Pour un front républicain, anti-impérialiste, patriotique et social !
A l’occasion du 70ème anniversaire du Conseil National de la Résistance, peut-être est-il utile de rappeler ce texte ancien qui exprime la vision du Comité Valmy ? Celui-ci dont les racines datent du combat contre la ratification du traité de Maastricht, s’est dès l’origine situé dans la logique et l’esprit de la Résistance et de son type de rassemblement. D’emblée nous nous sommes référés à Jean Moulin, au CNR et à son programme dont les grands axes et les principes gardent une grande modernité.
Cette démarche de libération nationale et ces idées appelant au rassemblement en s’inspirant de la Résistance, du CNR et de son programme, ont manifestement beaucoup progressé. Mais l’essentiel reste à faire. Charles Baulieu Comité Valmy
POUR UNE STRATEGIE D’ENDIGUEMENT DE LA MENACE ETASUNIENNE !
Les USA, au-delà de leur contribution au combat anti-nazi, contre des impérialismes rivaux, sont les seuls à être sortis renforcés de la deuxième guerre mondiale. Ils auront même utilisée celle-ci pour construire et imposer leur propre hégémonie sur le monde entier, les autres grandes puissances étant alors historiquement affaiblies.
Les pays occidentaux concurrents vont prendre conscience de leur perte d’influence, en particulier à travers la décolonisation en marche. L’Union soviétique quant à elle, avec 23 à 25 millions de morts parmi lesquels beaucoup de ses meilleurs fils - une grande partie de son élite révolutionnaire et patriotique- accompagnés de destructions massives, est dans une situation objective de grande fragilité, exsangue, malgré les succès de l’Armée Rouge.
Dès Georges Washington les dirigeants des USA ont tous adopté un postulat qui érige leur Etat nation en suzerain des autres peuples et nations de la planète. Ils revendiquent l’hégémonie commerciale, économique et politique sur le monde et entendent imposer leur mode de vie comme modèle universel.
Avec Ulysse Grant cette volonté impérialiste a pris une coloration mystique et religieuse : « le destin de notre grande République, c’est de devenir l’étoile qui guidera les autres…Je crois que le créateur est en train de préparer le monde pour que, le moment venu, il puisse se transformer en une grande nation qui suivra nos pas ».
Clinton lors de son installation réaffirma la continuité de la politique hégémonique des USA sous sa conduite : « Il est incontestable que l’Amérique doit persister à guider ce monde qu’elle a tant contribuer à créer ».
Avec G W Bush, la traditionnelle menace américaine a empiré avec le recours à des guerres qualifiées de préventives et sa volonté de se référer aux croisades. Il serait persuadé que c’est Dieu lui-même qui lui a suggéré sa candidature à la Présidence des Etats-Unis.
Barack Obama a publiquement affirmé que sa présidence annonçait "une nouvelle aurore du leadership américain".
Depuis la deuxième guerre mondiale jusqu’à nos jours, les dirigeants américains qui se sont succédés ont poursuivi cette même stratégie globale de domination mondiale, relancée puissamment dès cette époque. Seuls ont varié, selon les équipes au pouvoir, le degré d’agressivité, l’intensité de la violence utilisée ou le niveau de barbarie atteint. Certaines administrations ont privilégié plus ou moins les guerres dites de basse intensité, d’autres ont eu recours à des bombardements massifs de villes et de populations civiles ou à des massacres par procuration, par exemple, celui de millions d’Indonésiens.
L’Histoire l’a démontré, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique Latine et même en Europe, l’impérialisme états-unien est en guerre contre l’ensemble des peuples du monde, dont il est l’ennemi commun. Une guerre qui est permanente, multiforme et globale. Les assassinats ciblés ou collectifs, les tueries, l’utilisation banalisée de la violence, ne représentent qu’un aspect parmi bien d’autres de cette troisième guerre mondiale. Elle est également politique, économique et sociale, idéologique et culturelle.
Les dirigeants états-uniens utilisent la manipulation politico médiatique, l’ingérence, le chantage et la corruption à grande échelle. L’exploitation de l’antisoviétisme, leur position dirigeante dans la lutte des classes au niveau international, ont permis aux USA de camoufler auprès de certains et pendant toute une époque leurs objectifs spécifiquement nationalistes et impérialistes, derrière la croisade du « monde libre » contre le communisme. Ils ont su exploiter les erreurs et les fautes du camp socialiste et anti-impérialiste.
