Freij [3]. Il est donc ridicule de lier cette décision à de supposés désaccords qui seraient intervenus dans les derniers jours.

 

Les désaccords politiques ont été résolus. Le premier était relatif à la proposition russe d’un système fédéral —repoussée aussi bien par Damas que par Riyad— qui renvoie à l’expérience soviétique. Or, les minorités du Proche-Orient, à la différence de celles de l’ex-URSS, sont entremêlées et parlent la même langue. Le second était à propos des élections législatives du 13 avril que les Russes voulaient repousser pour les inclure dans les négociations de Genève alors que Damas refusait de violer la Constitution.

 

4- Au plan militaire, l’Armée russe se retire du champ de bataille, mais pas du Quartier général. Il n’est plus nécessaire d’accumuler les avions parce qu’il n’y a plus guère d’objectifs à frapper : les fortifications construites par les jihadistes et leurs moyens de transport du pétrole volé ont été détruits. Par contre, le dispositif anti-aérien —les missiles S-400 et Pantsir-S2— ne bouge pas. La livraison d’armes et de munitions, ainsi que l’accès aux renseignements satellitaires russes se poursuivent. La Russie a renouvelé le matériel et formé les soldats de l’Armée arabe syrienne, laquelle était placée sous embargo depuis dix ans [4]. Désormais, celle-ci n’est plus simplement en position de défendre la population civile face aux jihadistes, mais de libérer le territoire occupé, ce qu’elle a commencé à faire. L’aide russe est alors un soutien aérien aux troupes terrestres —et non plus un simple bombardement—, comme on l’a vu hier à Palmyre.

Après avoir investi des centaines de milliards de roubles en Syrie, la Russie ne se retire pas du Proche-Orient à un moment où la Turquie, l’Arabie saoudite et le Liban sont au bord de la guerre civile. Respectueuse, elle laisse aux Syriens la gloire de leur Victoire.

Thierry Meyssan

Source
Al-Watan (Syrie)

Partager cet article
Repost0
18 mars 2016 5 18 /03 /mars /2016 18:27
La révolte des masses - par James Petras

Repris sur  Comité Valmy

 

Introduction : Les élections présidentielles de 2016 ont plusieurs caractéristiques uniques qui défient la sagesse ordinaire concernant les pratiques politiques aux États-Unis au 21ème siècle.

Clairement les mécanismes politiques établis – les élites des partis politiques et leurs soutiens du grand capital - ont (en partie) perdu le contrôle du processus de nomination et sont confrontés à des candidats « indésirables » qui font campagne avec des programmes et des déclarations qui polarisent l’électorat.

Mais il y a d’autres facteurs plus spécifiques, qui ont mobilisé l’électorat et évoquent l’histoire récente des É-U. Ils présagent et reflètent un réalignement de la politique dans ce pays.

Dans cet essai, nous décrirons ces changements et leurs conséquences les plus larges pour l’avenir politique des E-U.

Nous examinerons comment ces facteurs affectent chacun des deux principaux partis.

La politique de parti Démocrate :

Le contexte du réalignement

« La monté et le déclin » du Président Obama ont sérieusement détérioré l’attirance de la « politique identitaire » – l’idée que des identités liées à l’ethnie, la race et le genre, peuvent modifier la puissance du capital financier (Wall Street), des militaristes, des sionistes, des fonctionnaires de l’état-policier. Clairement la désillusion manifeste des électeurs avec la « politique d’identitaire » a ouvert la porte à une politique de classe, d’un type spécifique.

 

Le candidat Bernie Sanders fait directement appel aux intérêts de classe des ouvriers et des employés. Mais le « thème de classe » surgit dans le contexte d’une polarisation électorale et, en tant que telle, ne reflète pas une vraie « polarisation de classe », une lutte croissante dans les rues, les usines ou les bureaux.

 

En effet, la polarisation électorale de « classe » reflète les récentes importantes défaites syndicales du Michigan, Wisconsin et Ohio. La confédération syndicale (AFL-CIO) a presque disparu comme facteur social et politique, et ne représente plus que 7% des travailleurs du secteur privé. Les électeurs de la classe ouvrière sont bien conscients que les dirigeants syndicaux qui reçoivent en moyenne des salaires de $500,000 [448.168€] par an, plus d’autres avantages, sont profondément calfeutrés parmi l’élite du parti Démocrate. Alors que des travailleurs individuels et les syndicats locaux sont des défenseurs actifs de la campagne de Sanders, ils le font comme membres d’un mouvement électoral multi-classe amorphe et pas comme un « bloc de travailleurs » unifié.

