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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 17:18

Texte repris sur http://reseauinternational.net/grece-le-pillage/

 

Le « Fonds de mise en valeur du patrimoine privé de l’État grec », ou TAIPED |1|, a été établi en 2011 dans le cadre du 2e mémorandum. Son statut juridique est celui de société anonyme avec un actionnaire unique : l’État grec. La troïka est fortement impliquée dans toute décision le concernant. Elle assure, avec deux observateurs, le contrôle du conseil d’administration, et nomme trois des sept membres du « Comité d’experts ». Le TAIPED est financé par le produit de privatisations, de concessions d’utilisation ou d’exploitation, estimé à 50 milliards d’euros, un chiffre qui ne se base sur aucune réalité. Les privatisations et les concessions ne prennent pas en compte la valeur réelle des actifs grecs, sous-estimés du fait de l’écroulement économique |2|. Il gère aujourd’hui le plus important programme de privatisation au monde.

 

Au cours des années suivant sa création -des années marquées pour la Grèce par une profonde récession et une crise humanitaire allant en s’aggravant- le TAIPED a souvent été volontairement associé par les dirigeants politiques grecs à un discours vantant les « privatisations » comme des « investissements » nécessaires au pays. Les gouvernements successifs ont cherché à éviter une réelle prise de conscience de la vraie nature de ce programme, baptisé par Syriza, avant sa prise de pouvoir, de « Chenil des scandales » |3|. Pensé par les « instances » non élues de l’Union européenne comme un fonds qui allait permettre de rembourser -sur le court terme- une partie de la dette publique contractée par le pays, le TAIPED conduit aujourd’hui la Grèce à brader une quantité exorbitante de ses biens, ce qui permet aux « acquéreurs vautours », étrangers comme locaux, de s’approprier ou d’exploiter -dans le cadre de concessions d’utilisation et d’exploitation- une très grande partie de son patrimoine.

 

Le portefeuille du TAIPED comprend des infrastructures, aéroports, ports, routes, autoroutes et autres, des sociétés, eau, électricité, exploitation des ressources naturelles, téléphonie, jeux d’argent et de très nombreux biens immobiliers : des milliers d’hectares de terrains –surtout en bord de mer- et un très grand nombre de bâtiments publics abritant des services et des organismes publics.

 

La loi fondatrice stipule que l’utilisation des biens publics grecs peut se faire par vente, location, gestion des affectations, concession… Les biens transférés entrent dans le fonds sans contrepartie. Il reçoit la pleine propriété et la possession immédiate des biens transférés lesquels ne peuvent plus retourner dans le secteur public.

 

Le but du TAIPED est bien le démantèlement et l’exploitation par le privé de l’ensemble du patrimoine de l’État grec. De très nombreux décrets et textes de lois ont été mis en place dès 2010, des procédures rapides visant à contourner le cadre législatif pour la protection de l’environnement et le développement durable ont été adoptées, réduisant d’autant le rôle et le contrôle de l’État. Les textes de lois ont été amputés de la notion de patrimoine « public », ce qui a ouvert la porte aux exploitations incontrôlées, en particulier celle des zones naturelles protégées.

 

Les privatisations s’opposent aux politiques de défense de l’environnement. Alors que tous les sites naturels protégés étaient regroupés dans ce qu’on appelle le « patrimoine public », qu’ils soient publics ou privés, avec le TAIPED ils tombent dans le domaine privé. C’est ainsi que la disparition de la notion de « patrimoine public » ou commun, signe la fin de la protection des sites. Il en va de même de la totalité des ressources énergétiques de la Grèce en cours de privatisation, comme le pétrole, le gaz naturel, l’électricité, l’eau et de très nombreux sites en montagne pour y installer des éoliennes, etc. La politique extractiviste, le pillage des communs pratiqué depuis des siècles dans les pays en développement, par des entreprises privées ou des États colonisateurs, bat son plein dans la Grèce d’aujourd’hui. L’installation de mines privées et autres sociétés extractivistes dans des sites comme Skouries |4| -non gérés par le TAIPED pour l’instant- en sont un exemple caractéristique.

 

Le nombre de terres, d’îles, de sites naturels en bordure de mer ou de lacs en vente est tel qu’en ne prenant en compte que la privatisation des accès –à la mer, aux lacs et rivières- ou la taille des projets futurs, on peut se faire une idée du bouleversement écologique à venir. Son ampleur sera catastrophique à l’échelle du territoire grec. Aucune étude sur l’avenir de ces zones à la suite de ces « plans de privatisation » n’a été réalisée par l’État grec. Les biens mis en vente ont été choisis selon la logique du bénéfice maximum sur le court terme. Les quelques études de faisabilité citées sur le site du TAIPED sont réalisées par des bureaux d’études fantômes qui ne sont là que pour valider les ventes. Le « développement » proposé -une catastrophe certaine- se fait au nom de la croissance du tourisme. Il suffit de jeter un coup d’oeil au site du fonds pour se rendre compte à quel point le « développement » en question sera destructeur pour l’environnement et l’esthétique des lieux, ce qui sera à terme contre-productif.

 

Pour la première fois, au cours de l’histoire grecque, les plages grecques et toutes les terres situées en front de mer sont en danger de perdre leur caractère public autant que leur caractère naturel, à l’image des immenses projets touristiques en Espagne. Des catastrophes écologiques autant que des destructions de paysage. Les sites archéologiques et les bâtiments de grand intérêt culturel ne semblent pas non plus être à l’abri.

 

Un grand nombre de zones « ouvertes à l’exploitation » se trouvent dans des zones de protection internationale (Ramsar, Natura 2000) et la question se pose de savoir qui paiera les amendes des traités internationaux qui ne seront pas respectés. Dans l’ambiguïté générale en matière de bien public, le patrimoine hellénique est pris en sandwich entre ce qui est censé être protégé, une catégorie qui tend pourtant à disparaître, et ce qui peut être considéré comme une propriété privée de l’État. De nombreux sites ont déjà été vendus, certains en bord de mer, d’autres avec des lacs naturels, sans qu’aucune clause de protection, étude des dangers et impacts écologiques ne soit inclue dans les contrats de vente aux investisseurs.

 

Tel est le résultat de la politique impulsée par la Troïka européenne, aujourd’hui Quartet, au nom du remboursement de la dette publique du pays. Pourtant au moment des premiers problèmes, en 2009, son montant était de 127 % du PIB. Un an après le 3e mémorandum signé par le gouvernement socialiste Syriza en 2015, cette fameuse dette publique approche les 185 % du PIB. L’écroulement social et économique de la Grèce, dû à ces politiques imposées de l’extérieur et privilégiant le remboursement de dettes illégitimes et insoutenables, selon les textes internationaux comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en est la cause.

 

Nous ne pouvons que constater le mensonge du Quartet prétendant créer les conditions économiques du remboursement. Ce dépeçage de la Grèce au nom du paiement de la dette n’est-il pas le but caché de ces mémorandums ? Cela ne relève-t-il pas d’une époque que l’on pensait disparue, celle de la politique de la « canonnière », de la prison ou de l’esclavage pour dette impayée ? Veut-on faire subir à la Grèce un sort analogue à celui d’Haïti, qui, contrainte de payer pendant un siècle une rançon à la France, est aujourd’hui complètement dominée par des intérêts étrangers, et dont la population vit dans une très grande pauvreté ?