Ils ont ainsi piégé l’URSS et l’ont entraînée dans une politique de confrontation et une course délétère aux armements, qui conjuguées à d’autres facteurs, allaient, en fin de compte, la conduire à l’échec et l’implosion.
Dans un rapport du 20 janvier 2007 sur la nouvelle doctrine militaire russe, le général Makmout Gareev estime que « les intérêts nationaux ne doivent pas être minimisés si on ne veut pas limiter les capacités de développement économique et de réalisation de facteurs géopolitiques. Toutefois, comme l’a montré l’expérience de l’après-guerre, un maximalisme excessif ainsi que le caractère irréaliste des intérêts nationaux et des objectifs proclamés, la volonté de les réaliser implacablement, quoi qu’il en coûte, engendrent une politique extérieure et une doctrine militaire de confrontation, conduisent à miner l’économie et à l’échec total des objectifs nationaux avancés à tort ».
Cette analyse du général Gareev mérite réflexion si toutefois, elle ne remet pas en cause insidieusement, la pertinence historique d’Octobre et le socialisme. Cependant, la volonté de faire disparaître l’URSS et l’expérience socialiste est bien antérieure aux années quarante. Il était inéluctable que les Etats-Unis et la haute finance, en position de force, reprennent cet objectif et cette offensive contre l’URSS, après avoir contribué à son affaiblissement, en lui faisant supporter l’essentiel du poids de la guerre en refusant d’ouvrir contre les nazis le second front que Staline réclamait.
L’implosion du camp socialiste ne s’est aucunement traduite par l’arrêt de cette politique d’agression et de guerre menée par les Etats-Unis au nom de l’endiguement du communisme. Bien au contraire, avec le déséquilibre géopolitique qu’elle a permis, les guerres américaines se sont multipliées et sont devenues préventives tandis que G. W. Bush menace : « Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ».
A la diplomatie de la canonnière, au chantage nucléaire et à l’utilisation de la violence contre-révolutionnaire est venue s’ajouter une coercition idéologique et politico médiatique sophistiquée et systémique.
celle-cci est caractérisée notamment par la domestication de tous les médias importants et leur transformation en instruments de propagande globalisée et de manipulation des peuples, à travers lesquels bien des journalistes agissent comme des mercenaires de la guerre idéologique.
Aujourd’hui, les dirigeants des Etats-Unis aidés par leur ami Sarkozy, préparent psychologiquement l’opinion à des bombardements nucléaires contre l’Iran, tout en continuant leurs autres guerres coloniales et impérialistes, notamment contre l’Irak et l’Afghanistan.
Ils encerclent la Russie et la Chine de bases militaires hostiles. Ils continuent la course aux armements car ils entendent acquérir une supériorité militaire absolue afin de contrôler par la guerre, chaque fois qu’ils la jugeront nécessaire, les ressources pétrolières et énergétiques. Le Général Iouri Balouievsky, chef d’Etat-major des forces armées russes, considère que la Russie se trouve actuellement confrontée à des menaces plus graves que pendant la guerre froide.
Selon l’agence de presse russe Novosti, Paul Graig Roberts, ancien sous-secrétaire d’Etat de Reagan, avertit aujourd’hui que G. W. Bush envisagerait de décréter l’état d’urgence, et que d’ici un an les Etats-Unis pourraient devenir un Etat policier dictatorial, en guerre contre l’Iran. « Des membres de l’administration Bush et d’éminents propagandistes républicains préparent un nouvel évènement dans la lignée du 11 septembre 2001 ou bien une série d’évènements de ce type », annonce t-il dans un cri d’alarme rendu public.
Les dirigeants russes et chinois ont dû réagir et ont créé en juin 2001 avec d’autres pays, l’Organisation de Coopération de Shanghai, afin de préparer solidairement leur autodéfense. Il s’agit d’un facteur d’équilibre nécessaire et d’une structure d’endiguement de la menace américaine, qu’un gouvernement français conséquent devrait soutenir, si la France était libre.