 

Le mouvement électoral Sanders n’est pas le produit d’un mouvement social national : Le mouvement de paix est virtuellement moribond ; les mouvements des droits civiques sont faibles, fragilisés et localisés ; le mouvement « Black lives matter » [les vies noirs importent] après avoir culminé s’est écroulé, alors que le « Occupy Wall Street Movement » [Mouvement pour l’occupation de Wall Street] n’est qu’un souvenir distant.

 

En d’autres termes, ces mouvements récents, au mieux, fournissent quelques activistes et une certaine impulsion à la campagne électorale de Sanders. Leur présence rehausse quelques-uns des thèmes que le mouvement électoral de Sanders promeut dans sa campagne.

 

En fait, le mouvement électoral de Sanders « n’a pas ses racines » dans les mouvements de masse actuels, bien qu’il comble le vide politique qui résulte de leur démise. L’insurrection électorale reflète les défaites des dirigeants syndicaux alliés aux politiciens Démocrates en exercice, aussi bien que la limitation des tactiques « d’action directe » des mouvements Black lives matter et Occupy Wall Street.

 

Étant donné que le mouvement électoral de Sanders ne met pas en cause directement et immédiatement les profits capitalistes ainsi que les attributions budgétaires publiques, il n’a pas été réprimé par l’état. Les autorités répressives estiment que ce « bourdonnement » d’activité électorale ne durera que quelques mois, puis régressera dans le parti Démocrate ou l’apathie électorale. De plus elles sont contrariées par le fait que des dizaines de millions d’adeptes de Sanders soient actifs dans tous les états et ne soient pas concentrés dans une région particulière.

 

Le mouvement électoral de Sanders rassemble des centaines de milliers de luttes micro-locales et permet l’expression de la désaffection de millions de personnes ayant des doléances de classe, sans risque ni coût (comme la perte de son emploi ou la répression policière) pour les participants. Ce qui est en contraste total avec la répression sur les lieux de travail ou dans les rues urbaines.

 

La polarisation électorale reflète les polarisations sociales horizontales (de classe) et verticales (inter-capita-listes).

 

Au-dessous de l’élite de 10% et particulièrement parmi la jeune classe moyenne, la polarisation politique favorise le mouvement électoral de Sanders. Les patrons syndicaux, l’ensemble des membres noirs du Congrès et du pouvoir établi latino épousent tous le choix oint par l’élite politique du parti Démocrate : Hilary Clinton ; alors que les jeunes Latinos, les travailleuses et les syndicalistes de base soutiennent le mouvement électoral insurgé. Les secteurs significatifs de la population afro-étasunienne, qui ont échoué à avancer (qui ont en réalité régressé) sous le président Démocrate Obama, ou ont constaté l’augmentation de la répression policière sous « le premier président noir », se tournent vers la campagne insurgée de Sanders. Les millions de Latinos désenchantés de leurs dirigeants liés à l’élite Démocrate qui n’a rien fait pour empêcher les déportations massives sous Obama, sont potentiellement une base de soutien à « Bernie » [Sanders].

 

Cependant, le secteur social le plus dynamique dans le mouvement électoral de Sanders, sont les étudiants excités par son programme d’enseignement supérieur gratuit et la fin du péonage postuniversitaire dû à l’endettement.

 

Le malaise de ces secteurs trouve son expression dans « la révolte respectable de la classe moyenne » : une rébellion des électeurs, qui a déplacé temporairement l’axe du débat politique au sein du parti Démocrate vers la gauche.

 

Le mouvement électoral de Sanders soulève les questions fondamentales d’inégalité de classe et d’injustice raciale dans le système juridique, policier et économique. Il accentue la nature oligarchique du régime politique – même lorsque le mouvement dirigé par les Sanders essaye d’employer les règles du système contre ses propriétaires. Ces tentatives n’ont pas été très réussies dans l’appareil du parti Démocrate, où les patrons de l’appareil ont déjà coopté des centaines de soi-disant « méga-délégués » « non élus » à Clinton – en dépit des succès de Sanders au début des primaires.