Eleni PANOUSI

Notes :

|1| Remplacé par le HCAP S.A (Hellenic Corporation of Assets and Participations S.A.) Plus d’infos voir : Le triste anniversaire du troisième mémorandum : http://www.cadtm.org/Le-triste-anniversaire-du-3e

|2| « Entre 2010 et 2015, les privatisations grecques n’ont rapporté que 5,4 milliards d’euros ». Romaric Godin, « Grèce : la vraie nature du troisième mémorandum », La Tribune, 15/7/2015

|3| SYRIZA avait publié, avant de prendre le pouvoir, un rapport exhaustif qui faisait état des grands scandales en Grèce. Il s’agit de « la Bible noire de la honte », EEKE, Commission de transparence des Affaires publiques, Syriza, publiée en Mai 2014. Le chapitre dédié au TAIPED avait pour titre « TAIPED, le chenil des scandales ou les bonnes privatisations ! “La Bible noire de la honte », pages 94 à 107. https://issuu.com/blackbook14/docs/mauri_vivlos_dropis_low2

|4| Il s’agit de la mine d’or, « Hellenic Gold », investisseur privé sur le site de Skouries à Halkidiki, ancien site forestier d’une grande beauté, aujourd’hui pillé de ses richesses naturelles et dangereusement pollué.

source: http://www.interet-general.info/spip.php?article23676


En savoir plus sur http://reseauinternational.net/grece-le-pillage/#oPLA4eZMEzmAy5qM.99

 

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3 mai 2016 2 03 /05 /mai /2016 17:28

Le FMI, l’UE et Syriza préparent plus d’austérité

Par Alex Lantier

Origine Mondialisation.ca, 02 mai 2016

wsws.org

Région : Europe

Thème: Crise économique mondiale

 

 L’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) s’apprêtent à exiger de nouvelles mesures d’austérité au-delà de celles acceptées par le gouvernement Syriza en Grèce l’an dernier dans le cadre du plan de sauvetage de 86 milliards d’euros convenu l’été dernier.

 

Syriza (« coalition de la gauche radicale ») a accepté en juillet dernier d’imposer des mesures d’austérité massives, piétinant tant ses promesses électorales d’en finir avec l’austérité de l’UE que le « non » écrasant à l’austérité lors d’un référendum anti-austérité qu’il avait lui-même proposé. Dans un nouvel acte de trahison politique, Syriza prépare de nouvelles mesures austéritaires à hauteur de milliards d’euros contre la population grecque dans ses pourparlers avec le FMI et l’UE.

 

Alors que restent à débourser 60 milliards d’euros sur les 86 milliards du plan d’aide, le FMI et l’UE insistent sur une réduction permanente de 3 milliards d’euros des dépenses annuelles. Si la Grèce ne parvient pas à faire ces coupes soi-disant de « prévoyance », ils bloqueront les fonds restants, obligeant la Grèce à faire défaut sur 3,5 milliards d’euros de paiement de la dette arrivant à échéance cet été – un renouvellement de la menace, l’été dernier, de forcer la Grèce à faire défaut.

 

Les responsables américains ont appuyé la demande de l’UE que la Grèce mette en œuvre de nouvelles mesures d’austérité comme condition préalable à l’effacement d’une portion de la dette massive de la Grèce que des renflouements successifs ont porté au niveau gigantesque, non viable, de 177 pour cent du PIB.

 

Le porte-parole de la Maison-Blanche Josh Earnest a dit mercredi 27 avril, « Bien sûr, vous savez, nous sommes très favorables aux efforts que les membres de l’UE ont fait pour faire face aux défis financiers posés par les finances de la Grèce. Une partie de cet accord tenait à ce que la Grèce introduise un certain nombre de réformes structurelles. Et nous croyons fermement que la Grèce a la responsabilité de le faire. »

 

Interrogé par la Commission des services financiers du Congrès, le sous-secrétaire du ministre des Finances, Nathan Sheets, a confirmé que le FMI n’accepterait de débourser des fonds à la Grèce que si Syriza imposait de nouvelles et sévères coupes sociales. Il a également confirmé que c’était la position du gouvernement Obama et du ministère américain des Finances.

 

Sheets a dit au Comité du Congrès, « Le FMI a clairement indiqué qu’il ne s’engagerait dans un programme grec, dans le sens de fournir des ressources, que s’il est convaincu que le programme de réforme mis en avant est important et que les autorités grecques l’adoptent comme le leur … Laissez-moi encore dire que la position du FMI sur la nécessité d’un programme solide et d’une adhésion au programme à la seule condition qu’il y ait un allègement significatif de la dette, est fortement soutenu par le ministère [américain] des Finances. »

 

Les commentaires de Sheets et Earnest interviennent après que Syriza s’est opposé aux termes des coupes de « prévoyance » exigées par les fonctionnaires de l’UE et que le Premier ministre grec Alexis Tsipras a lancé un appel au président du Conseil européen Donald Tusk lui demandant de préparer une réunion des dirigeants de la zone euro pour discuter de la question. Mais Tusk a ignoré la demande de Syriza.

 

La porte-parole du gouvernement Syriza Olga Gerovasili a indiqué que les nouvelles demandes d’austérité violaient les termes du plan de sauvetage de juillet 2015 et a essayé de les présenter comme des exigences venant de Washington et sapant les positions de l’UE : « Le FMI fait des exigences qui vont au-delà ce qui était convenu. Ces exigences sapent les efforts à la fois du gouvernement grec et des institutions européennes. »

 

Mais Tusk a été clair sur le fait que l’UE est en fait d’ accord avec les exigences actuellement avancées surtout par Washington et le FMI, rejetant carrément la demande de Tsipras d’une réunion des premiers ministres qui pourrait théoriquement accepter de desserrer l’étau financier qui étrangle la Grèce. « Je suis convaincu qu’il y a encore du travail à faire par les ministres des Finances qui doivent éviter une situation d’incertitude pour la Grèce », a déclaré Tusk.

 

Les protestations impuissantes de Syriza à l’adresse de l’UE sont en fait une couverture cynique. Dans les coulisses, il poursuit le programme d’austérité qu’il a imposé immédiatement après avoir sa prise de pouvoir en janvier 2015, reniant sa promesse de mettre fin au Mémorandum d’austérité de l’UE quelques semaines après son entrée en fonction.

 

La Grèce est déjà confrontée à une grave crise de liquidités, ne sachant si elle payera les retraites et les salaires des travailleurs du secteur public le mois prochain. Tsipras a contraint des entités publiques, dont les services de santé et des eaux, à vider leurs comptes en banque et à déposer l’argent à la Banque centrale pour aider à atténuer la pénurie de fonds.

 

En attendant, les responsables de l’UE font l’éloge du gouvernement Syriza pour être très disposé et obligeant dans les négociations à huis clos sur les mesures d’austérité contre la population grecque.

 

Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières Pierre Moscovici a salué Syriza pour avoir négocié agressivement des coupes très impopulaires dans les retraites, les privatisations et les réformes de l’impôt sur le revenu. « Nous avons fait 99 pour cent du chemin, nous avons convergé sur presque tous les aspects,» a dit Moscovici avant d’ajouter: « En ce qui concerne le mécanisme de prévoyance, ce qui à notre avis n’est pas vraiment justifié par les données, mais politiquement nécessaire, nous allons y travailler. »

 

Néanmoins, Syriza étant en train de chuter rapidement dans les sondages et la colère montant dans la classe ouvrière contre son programme d’austérité, on spécule de plus en plus dans l‘establishment politique que les nouvelles mesures d’austérité pourraient faire tomber le gouvernement Tsipras.

 

Sept Grecs sur dix s’opposent aux négociations d’austérité en cours, selon un récent sondage KAPA, qui a également constaté que Syriza n’obtiendrait que 18,4 pour cent des voix, à peu près la moitié de ce qu’il avait obtenu l’an dernier, alors que le parti de droite New Democracy obtiendrait lui, 21,4 pour cent.

 

Des sources au sein de Syriza ont néanmoins déclaré au Financial Times, le principal journal du capital financier européen, que Tsipras n’appellerait pas à des élections anticipées ni ne prévoirait un nouveau référendum sur l’austérité dans une nouvelle tentative de se donner une couverture politique pour poursuivre l’austérité. Cela suggère qu’il poursuivra la négociation des mesures d’austérité avec l’UE et leur imposition.

 

« Ce n’est pas comme l’an dernier », a déclaré Stefanos Akrivakis un ancien militant de la jeunesse de Syriza au Financial Times; « Alexis a déçu tant de gens qu’il ne peut pas risquer de tenir un référendum sur les mesures ou une élection générale. »

 

 

 

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23 septembre 2015 3 23 /09 /septembre /2015 16:06
Par Jean Lévy et Claude Beaulieu

Origine  par Comité Valmy

 

 

KKE : La stratégie Papariga-Koutsoúmbas de "classe contre classe" et de la "nécessité du socialisme maintenant" est-elle pertinente ?