Le 19 août 07, le sommet de l’OCS à Bichkek à accéléré la création d’un mécanisme de réponse aux situations menaçant la sécurité. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les peuples et la défense de la paix. La Chine et la Russie sont en effet des cibles géopolitiques essentielles pour l’impérialisme américain. La décision de Vladimir Poutine relative à la reprise à partir du 17 août, des vols de 14 bombardiers stratégiques apparaît dans ce contexte, comme une mesure symbolique, sage et positive. Dans le monde d’aujourd’hui, bien des anti-impérialistes pensent comme N Nazarbaïev, le président du Kazakhstan, que Vladimir Poutine devrait rester à son poste, pour un troisième mandat présidentiel. « Le président dit-il doit faire ce dont son peuple et son Etat ont besoin ».
En même temps que se forge l’OCS, les peuples opprimés s’organisent malgré les difficultés souvent autour de la souveraineté nationale. C’est notamment le cas en Amérique latine ou une dynamique sociale, progressiste et patriotique a été relancée grâce à la pugnacité de Hugo Chavez, à l’apport de Evo Morales et au soutien de Cuba.
Au Liban aussi, la question nationale est cruciale. La victoire du peuple sur l’agression israélo- américaine de 2006 est apparue comme celle de la convergence d’une Résistance pluraliste et d’une unité patriotique de fait rassemblant avec le Hezbollah, (qui a été ressenti alors et depuis, plus comme un mouvement de libération nationale que comme une organisation ethnique et religieuse) les Chrétiens patriotes et anti-impérialistes, représentés par le général Aoun et le Parti communiste libanais.
« Qui n’est pas avec nous est contre nous » a menacé le croisé paranoïaque et sanguinaire de la Maison Blanche. Tout le problème est là. La France doit-elle mener une politique d’indépendance nationale, définir souverainement ses objectifs économiques et sociaux, politiques, culturels, de défense, ses alliances, sa politique extérieure ?… Ou bien doit elle capituler et se placer sous la suzeraineté belliciste de l’impérialisme américain, dans le cadre de la mondialisation qu’il orchestre ?
Dans notre pays, les partisans de l’Europe supranationale et de l’atlantisme, ont choisi en pleine guerre mondiale, puis à la Libération et maintenue ensuite, cette option de vassalité, de renoncement national et républicain avec les conséquences sociales désastreuses qu’elle impose.
C’est pour l’essentiel le choix politique des dirigeants socialistes et des démocrates chrétiens. Ils l’ont fait au nom de l’anticommunisme comme d’autres adeptes de la trahison nationale avaient choisi Hitler plutôt que le Front Populaire, par réflexe de classe. Les fédéralistes qui se réclament de la gauche restent prisonniers de ce choix politique et oligarchique d’un autre temps.
Pendant la guerre, à la Libération et ensuite, les communistes, les gaullistes et tous les républicains véritables et lucides, attachés à la souveraineté populaire et nationale, au progrès social qui en dépend, sont restés eux naturellement fidèles à l’objectif d’une France libre, républicaine et sociale. Ils défendent aujourd’hui encore, l’indépendance nationale et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le programme du Conseil National de la Résistance aurait pu à la fin de la guerre et à divers moments cruciaux ultérieurs, servir de plateforme à la continuation de cette politique républicaine, patriotique et progressiste de la Résistance, à travers l’organisation d’un rassemblement populaire majoritaire.
C’est ce que le CNR souhaitait et son programme, véritable compromis historique, proposait une économie mixte et planifiée qui aurait pu, tout en défendant la paix dans le monde, contribuer en France à brider les appétits économiques et politiques de la finance internationale sous hégémonie américaine.
Dès le 6 juin 1942, dans une note accompagnant des documents et envoyée à Molotov par l’intermédiaire de l’Ambassadeur d’URSS à Londres, de Gaulle démontre que la priorité du combat antinazi ne l’empêche pas de déjà percevoir le danger que le pouvoir américain, représente pour l’indépendance, la souveraineté de la France et pour la paix du monde : « L’impérialisme américain se manifeste sous des formes multiples et diverses. Certains de ses représentants raisonnent en terme de domination des USA sur le monde occidental… D’autres représentants, tenant de l’impérialisme économique, désirent que les USA instaurent un mode de vie pour le monde entier, qu’ils contrôlent et gèrent partout les ressources et le commerce ».
En décembre 1944, de Gaulle et Staline ont élaboré un traité franco-soviétique d’alliance et d’assistance mutuelle, qui a été signé à Moscou le 10 janvier 1944 par Viatcheslav Molotov et Georges Bidault « dans le but d’éliminer toute menace de l’Allemagne et de faire obstacle à toute initiative de nature à rendre possible une nouvelle tentative d’agression de sa part ».