 

La force même du mouvement électoral contient une faiblesse stratégique : il est dans la nature des mouvements électoraux de se coaliser pour des élections et de se dissoudre ensuite.

La direction de Sanders n’a fait aucun effort pour établir un mouvement social national de masse qui pourrait poursuivre les luttes de classe et sociales, pendant et après les élections. En fait, l’engagement de Sanders de soutenir la direction établie du parti Démocrate s’il perdait contre Clinton, conduirait à la profonde désillusion de ses supporteurs et à la dissolution du mouvement électoral. Le scénario qui suivrait le choix de candidat, particulièrement dans le cas où les « super-délégués » couronneraient Clinton en dépit de la victoire populaire de Sanders, aura un effet très disruptif.

 

Trump et la « Révolte de la droite »

La campagne électorale de Trump a plusieurs caractéristiques d’un mouvement national-populiste latino-américain. Comme le mouvement péroniste argentin, elle combine des mesures économiques protectionnistes et nationalistes qui attirent les propriétaires de petites et moyennes entreprises ainsi que les travailleurs industriels déplacés imbus d’un « chauvinisme ‘grande nation’ » populiste de droite.

 

Ceci se reflète dans les attaques de Trump contre la « mondialisation » – un « antiimpérialisme » péroniste de circonstance.

 

L’attaque de Trump contre la minorité musulmane des é-u est une étreinte légèrement voilée du fascisme clérical de droite.

 

Là où Perón faisait campagne contre « les oligarchies financières » et l’invasion « d’idéologies étrangères », Trump dédaigne les « élites » et dénonce « l’invasion » d’immigrés mexicains.

 

L’attrait de Trump est enraciné dans la colère amorphe profonde de la classe moyenne en déclin, dépourvue d’idéologie… mais regorgeant de ressentiment concernant la baisse de son statut, l’effritement de sa stabilité, ainsi que l’affliction des familles par la drogue (Voire les inquiétudes ouvertement exprimées des électeurs blancs au New Hampshire lors de la récente primaire).

 

Trump projette une puissance personnelle aux travailleurs qui sont freinés par des syndicats impuissants, des groupes civiques désorganisés, ainsi que des associations d’entrepreneurs locales marginalisées, tous incapables de parer au pillage, au pouvoir de la corruption de grande échelle des escrocs financiers qui circulent entre Washington et Wall Street dans une impunité totale.

 

Ces classes « populistes » ont des frissons en voyant Trump casser et gifler aussi bien des politiciens de carrière que des élites économiques, tout en paradant son succès capitaliste.

Ils prisent son défi symbolique de l’élite politique en exhibant ses propres qualifications d’élite capitaliste.

 

Pour beaucoup de ses appuis banlieusards il est le « grand moralisateur », qui dans sa ferveur excessive commet, de temps en temps, par exubérance ardente, des gaffes « pardonnables » – une sorte de rustre « Oliver Cromwell » du 21ème siècle.

 

En effet, il pourrait y avoir un autre attrait ethno-religieux moins manifeste à la campagne de Trump : Son identité blanche-anglo-saxonne-protestante (WASP) attire ces mêmes électeurs confrontés à leur marginalisation apparente. Ces « Trumpistes » ne sont pas aveugles au fait qu’il n’y a pas un seul juge WASP qui siège à la Cour suprême et qu’il y a peu, sinon pas, de WASPs parmi les hauts officiels économiques du Trésor, du département du Commerce, ou de la Réserve fédérale (Lew, Fischer, Yellen, Greenspan, Bernancke, Cohen, Pritzker etc.). Alors que Trump ne met pas en avant son identité – cela soulage son attrait électoral.

 

Parmi les électeurs WASP, qui tranquillement détestent les renflouements de « Wall Street » et la perception de la position privilégiée des catholiques, des juifs et des afro-étasuniens au sein de l’administration d’Obama, la condamnation publique directe par Trump du président Bush d’avoir délibérément trompé la nation avec l’invasion de l’Irak (et l’implication de trahison), lui a donné un grand plus.