 

(note de JF: Même si l'interrogation est légitime mieux vaut attendre les prolongements avant de trancher, d'ailleurs je ne suis pas convaincu que le KKE se soit pour l'instant enfermé dans une stratégie classe contre classes, de nombreux indices montrent qu'il recherche des alliances pour mettre fin au pouvoir sans partage du Capital. D'ailleurs autre questionnement ou commence ou se termine le socialisme? Est-ce une transition vers une société plus évoluée ou une nouvelle version de la fin  de l'histoire?) 

 

Ce vote est salué par François Hollande, Bernard Guetta et Martin Schulz, comme une victoire de la social-démocratie. Exit, pour ces derniers du Pasok, leur ex-parti frère, relégué au magasin des accessoires.

 

 

Le PS joue Tsipras et Syriza.

Pour le chef de l’État « C’est un succès important pour Syriza, pour Tsipras et pour la Grèce qui va connaître une période de stabilité avec une majorité solide et avec des dirigeants, et notamment Alexis Tsipras qui a courageusement défendu ses positions et notamment l’accord conclu au Conseil européen le 13 juillet », a déclaré François Hollande, qui se rendra à Athènes « sans doute dans les prochaines semaines ». « Avec Alexis Tsipras, nous avons convenu de travailler ensemble avec d’autres pour que cette idée de la gauche puisse être promue en Europe »

 

L’hommage appuyé ainsi réservé par le président de la République, au parti qui se voulait, il y a six mois encore, révolutionner la politique grecque en renversant la table de l’austérité, chasser la troïka du pays et redonner à celui-ci indépendance et souveraineté, a de quoi surprendre ceux qui, encore aujourd’hui, placent en Syriza et Tsipras le renouveau de la gauche européenne…

 

Mais si Syriza a remporté la mise, peut-on dire qu’il s’agit d’une victoire ?

Examinons les chiffres.

Le premier enseignement de ce premier scrutin grec est celui de la lassitude. Le niveau de l’abstention (près de 45 %) est le principal fait de la soirée. C’est dix points de plus qu’en janvier et si l’on ajoute les bulletins blancs ou nuls (2,5 % des suffrages contre 0,5 % en janvier), on peut prendre la mesure du désaveu de la politique en Grèce.

 

Ces chiffres réduisent d’autant la popularité apparente de Tsipras : moins d’un Grec sur cinq est resté fidèle à son mouvement, alors que près d’un sur deux a refusé de mettre un bulletin dans l’urne. Pourtant un porte-parole de Syriza a annoncé dans la soirée que le parti mettrait en œuvre le plan conclu avec les créanciers internationaux tout en continuant à négocier sur les conditions de son application...

 

Le sentiment dominant demeure la désaffection de la population grecque vis-à-vis de la politique, et plus encore de la « gauche » et de ceux qui en revendiquent l’héritage.

 

Cette désespérance a touché en premier les candidats de l’Unité populaire, autour des vingt-cinq députés qui avaient quitté Syriza s’estimant trahis du fait de la capitulation de sa direction. Ils recueillent moins de 3% des suffrages. D’autres listes issues, elles aussi de Syriza n’atteignent pas 1%. Un vote en faveur des listes dissidentes aurait signifié une confiance en l’avenir.

 

Or, c’est la résignation qui règne.

Ce sentiment touche les électeurs de Syriza : ceux qui s’en sont détournés comme ceux-ci qui ont estimé que Tsipras serait « moins pire » que la droite revenue au pouvoir. On connaît la chanson en France. Et on sait ce que cela a donné !

 

Le KKE obtient lui, 5,5%, loin des 8,48 réalisés par Aléga Papariga en mai 2012. Il perd 37 582 voix mais conserve ses 15 députés (contre 26 en 2012). Ces élections sont un avertissement. Sa stratégie « Classe contre classe », de rejet de toutes les autres sensibilités, systématiquement considérées comme étant au service du Capital, l’a isolé. Cette démarche stratégique a démontré son inefficacité et l’on peut estimer que la recherche d’un rassemblement anti-oligarchique, mettant en avant la reconquête de l’indépendance nationale, aurait été plus adaptée à la lutte contre l’euro dictature.

 

Les autres partis ont également pâti de la désaffection populaire. « Nouvelle démocratie », le mouvement traditionnel de la droite, qui a gouverné la Grèce en alternance avec le Pasok, durant des décennies, obtient 28, 1%.

 

« Aube doré » qui regroupe les nostalgiques de la dictature des colonels, totalise 6,96% et conforte sa position de troisième force du pays, tout en perdant aussi des voix.

 

Quelle leçon à tirer de la situation grecque ?

En terre hellène comme en France et sur tout le continent soumis, aucun changement démocratique ne peut être envisagé dans le cadre de l’Union européenne. Les financiers tiennent non seulement les cordons de la bourse, mais ils tirent les ficelles politiques des gouvernements qu’ils se proclament de « gauche » ou qu’ils se revendiquent de droite. Le grand patronat ne s’est pas, depuis des lustres, investi dans la construction européenne pour permettre à quelque peuple insolent de déroger à la règle : la dictature des marchés. Ceux qui, au PCF entre autres, nous chantent le grand air de l’Europe sociale, trompent les Français.

 

L’expérience grecque nous en démontre la triste actualité.

 

 

 

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1 septembre 2015 2 01 /09 /septembre /2015 10:35

Jean-Michel Vernochet a reçu, Valérie Bugault, docteur en droit, spécialiste des questions européennes, pour un entretien sur la situation de la Grèce, à trois jours du référendum organisé par Tsipras. Que faut-il penser de la situation économique de ce pays, de sa dette publique, et des dettes de tous les pays occidentaux. Bien des idées fausses vont tomber à l’écoute de ce dialogue passionnant.

 

 

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18 août 2015 2 18 /08 /août /2015 10:30

Entretien inédit de Sthatis Kouvèlakis  pour le site de Ballast repris sur Comité Valmy

 

Stathis Kouvelakis est membre du comité central de Syriza. Il est  également professeur de philosophie politique au King's College de Londres.

 

Résumons à très grands traits. Le 25 janvier 2015, Syriza remporte les élections législatives grecques sur un programme de rupture ; le 5 juillet, c’est un tonitruant « OXI », à 61 %, qui envoie les petits barons de l’ordre européen dans les cordes ; le lendemain, Yánis Varoufákis, ministre des Finances grec, est poussé vers la sortie ; le lundi 13 juillet, le tout-venant apprend que les dix-huit heures de bataille psychologique, à la fameuse « table des négociations », ont eu raison des espoirs mis dans le gouvernement grec : capitulation en rase campagne, entend-on. La couleuvre de l’austérité avalée contre un hypothétique rééchelonnement de la dette. « J’assume la responsabilité d’un texte auquel je ne crois pas », affirme Tsipras à la télévision publique grecque. Mercredi, le comité central de Syriza rejette l’accord et dénonce « un coup d’État contre toute notion de démocratie et de souveraineté populaire ». Les ministères démissionnaires partent en claquant la porte, le texte passe avec les voix de la droite et de la social-démocratie grecques, les grèves générales repartent et la place Syntagma s’enflamme. « Trahison » ; la messe est dite. Pour Stathis Kouvélakis, philosophe francophone, membre du Comité central de Syriza et figure de la Plateforme de gauche, l’équation s’avère toutefois plus complexe, si l’on tient à prendre toute la mesure de ces récents événements. Entretien pour y voir plus clair et, surtout, organiser la riposte.

 

 

 

Vous émettez des réserves quant à la critique de Tsipras en termes de « trahison », qui revient pourtant fréquemment dans les gauches radicales européennes depuis l’accord du 12 juillet. Pourquoi la considérez-vous comme inefficace ?

 

Je ne nie pas que le terme de « trahison » soit adéquat pour traduire une perception spontanée de l’expérience Syriza. Il est évident que les 62 % qui ont voté « non » au référendum et les millions de gens qui ont cru en Syriza se sentent trahis. Néanmoins, je nie la pertinence analytique de la catégorie de trahison car elle repose sur l’idée d’une intention consciente : consciemment, le gouvernement Tsipras aurait fait le contraire de ce qu’il s’était engagé à faire.