Ce pacte dont il était prévu qu’il serait actualisé 20 ans plus tard, ne résistera pas à la politique des blocs et à la guerre froide, dont, en termes de marketing politique, les bombardements de Hiroshima et Nagasaki annoncent le lancement. Pourtant ce pacte et la présence de ministres communistes dans le GPRF à Alger puis dans le second gouvernement du Général de Gaulle, témoignent que des convergences existaient, qui fondaient la recherche d’un Front commun entre les communistes, les gaullistes et l’ensemble des patriotes progressistes et républicains, autour du programme du Conseil National de la Résistance.
Celui-ci fut rapidement sabordé pour estomper cette perspective et la rendre encore plus difficile à concrétiser. La démission de Georges Bidault de sa présidence, en septembre 1944, marque la volonté du camp euro atlantiste qui se structurait depuis les années de guerre, de détruire le potentiel de continuité de la Résistance qu’il représentait.
Un temps aveuglé, de Gaulle a cru ou voulu voir dans les communistes de France des séparatistes prêts à livrer notre pays à une Union soviétique dont il paraissait certain qu’elle préparait l’invasion de la France.
Inversement, un peu plus tard Maurice Thorez accusait de Gaulle devant le Comité Central du PCF d’être un fasciste, agent des américains. Ceci devait conduire Marcel Servin, Antoine Casanova et Maurice Kriégel-Valrimont, anciens résistants communistes, à critiquer ce point de vue infondé et à être exclus de leurs responsabilités à la direction du parti. Cette double erreur symétrique, dans une situation complexe, devait avoir des conséquences stratégiques et politiques graves, dont les Français payent encore le prix aujourd’hui.
La politique américaine de cette époque jusqu’à nos jours – les bombardements nucléaires du Japon, le Plan Marshall, la promotion de l’Europe supranationale et de l’OTAN, etc., est la continuation au long cours, de la guerre de conquête des USA, qui innovent et développent constamment d’autres moyens modernes pour construire, pérenniser, renforcer et globaliser leur domination impérialiste.
Le Péché originel ou plutôt l’erreur stratégique initiale, fondamentale et durable, aura consisté pour les républicains, aux sensibilités diverses mais solidairement attachés à la souveraineté populaire et nationale, à ne pas avoir su se rassembler sur la juste vision politique du programme du CNR, qui garde encore aujourd’hui et pour l’essentiel toute sa pertinence et son actualité quant à ses principes et grandes orientations.
Depuis la deuxième guerre mondiale, la lutte de classe dans notre pays, a toujours conservé un caractère national. Ne pas en tenir compte pendant des décennies, et promouvoir une stratégie d’union de la gauche mythique, illusoire et sans principe, a consisté à rassembler des forces aux objectifs en réalité antagonistes, sous la domination d’un parti socialiste atlantiste et dogmatiquement favorable à l’Europe Fédérale des Länder.
Cela aura conduit à l’actuelle stérilisation de l’influence du PCF comme force anticapitaliste et contribué à installer au pouvoir – sauf durant les 10 ans de la parenthèse gaulliste – les vassaux des américains, à faire perdurer la politique du pareil au même à travers une alternance au pouvoir des néo-libéraux et des sociaux- libéraux, tous intégristes de l’Europe supranationale néo-libérale et atlantiste.
Sortir de la catastrophique situation actuelle d’échec qui découle de cette impasse historique, impose le rejet du fédéralisme néo-libéral européen et le retrait de la France de l’OTAN. La création autour de la République et de la Nation, d’un vaste front uni progressiste, est une nécessité vitale.
La stratégie patriotique dite d’union du peuple de France qui, pendant une époque a été envisagée par Georges Marchais et malheureusement jamais concrétisée par le PCF, pourrait seule aujourd’hui, ouvrir une alternative crédible et permettre une politique de progrès social et de restauration démocratique. En politique extérieure, elle contribuerait de manière internationaliste à la convergence du combat anti-impérialiste, anti-mondialisation et pour la paix qui tend à mobiliser les peuples du monde contre leurs ennemis communs.
L’oligarchie financière n’a pas de patrie ! La nation, la France républicaine, c’est le peuple qui doit aujourd’hui rétablir sa souveraineté et la maîtrise de son destin !
Claude Beaulieu - 2006
président du Comité Valmy.
- texte légèrement retouché par l'auteur.