 

L’appel national-populiste de l’Trump est assorti de son militarisme belliqueux et de son autoritarisme loubard. Son approbation publique de la torture et des contrôles policiers (« pour combattre le terrorisme ») fait appel à la droite pro-militaire. D’autre part, ses ouvertures amicales en direction du président russe Poutine (« un gars dur prêt à faire face à un autre ») et son appui pour mettre fin à l’embargo cubain, sont attrayantes aux élites parmi les hommes d’affaires ayant l’esprit du commerce. Ses appels à retirer les troupes étasuniennes d’Europe et d’Asie satisfont les électeurs « de la forteresse États-Unis », alors que ses appels de « tapisser de bombes » ISIS fait appel aux extrémistes nucléaires. Est intéressant le soutien de Trump pour la Sécurité sociale et Medicare (Assurance-maladie), ainsi que son appel pour des services vitaux liés au planning familial pour les femmes pauvres ; qui plaisent aux citoyens plus âgés, aux conservateurs compatissants et aux indépendants.

 

L’amalgame gauche-droite de Trump : Ses appels protectionnistes et pro-entreprises, sa ruée contre Wall Street et ses propositions pro-industrielles capitalistes, sa défense des travailleurs étasuniens et ses attaques contre les travailleurs latinos et immigrés musulmans ont brisé les frontières traditionnelles entre la politique populaire et celle de droite du parti Républicain.

Le « Trumpisme » n’est pas une idéologie cohérente, mais un mélange volatil de « positions improvisées », adaptées pour irriter les travailleurs marginalisés, les classes moyennes pleines de rancune (les WASPS marginalisées) et, surtout, pour faire appel à ceux qui ne se sentent pas représentés par les Républicains de Wall Street et les politiciens libéraux-démocrates sur la base d’une politique identitaire (noir, hispanique, femmes et juifs).

 

Le mouvement de Trump est basé sur un culte de la personnalité : il a l’énorme capacité de convoquer des réunions de masse sans organisation ni d’idéologie sociale cohérente.

Sa force fondamentale est sa spontanéité, sa nouveauté et son hostile focalisation sur les élites stratégiques.

 

Sa faiblesse stratégique est l’absence d’une organisation qui pourrait exister au-delà du processus électoral. Il y a peu de cadres et de militants « Trumpistes » parmi ses fans adorateurs. Si Trump perd (ou le résultat est falsifié lors de la nomination, pour un « candidat d’unité » sorti du chapeau, par l’élite du parti, son organisation se dissipera et se fragmentera. Si Trump gagne la nomination républicaine il aura l’appui de Wall Street, particulièrement s’il est confronté à la candidature démocratique de Sanders. S’il remporte l’élection générale et devient président, il cherchera à renforcer le pouvoir exécutif et à s’orienter vers une présidence « bonapartiste ».

 

Conclusion

La montée du mouvement social-démocrate au sein du parti Démocrate ainsi que la montée spontanée d’un mouvement de droite national-populiste au sein du parti Républicain reflète la fragmentation de l’électorat et les profondes fissures verticales et horizontales qui caractérisent la structure ethnique et de classe des États-Unis. Les commentateurs simplifient trop et grossièrement, en réduisant la révolte à des expressions incohérentes de « colère ».

L’éclatement du contrôle de l’élite du pouvoir établi est le produit de profonds ressentiments de classe, ethniques, de groupes anciennement privilégiés dans le déclin, d’hommes d’affaires locaux en faillite à cause de la « mondialisation » (l’impérialisme), ainsi que le ressentiment de citoyens vis-à-vis de la puissance du capital financier (les banques) et de son contrôle extraordinaire de Washington.

Les révoltes électorales à gauche et à droite peuvent s’absorber mais elles auront planté les graines pour une transformation démocratique ou une renaissance de réactionnaire-nationaliste.

James Petras
24 février 2016

The Unz Review
Presidential Elections 2016 : The Revolt of the Masses

[Traduction pour le Comité Valmy Alexandre MOUMBARIS
Relu par Marie-José MOUMBARIS]
democrite@neuf.fr
http://dossiersdubip.wordpress.com/
éditions Démocrite,
6, rue du Haras,
Juvigny /s Andaine
61140 JUVIGNY VAL D’ANDAINE

 

James Petras est professeur émérite de sociologie à l'Université d'État de New York à Binghamton de New York. Il se définit lui-même comme un militant et écrivain « révolutionnaire et anti-impérialiste ». Wikipédia

Partager cet article
Repost0