 

Je pense que cette catégorie obscurcit la réalité de la séquence en cours, qui consiste dans la faillite d’une stratégie politique bien précise. Et quand une stratégie fait faillite, les acteurs qui en étaient les porteurs se retrouvent uniquement face à de mauvais choix ou, autrement dit, à une absence de choix. Et c’est très exactement ce qui s’est passé avec Tsipras et le cercle dirigeant du gouvernement. Ils ont cru possible de parvenir à un compromis acceptable en jouant cette carte de la négociation – qui combinait une adaptation réaliste et une fermeté quant à des lignes rouges, dans le but d’obtenir un « compromis honorable ».

 

« La notion de "trahison" empêche d’analyser et de remettre en cause la stratégie ; elle rabat tout sur les "intentions des acteurs" et se fonde sur l’illusion naïve selon laquelle ceux-ci sont maîtres de leurs actes. »

 

Or la Troïka des créanciers n’était nullement disposée à céder quoi que ce soit, et a immédiatement réagi, en mettant dès le 4 février le système bancaire grec au régime sec. Tsipras et le gouvernement, refusant toute mesure unilatérale, comme la suspension du remboursement de la dette ou la menace d’un « plan B » impliquant la sortie de l’euro, se sont rapidement enfermés dans une spirale qui les amenait d’une concession à une autre et à une détérioration constante du rapport de force. Pendant que ces négociations épuisantes se déroulaient, les caisses de l’État grec se vidaient et le peuple se démobilisait – réduit à un état de spectateur passif d’un théâtre lointain sur lequel il n’avait prise. Ainsi, quand Tsipras affirme le 13 juillet qu’il n’avait pas d’autre choix que de signer cet accord, il a en un sens raison. À condition de préciser qu’il a fait en sorte de ne pas se retrouver avec d’autres choix possibles. Dans le cas précis de la Grèce, on assiste à une faillite flagrante de cette stratégie pour la simple raison qu’elle n’avait prévu aucune solution de repli. Il y a un véritable aveuglement de Tsipras et la majorité de Syriza dans l’illusion européiste : l’idée qu’entre « bons européens », nous finirons par nous entendre même si, par ailleurs, demeurent des désaccords importants ; une croyance dure comme fer que les autres gouvernements européens allaient respecter le mandat légitime de Syriza. Et, pire encore, l’idée de brandir l’absence de « plan B » comme un certificat de bonne conduite européiste, qui fut le comble de cet aveuglement idéologique...

 

La notion de « trahison » empêche d’analyser et de remettre en cause la stratégie ; elle empêche de parler en termes d’analyse stratégique et point aveugle idéologique ; elle rabat tout sur les « intentions des acteurs » – qui resteront toujours une boîte noire – et se fonde sur l’illusion naïve selon laquelle ceux-ci sont maîtres de leurs actes. Par ailleurs, elle empêche de saisir le cœur du problème, à savoir l’impuissance de cette politique : la violence de la réaction d’un adversaire a été sous-estimée alors même que le gouvernement Syriza, par son existence même, était allé suffisamment loin pour la déclencher. De plus en plus de voix s’élèvent dans l’Europe du Sud pour dénoncer le carcan de la monnaie unique. Ce débat a-t-il sérieusement eu lieu au sein du gouvernement Tsipras et de Syriza ? Yánis Varoufákis, après avoir démissionné, a affirmé avoir proposé un plan de sortie de l’euro ou, du moins, la mise en circulation d’une monnaie nationale au plus dur des négociations.

 

Ce débat n’a jamais véritablement eu lieu — ou, plutôt, il n’a eu lieu que de façon limitée, au sein de Syriza, pendant les cinq dernières années. Et ce fut toujours contre la volonté de la majorité de la direction du parti, par une sorte d’état de fait créé par le positionnement d’une minorité substantielle en faveur d’une sortie de l’euro, comme condition nécessaire pour la rupture avec les politiques d’austérité et le néolibéralisme. La majorité de la direction du parti n’a jamais vraiment accepté la légitimité de ce débat. La sortie de l’euro n’était pas présentée comme une option politique critiquable avec des inconvénients qui justifiaient un désaccord. Elle était purement et simplement identifiée à une catastrophe absolue. Systématiquement, il nous était reproché que si nous défendions la sortie de l’euro, nous étions des crypto-nationalistes ou que la sortie de l’euro entraînerait un effondrement du pouvoir d’achat des classes populaires et de l’économie du pays. En réalité, c’étaient les arguments du discours dominant qui était repris par nos camarades. Ils ne cherchaient donc pas un véritable débat argumenté mais à nous disqualifier symboliquement, à disqualifier la légitimité de nos arguments à l’intérieur de Syriza et de la gauche radicale. Ainsi, quand Syriza est arrivé au pouvoir, la question s’est posée par la logique même de la situation, puisqu’il est rapidement devenu évident que ces négociations n’aboutissaient à rien. Déjà, l’accord du 20 février indiquait bien que Syriza était contraint de reculer au cours de ce bras de fer. Mais cette discussion s’est déroulée à huis clos : jamais de façon publique et jamais avec le sérieux nécessaire — si l’on excepte bien sûr les prises de position de la Plateforme de gauche de Syriza.

 

Yánis Varoufákis, de son côté, avait posé à divers moments la question d’un plan B. Panayótis Lafazánis et la Plateforme de gauche mettaient régulièrement sur la table ces propositions. Il faut préciser que le plan B ne se limite pas simplement à la reprise d’une souveraineté monétaire. Il met en avant l’interruption du remboursement des créanciers, le placement des banques sous contrôle public et un contrôle de capitaux au moment du déclenchement de l’affrontement. C’était, d’une façon générale, prendre l’initiative plutôt que d’être à la traîne de négociations qui amenaient un recul après l’autre. Le gouvernement n’a même pas fait les gestes minimaux afin d’être en mesure de tenir bon quand les Européens appuyèrent sur le bouton nucléaire, c’est-à-dire en arrêtant totalement l’approvisionnement en liquidité avec l’annonce du référendum. Le référendum lui-même aurait pu être conçu comme le « volet politique » du plan B : il a donné une idée d’un scénario réaliste conduisant à la rupture avec les créanciers et la zone euro. Le raisonnement aurait pu être le suivant : Le mandat initial de Syriza, celui issu des urnes du 25 janvier, était de rompre avec l’austérité dans le cadre de l’euro ; nous avons bien vu que c’était impossible dans ce cadre ; donc nous nous présentons de nouveau devant le peuple ; le peuple confirme son mandat en disant « Non à l’austérité et faites le nécessaire ». C’est effectivement ce qui s’est passé avec la victoire écrasante du « non », lors du référendum du 5 juillet, mais il était déjà trop tard ! Les caisses étaient déjà vides et rien n’avait été fait pour préparer une solution alternative.

 

Vous soulignez les rapports de force qui ont traversé Syriza depuis 2010. Comment expliquer que la frange acquise à l’Union européenne et l’euro l’ait emportée ?

Il faut replacer ces débats dans un cadre plus large : celui de la société grecque, et d’une façon plus générale, celui des sociétés de la périphérie européenne. Avant la crise de 2008-2010, les pays les plus europhiles au sein de l’Union européenne étaient précisément ceux du sud et de la périphérie. Il faut bien comprendre que, pour ces pays, l’adhésion à l’UE signifie une certaine modernité, à la fois économique et politique, une image de prospérité et de puissance que l’euro vient valider à un niveau symbolique. C’est l’aspect fétichiste de la monnaie que Karl Marx a souligné : en ayant la monnaie commune dans sa poche, le Grec accède symboliquement au même rang que l’Allemand ou le Français. Il y a ici quelque chose de l’ordre du « complexe du subalterne ». C’est notamment ce qui nous permet de comprendre pourquoi les élites dominantes grecques ont constamment joué avec la peur de la sortie de l’euro — leur carte maîtresse depuis la début de la crise. Tous les « sacrifices » sont justifiés au nom du maintien dans l’euro. La peur du Grexit est étrangère à la rationalité économique. Elle ne repose pas sur les conséquences éventuelles d’un retour à la monnaie nationale ; par exemple : les difficultés pour les importations ou, à l’inverse, les nouvelles facilitées à l’exportation. Au niveau du « sens commun », la sortie de l’euro charrie une sorte de tiers-mondisation symbolique. Pour le Grec moyen qui résiste à l’idée d’une sortie de la zone euro, la justification de son refus renvoie à la peur d’une régression du pays au rang de nation pauvre et retardataire – qui était effectivement le sien il y a quelques décennies. N’oublions pas que la société grecque a évolué très rapidement et que le souvenir de la misère et de la pauvreté est encore présent dans les couches populaires et dans les générations âgées.

« Une foule enthousiaste s’est formée derrière lui et l’a conduit en triomphateur jusqu’à la marée humaine de la place du Parlement. Quelle a été la réaction de Tsipras ? Il a pris peur et a abrégé les trois quarts du discours qu’il avait préparé. »

Ce que je viens de dire explique aussi l’apparent paradoxe du vote massif du « non » chez les jeunes. Le journal Le Monde fait son reportage en disant : « Toutes ces générations des 18-30 ans qui ont grandi avec l’euro et l’Union européenne, qui ont bénéficié des programmes Erasmus et des études supérieures [le niveau d’accès à l’enseignement supérieur en Grèce est parmi les plus élevés d’Europe], comment se fait-il qu’elles se retournent contre l’Europe ? » La raison est en fait que les jeunes générations ont moins de raisons que les autres de partager ce complexe de la subalternité ! Cet « européisme » ambiant de la société grecque est resté toutefois hégémonique, y compris dans les forces d’opposition aux politiques néolibérales — à l’exception du Parti communiste, très isolé et sectaire. Et cela explique pourquoi Syriza a choisi, dès le début, de s’adapter à l’européisme et d’avoir une stratégie électoraliste à court terme plutôt que d’entrer dans un travail de pédagogie qui consisterait à dire : « Nous ne sommes pas contre l’Europe ou l’euro par principe, mais si eux sont contre nous, et qu’ils nous empêchent d’atteindre nos objectifs, il nous faudra riposter. » C’est un discours qui demandait un certain courage politique, chose dont Tsipras et la majorité de la direction de Syriza s’est révélée être totalement dépourvue.

 

Le référendum n’était donc en rien la possibilité d’une rupture mais un simple mouvement tactique afin de renforcer Tsipras dans les négociations ?

Tsipras est un grand tacticien. Penser que tout ce qui s’est passé est conforme à un plan préétabli serait se tromper lourdement. C’est une gestion au jour le jour de la situation qui a prévalu, sans vision stratégique autre que celle de la recherche de l’illusoire « compromis honorable » dont j’ai parlé auparavant. Le référendum a été conçu, d’emblée, comme un geste tactique, comme une issue à une impasse dans laquelle le gouvernement s’est trouvé à la fin du mois de juin, lorsque le plan Juncker a été présenté sous la forme d’un ultimatum. Mais, en annonçant le référendum, Tsipras a libéré des forces qui sont allées bien au-delà de ses intentions. Il faut ici souligner le fait que l’aile droite du gouvernement et de Syriza ont très bien perçu, elles, le potentiel conflictuel et de radicalisation que comportait objectivement la dynamique référendaire, et c’est pour cela qu’elles s’y sont fortement opposées. Je vais vous livrer une anecdote. Le jour du grand rassemblement du vendredi [3 juillet], une foule immense s’était rassemblée dans le centre-ville d’Athènes. Tsipras est allé à pied de la résidence du Premier ministre à la place Syntagma, séparées par quelques centaines de mètres. C’est une scène de type latino-américaine qui s’est produite : une foule enthousiaste s’est formée derrière lui et l’a conduit en triomphateur jusqu’à la marée humaine de la place du Parlement. Quelle a été la réaction de Tsipras ? Il a pris peur et a abrégé les trois quarts du discours qu’il avait préparé.

 

Vous racontez qu’Euclide Tsakalotos, ministre des Finances grecques après la démission de Yánis Varoufákis, préparait son intervention devant l’Eurogroupe comme un professeur d’université prépare sa contribution à un colloque. Ne pointez-vous pas ici un des problèmes de la gauche radicale : une parfaite analyse des phénomènes mais une incapacité à mener des rapports de force, à établir des stratégies gagnantes, à jouer sur les contradictions de l’adversaire ? Est-ce dû à la promotion des savoirs académiques au sein de la gauche radicale au détriment d’autres profils ?

 

Je suis très réticent par rapport aux explications sociologistes : je ne pense pas qu’elles permettent de comprendre la situation. Dans un entretien à Mediapart¹, Tsakalotos expliquait en effet que, lorsqu’il est allé à Bruxelles, il avait préparé ses argumentaires de façon très sérieuse. Il s’attendait à entendre des contre-arguments et, au lieu de cela, il s’est retrouvé face à un mur de technocrates répétant des règles et des procédures. Il avait été choqué du faible niveau de la discussion – comme s’il s’agissait d’un colloque universitaire où le meilleur argument l’emporte. Or tout en étant moi-même universitaire, et même un ancien camarade de parti de Tsakalotos (nous avons milité dans le Parti eurocommuniste grec dans les années 1980), je n’en suis pas moins en désaccord profond avec lui. Par ailleurs, s’il y avait un reproche à lui faire, c’est justement un défaut d’analyse ! La gauche, dans son ensemble, a considérablement sous-estimé la nécessité d’analyser sérieusement l’Union européenne. Au lieu de cela, nous avons eu droit, pendant des décennies, au recours à une longue litanie de vœux pieux : « l’Europe sociale », « l’Europe des citoyens », « faire bouger les lignes en Europe », etc. Ce genre de discours sont répétés inlassablement depuis des décennies alors qu’ils ont fait la preuve flagrante de leur impuissance et de leur incapacité à avoir la moindre prise sur le réel.

 

Une dernière remarque à propos du statut sociologique du discours européiste : je fais partie d’un département d’Études européennes dans une université britannique. Je peux vous assurer que mes collègues, qui sont du côté mainstream, qui sont donc universitaires mais qui connaissent de façon intime la machine européenne, ont toujours refusé de prendre au sérieux la vision de Syriza. Ils n’arrêtaient pas d’ironiser sur les naïfs qui pensaient qu’à coups de négociations et d’échanges de bons arguments on arriverait à rompre avec le cadre des politiques européennes, c’est-à-dire avec l’austérité et le néolibéralisme. Personne n’a pris ce discours au sérieux chez les gens informés, alors, qu’à l’inverse, il déclenchait une sorte d’extase parmi les cadres et bon nombre de militants des formations de la gauche radicale européenne. Nous avons ici affaire à une question de politique avec un grand « P », à la puissance de l’idéologie dominante et à une déficience d’analyse et de pensée stratégique, loin de toute explication réductrice en termes de position sociologique des acteurs.

 

Slavoj Žižek a écrit le 20 juillet que « Syriza devrait exploiter, en montrant un pragmatisme impitoyable, en pratiquant le calcul le plus glacial, les fêlures les plus minces de l’armure de l’adversaire. Syriza devrait instrumentaliser tous ceux qui résistent à la politique hégémonique de l’Union européenne, des conservateurs britanniques à l’UKIP, le parti pour l’indépendance du Royaume-Uni. Syriza devrait flirter effrontément avec la Russie et la Chine, elle devrait caresser l’idée de donner une île à la Russie afin que celle-ci en fasse sa base militaire en Méditerranée, juste pour effrayer les stratèges de l’OTAN. Paraphrasons un peu Dostoïevski : maintenant que le Dieu-Union européenne a failli, tout est permis². » Y souscrivez-vous ?

 

Il y a ici deux questions en une. Tout d’abord, il s’agit de s’interroger sur les contradictions internes à l’Union européenne et, ensuite, de se demander que faire en dehors de ce cadre. Quant à la première, la stratégie du gouvernement Tsipras consistait justement à exploiter ses contradictions internes, réelles ou, surtout, supposées. Ils pensaient pouvoir jouer sur l’axe Hollande-Renzi – vus comme des gouvernements plus « ouverts » à une approche anti-austérité –, Mario Draghi – vu également sur une ligne divergente de l’orthodoxie rigoriste de Wolfgang Schäuble [Ministre allemand des Finances] – et, enfin, sur le facteur américain – perçu comme pouvant faire pression sur le gouvernement allemand. Tout cela s’est révélé une illusion complète. Bien entendu, il ne s’agit pas de nier l’existence de contradictions dans le bloc adverse : le FMI, par exemple, a une logique de fonctionnement et des priorités en partie distinctes de celles de la Commission européenne. Ceci dit, toutes ces forces convergent sur un point fondamental : dès qu’une menace réelle émerge, et Syriza en était une car il remettait en cause l’austérité et le néolibéralisme, toutes ces forces ont fait bloc pour la détruire politiquement. Voyons le numéro de François Hollande. Il essaie d’endosser auprès de l’opinion française un rôle soi-disant amical vis-à-vis des Grecs. En réalité, il n’a été qu’un facilitateur de l’écrasement du gouvernement grec par le gouvernement allemand : ces acteurs-là sont d’accord sur l’essentiel, à savoir sur une stratégie de classe — les divergences ne portent que sur des nuances.

« Hollande n’a été qu’un facilitateur de l’écrasement du gouvernement grec par le gouvernement allemand : ces acteurs-là sont d’accord sur l’essentiel, à savoir sur une stratégie de classe. »

Que faire maintenant, en dehors du cadre de l’Union européenne ?
Penser pouvoir s’appuyer sur l’administration Obama est une fausse bonne idée, on l’a vu. Quant à la Russie, c’était sans doute une carte à explorer. Syriza l’a tentée sans vraiment y croire ; en réalité, la diplomatie russe est très conservatrice. Elle ne vise pas du tout à favoriser des ruptures dans le bloc européen. La Russie, dans ses pourparlers avec Syriza, souhaitait un gouvernement dissonant quant à l’attitude antirusse des Occidentaux suite à l’affaire ukrainienne et aux sanctions économiques. Mais à condition de rester dans le cadre de l’Union européenne et de l’euro ! En dépit de quelques bonnes paroles, la Russie n’a été, à aucun moment, un allié du gouvernement Syriza : il me semble douteux de croire qu’elle serait disposée à faire davantage si les choses étaient allées jusqu’à la rupture.

 

D’aucuns avancent que Tsipras temporise et attend les élections générales espagnoles de novembre pour avoir le soutien de Pablo Iglesias – en pariant sur une victoire de Podemos. Cela vous semble-t-il crédible ?

Ce genre de propos relève d’une tromperie manifeste. En signant cet accord, la Grèce est soumise à un carcan qui va bien au-delà de celui imposé par les mémorandums précédents. C’est un véritable mécanisme institutionnalisé de mise sous tutelle du pays et de démembrement de sa souveraineté. Il ne s’agit pas simplement d’une liste – comme les naïfs peuvent le croire – de mesures d’austérité très dures, mais de réformes structurelles qui remodèlent le cœur de l’appareil d’État : le gouvernement grec perd en effet le contrôle des principaux leviers de l’État. L’appareil fiscal devient une institution dite « indépendante » ; elle se retrouve en fait dans les mains de la Troïka. Un conseil de politique budgétaire est mis en place, qui est habilité à opérer des coupes automatiques sur le budget si le moindre écart est signalé par rapport aux objectifs en matière d’excédents, fixés par les mémorandums. L’agence des statistiques devient elle aussi « indépendante » ; en réalité, elle devient un appareil de surveillance en temps réel des politiques publiques directement contrôlé par la Troïka. La totalité des biens publics considérés comme privatisables sont placés sous le contrôle d’un organisme piloté par la Troïka.

 

Privé de tout contrôle de sa politique budgétaire et monétaire, le gouvernement grec, quelle que soit sa couleur, est désormais dépossédé de tout moyen d’agir. La seule chose qui reste sous contrôle de l’État grec est l’appareil répressif. Et on voit bien qu’il commence à être utilisé comme avant, c’est-à-dire pour réprimer des mobilisations sociales. Les gaz lacrymogènes déversés sur la place Syntagma du 15 juillet, suivis d’arrestations de militants, de passages à tabac et maintenant de procès devant les tribunaux de syndicalistes, ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend lorsque la situation sociale se durcira, lorsque les saisies des résidences principales se multiplieront, lorsque les retraités subiront de nouvelles coupes dans leur retraite, lorsque les salariés seront dépossédés du peu de droits qu’ils leur restent. Le maintien du très autoritaire Yannis Panoussis comme ministre responsable de l’ordre public, et qui se voit également confier le portefeuille de l’immigration, est un signal clair du tournant répressif qui s’annonce. Ceux qui évoquent donc une stratégie de « gain de temps » ne provoquent chez moi qu’un mélange de dégoût et de révolte.

 

Vous analysez les résultats du référendum du 5 juillet comme un vote de classe. Pensez-vous, comme Frédéric Lordon en France, que l’Union européenne et l’euro sont l’opportunité historique donnée à la gauche radicale de reconstruire une frontière de classe dans nos sociétés européennes ? Faut-il, d’après vous, profiter des élans d’une sorte de « patriotisme émancipateur » (« Défendre les Grecs contre la Troïka », dit-on) – pour constituer des identités politiques « nationales-populaires » (Gramsci), comme en Amérique latine ?

 

Je me situe, de par ma formation intellectuelle au sein du marxisme, à la convergence de ces deux dimensions : associer la dimension de classe et la dimension nationale-populaire. Cela me paraît d’autant plus pertinent dans le cadre des pays dominés comme la Grèce. Disons-le sans ambages : l’Union européenne est une construction impérialiste – par rapport, certes, au reste du monde, mais aussi en interne, au sens où elle reproduit des rapports de domination impériale en son sein. On peut distinguer au moins deux périphéries : la périphérie Est (les anciens pays socialistes), qui sert de réservoir de main-d’œuvre bon marché, et la périphérie Sud (c’est un sud géopolitique, et non géographique, qui inclut l’Irlande). Ces pays sont soumis à des régimes de souveraineté limitée de plus en plus institutionnalisés via la mécanique des mémorandums. Quant à la force du vote « non » au référendum, elle vient de l’articulation de trois paramètres : la dimension de classe, la dimension générationnelle et la dimension nationale-populaire. Cette dernière explique pourquoi le « non » l’a emporté même dans les départements de tradition conservatrice. Je pense que pour devenir hégémonique, la gauche a besoin de tenir les deux bouts. D’abord, une identité de classe adaptée à l’ère du néolibéralisme, du capitalisme financier et des nouvelles contradictions qui en résultent — la question de la dette et des banques est un mode essentiel (mais non unique) sur lequel repose aujourd’hui l’antagonisme entre Travail et Capital. Par ailleurs, ces forces de classe doivent prendre la direction d’un bloc social plus large, capable d’orienter la formation sociale dans une nouvelle voie. Il devient ainsi bloc historique qui « se fait Nation » , autrement dit, qui assume une hégémonie nationale-populaire. Antonio Gramsci a beaucoup travaillé là-dessus, oui : articuler la dimension de classe et nationale-populaire.

« Je pense que pour devenir hégémonique, la gauche a besoin de tenir les deux bouts : la dimension de classe et la dimension nationale-populaire. »

Le scénario grec a permis de dessiller les yeux des défenseurs de l’« autre Europe ». N’est-ce pas là le grand succès de Syriza : avoir révélé en quelques semaines la nature anti-démocratique des institutions européennes ? Par exemple, le dernier vote au Parlement grec a donné à voir un spectacle ahurissant : des députés qui doivent se prononcer sur un texte de 977 pages, reçu 24 heures plus tôt…

 

Il faut bien que les défaites servent à quelque chose !
Malheureusement, ce que je vois dominer, même maintenant, dans la gauche radicale, ce sont des réflexes d’auto-justification : malgré tout, il faut trouver des excuses à ce que fait Tsipras, tourner autour du pot, laisser croire qu’il ne s’agit que d’un mauvais moment à passer, etc. J’espère que ce n’est qu’un mécanisme psychologique transitoire face à l’étendue du désastre et que nous aurons rapidement le courage de regarder la réalité en face, le courage de réfléchir sur les raisons de ce désastre. Je ne sais pas, pour ma part, ce qu’il faut de plus comme démonstration éclatante de l’inanité de la position selon laquelle on peut rompre avec le néolibéralisme dans le cadre des institutions européennes ! L’un des aspects les plus choquants des développements qui font suite à la signature de l’accord est qu’on est revenu exactement à la situation de 2010-2012, en matière de démocratie, ou plutôt de sa négation ! À savoir que même les procédures formelles de la démocratie parlementaire – on voit d’ailleurs qu’elles ne sont pas que formelles au regard des efforts déployés pour les supprimer – ne sont pas respectées. Les députés n’ont eu que quelques heures pour prendre connaissance de pavés monstrueux qui changent de fond en comble le code de procédure civile : 800 pages, qui faciliteront la saisie des maisons ou renforcent la position juridique des banques en cas de litige avec des emprunteurs. En outre, on trouve dans ce même projet de loi la transposition d’une directive européenne sur l’intégration au système bancaire européen, qui permet, en cas de faillite des banques, de pratiquer ce qu’on appelle un « bail-in », c’est-à-dire un prélèvement sur les dépôts bancaires pour renflouer les banques. Le cas chypriote se généralise à l’échelle de l’Europe. Tout cela a été voté le 22 juillet par les mêmes procédures d’urgence que Syriza n’avait cessé de dénoncer durant toutes ces années, et qu’il est désormais obligé d’accepter puisqu’il a capitulé devant les créanciers. Le mot « capituler » est sans doute faible. J’ai vraiment des réactions de honte quand je vois un parti dont je suis toujours membre être au gouvernement et se livrer à ce type de pratiques, qui tournent en dérision les notions les plus élémentaires du fonctionnement démocratique des institutions.

 

Après le vote par le Parlement grec de l’accord d’austérité et desdites « réformes structurelles », comment se redéfinit l’échiquier politique grec ? Va-t-on vers une scission de Syriza ou, du moins, une recomposition des forces de gauche radicale ? D’autant que les grèves repartent et la place Syntagma se remplit de nouveau...

 

La recomposition est certaine et elle sera de grande ampleur. Il est peut-être trop tôt pour en avoir les contours exacts mais j’aimerais insister sur deux éléments. Le premier est la situation interne de Syriza. Il faut bien comprendre que les choix du gouvernement Tsipras n’ont pas de légitimité au sein du parti. La majorité des membres du Comité central a signé un texte commun, dans lequel l’accord est rejeté et considéré comme le produit d’un coup d’État contre le gouvernement grec. Une convocation immédiate du comité central est exigée — et elle s’est heurtée à une fin de non-recevoir de Tsipras, président du parti élu, lui-aussi, directement par le Congrès. La quasi-totalité des fédérations du parti et des sections locales votent des motions dans le même sens. On est devant une situation de blocage. Du côté des proches de Tsipras, le ton devient extrêmement agressif envers ceux qui sont en désaccord avec les choix qui ont été faits. Il est très choquant de voir que certains membres du parti reprennent mot pour mot les arguments propagés par les médias, jusqu’aux calomnies qui présentent les défenseurs de plans alternatifs, comme Varoufákis ou Lafazanis, comme des putschistes, des comploteurs de la drachme, des alignés sur le Grexit, façon Schäuble. Nous avons donc peu de raisons d’être optimistes quant à l’évolution de la situation interne de de Syriza.

 

Mais l’essentiel est ailleurs. La gauche de Syriza, dans ses diverses expressions (même si la Plateforme de gauche en constitue l’épine dorsale), se fixe à présent comme objectif la traduction et la représentation politique du peuple du « non » aux mémorandums et à l’austérité. La situation nouvelle créée est que le bloc social, avec ses trois dimensions – de classe, de génération et national-populaire –, se retrouve désormais orphelin de représentation politique. C’est à cette construction politique qu’il faut maintenant s’atteler. Il s’agit de rassembler, de façon très large, des forces politiques à l’intérieur et l’extérieur de Syriza. Les premiers signes qui nous parviennent sont positifs. Mais il est vital d’impliquer également dans ce nouveau projet des acteurs non strictement politiques, qui ont mené la bataille du « non » par en-bas, dans le mouvement social. C’est absolument extraordinaire : les initiatives, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les quartiers, ont littéralement fusé en l’espace de quelques jours ; d’autres se sont créées dans la foulée du référendum ou se constituent actuellement.

 

L’image que véhiculent les médias, selon laquelle « en Grèce, tout le monde est soulagé, Tsipras est très populaire », est très loin de la réalité. Il y a un très grand désarroi, de la confusion, une difficulté à admettre ce qui s’est passé. Un ami a utilisé le terme de « choc post-traumatique ». Cela signifie qu’une partie de l’électorat du « non » est dans un tel désarroi qu’elle ne sait plus sur quel pied danser et se dit qu’il n’y avait peut-être pas d’autre choix possible. Mais nombreux sont ceux, surtout parmi les secteurs sociaux les plus massivement engagés dans le « non » – à savoir les jeunes et les milieux populaires –, qui sont révoltés et disponibles pour participer ou soutenir un projet alternatif. La Plateforme de gauche tient son premier meeting public au grand air à Athènes, lundi prochain [27 juillet — aujourd’hui]. Le titre de cette manifestation sera : « Le non n’est pas vaincu. Nous continuons. » Il faut construire de façon nouvelle la voix du « non » de classe, démocratique et anti-Union européenne.

 

C’est la stratégie qu’aurait dû entreprendre la gauche radicale française suite à la victoire du « non » au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen en 2005, non ?

Exactement. Et au lieu de ça, elle a régressé et s’est empêtrée dans des luttes de boutique internes. Au lieu de pousser la critique de l’UE plus loin, à partir de l’acquis de la campagne du « non », elle est revenue en arrière et n’a cessé de rabâcher la litanie de « l’Europe sociale » et de la réforme des institutions européennes...

 

Le projet d’une plateforme commune des gauches radicales sud-européennes, afin d’établir un programme concerté de sortie de l’euro, est-il envisageable ?

« Ce qui m’intéresse est une stratégie anticapitaliste pour ici et maintenant, dans un pays européen et dans la conjoncture où nous vivons. »

Depuis 35 ans, j’essaie d’être un militant communiste. Ce qui m’intéresse est une stratégie anticapitaliste pour ici et maintenant, dans un pays européen et dans la conjoncture où nous vivons. Et je considère effectivement que cela serait la médiation nécessaire afin d’établir une stratégie anticapitaliste effective, non pas basée sur un propagandisme abstrait ou sur des velléités de répétition des schémas anciens dont on sait pertinemment qu’ils ne sont plus valides, mais sur les contradictions actuelles ; une stratégie qui tire les leçons des expériences politiques récentes, des luttes, des mouvements sociaux et qui essaie d’avancer dans ce sens, en posant la question du pouvoir et de la stratégie politique. Ce n’est donc pas simplement un projet prétendument « anti-européen », ce n’est d’ailleurs pas un projet limité à l’Europe du Sud, mais un projet authentiquement internationaliste — qui suppose en effet des formes de coordination plus avancées des forces d’opposition au système. Ce qu’il faut, c’est une nouvelle gauche anticapitaliste. Et l’une des conditions, non pas suffisante mais nécessaire pour y parvenir, est d’ouvrir un front résolu contre notre adversaire actuel, c’est-à-dire l’Union européenne et tout ce qu’elle représente.

 

Dans vos interviews, écrits et articles, vous avez pris l’habitude d’écrire systématiquement entre guillemets « la gauche de la gauche » ou « la gauche radicale ». Cette incapacité à se définir clairement – sans ambages ni guillemets – marque-t-elle le signe que les identités politiques héritées du XXe siècle sont, pour partie, devenues obsolètes ?

Le terme de « gauche radicale » est sans doute utile car il correspond à cette situation mouvante. On est dans un entre-deux et les formulations souples sont nécessaires, ou du moins inévitables, pour permettre aux processus de se déployer de façon nouvelle, en rupture avec des schémas préétablis. Ce qui caractérise Syriza sont ses racines très profondes dans le mouvement communiste et la gauche révolutionnaire grecque. En d’autres termes, Syriza est issu de la recomposition de mouvements dont le but commun était la remise en cause, non pas seulement des politiques d’austérité ou néolibérales, mais du capitalisme lui-même. Il y a donc d’un côté un aspect de radicalité réelle, mais de l’autre, on a vu que la stratégie choisie était profondément inadéquate et renvoyait à des faiblesses de fond et, par là même, à des contradictions dans la constitution de Syriza, qui n’a pas résisté à cette épreuve terrible du pouvoir gouvernemental. La contradiction a ainsi fini par éclater. Il s’agit à présent d’assumer ce fait et de passer à une étape suivante pour que cette expérience chèrement acquise par le peuple grec et les forces de la gauche de combat servent au moins à ouvrir une perspective d’avenir.

NOTES 1. Entretien accessible en ligne.
             2. « Le courage du désespoir », accessible en ligne.

Source :
http://www.revue-ballast.fr/stathis-kouvelakis/

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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 14:32

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a donné le samedi 25 juillet une interview à Marianne[1]. Il justifie sa position au sujet de la Grèce et son soutien à la capitulation consentie par Alexis Tsipras. C’est son droit. Mais, pour se faire, il prend un certain nombre de libertés avec les faits. Et cela est beaucoup plus condamnable. Cette interview est une excellente illustration des illusions d’une partie de la « Gauche Radicale », illusions sur l’Euro et sur l’Europe, dont il semble désormais que le Parti de Gauche commence à se dégager[2].

Un petit florilège des citations de Pierre Laurent permet de voir qu’il entretient de sérieuses illusions, et même qu’il adopte un point de vue « européiste » qui n’est pas éloigné de celui du Parti dit « socialiste ». Mais, il faut aussi savoir que les prises de position de Pierre Laurent sont aujourd’hui fortement critiquées dans de larges fractions de la base comme de l’appareil du PCF. Ces prises de position reflètent bien plus les errances d’un homme et d’un groupe de directiondu PCF qu’une position largement défendue au sein du Parti.

 

Par Jacques Sapir

 

Une analyse tendancieuse du 13 juillet

Tout d’abord, quand il entend justifier la capitulation de Tsipras, Pierre Laurent dit au journaliste la chose suivante :

« Ils ont enfermé la Grèce et ses dirigeants dans une alternative qui était soit le Grexit — souhaité par les Allemands de manière ouverte, Wolfgang Schaüble, le ministre des Finances allemand, a plaidé jusqu’au dernier moment auprès des Grecs pour une sortie ordonnée —, soit le plan d’austérité qui a finalement été imposé. Le choix qu’a fait Tsipras est un choix qui évite la banqueroute bancaire de son pays, une situation qui aurait été terrible pour les Grecs. Je crois qu’il n’avait pas d’autres alternatives »[3].

Si je suis d’accord qu’un effondrement des banques est une catastrophe, je signale à Pierre Laurent que ce que Tsipras a refusé c’est la proposition de Varoufakis de (1) réquisitionner les banques et (2) de réquisitionner la Banque de Grèce. Ce faisant, le gouvernement aurait eu accès aux réserves (sous contrôle de la BCE avant la réquisition) déposées à la Banque de Grèce mais aussi dans les banques commerciales. La réquisition est un mécanisme qui permet à tout gouvernement de la zone Euro de s’affranchir de la tutelle de la BCE. Dire, dans ces conditions, que le choix de Tsipras était entre la banqueroute et la capitulation est faux. La décision de Tsipras a été politique, et non économique. C’était un choix entre s’engager sur une voie, celle que proposait son Ministre des finances Yanis Varoufakis, voie pouvant le conduire à sortir de l’Euro, ou bien d’accepter l’austérité. Présenter cela comme une décision économique est un mensonge éhonté[4]. Les choses sont désormais publiques, et il est triste de voir Pierre Laurent s’enferrer dans le mensonge.

 

Pierre Laurent révolutionne la science économique

Commentant un possible Grexit, Pierre Laurent ajoute alors :

« Et une sortie de la zone euro laisserait n’importe quel pays qui la pratiquerait devant la même pression des marchés financiers, voire une pression décuplée et une dévaluation nationale plus grave encore ».

Il semble ici que Pierre Laurent, qui a pourtant fait des études d’économie à Paris 1, ignore qu’il existe des moyens réglementaires permettant à un pays de faire fortement baisser la pression exercée par les marchés financiers. Cela s’appelle le contrôle des capitaux. Non pas le « contrôle des capitaux » imposé par la BCE à la Grèce, et qui aboutit à empêcher les entreprises grecques de faire des opérations sur l’étranger via les comptes Target2 (et qui s’apparente en réalité à un contrôle des changes), mais les contrôles sur les mouvements de capitaux à court terme non liés à des opérations matérielles. Ces mouvements représentent entre 90% et 95% des flux de capitaux, et sont essentiellement des mouvements spéculatifs. Bien entendu, pour les mettre en œuvre, il faut recouvrer le contrôle sur la Banque Centrale. Ici, soit Pierre Laurent fait la preuve de sa méconnaissance des mécanismes économiques de base, soit il les connaît, et en ce cas il ment en toute connaissance de cause. Je laisse le lecteur libre de son choix.

 

Pierre Laurent est un grand logicien

Pierre Laurent assène alors un argument qui lui apparaît imparable pour écarter une sortie de l’Euro. Cet argument, le voici :

« Il y a d’ailleurs des pays aujourd’hui qui, en dehors de la zone euro, sont également frappés par des politiques d’austérité. Car la pression des marchés s’exerce partout et sur tous les pays ».

On reste sidéré par ce que ce paragraphe implique comme méconnaissance des liens logiques qui relient plusieurs éléments. Bien sûr, il existe des pays qui ont des politiques d’austérité sans appartenir à l’Euro. Nul ne l’a nié. Mais, connaît-on un pays de la zone Euro qui n’applique pas une politique d’austérité ? En fait, on peut montrer que la zone Euro induit un cadre dépressif pour les économies qui y participent[5]. Donc, cet argument ignore ce qu’en logique on appelle des conditions nécessaires et des conditions suffisantes. La sortie de l’Euro est une condition nécessaire à une rupture avec une politique d’austérité, mais ne constitue nullement une condition suffisante. Par contre, par sa méconnaissance de la logique la plus élémentaire, Pierre Laurent nous montre qu’il est suffisant mais pas nécessaire.

 

Pierre Laurent révolutionne la science économique (bis)

On revient à un argument en apparence plus économique avec la citation suivante, qui se révèle, à nouveau, tout à fait catastrophique :

« Oui, mais aujourd’hui, la différence est que tous les avoirs détenus par les Grecs sont en euros. Et le transfert de ces avoirs dans une monnaie nationale qui serait dévaluée par les marchés financiers conduirait, dans un premier temps, à un affaiblissement considérable du potentiel de ressources des Grecs. Alors que pour reconstruire leur pays, ils ont besoin d’un niveau d’investissement important ».

Notons tout d’abord que ce ne sont pas les « marchés financiers » qui transfèrent les avoirs qui sont détenus par les grecs. C’est en réalité le système bancaire, s’il s’agit d’avoirs détenus en Grèce. Pierre Laurent, à l’évidence soit ne connaît pas les règles de fonctionnement de l’économie, soit cherche à nous mener en bateau. Ces avoirs en Euros seront automatiquement re-dénominés en Drachmes. Mais cette redénomination touchera toutes les valeurs de l’économie grecque. Donc, le potentiel d’investissement sur la base de l’épargne (oui, cette chose que l’on apprend en fin de première année d’économie, l’égalité entre l’épargne et l’investissement) sera inchangé par rapport aux valeurs de l’économie grecque. Mais, une partie de ces avoirs ne sont pas détenus en Grèce. Donc, ils resteront en Euros (ou dans une autre monnaie, que ce soit le Dollar ou, peut être, le Mark allemand…). Si la Drachme est dévalué, disons de 25%, cela signifie que ces avoirs seront réévalués de 33%. Donc, le potentiel d’investissement, sur la base des avoirs grecs détenus à l’étranger, sera largement augmenté. Ce qui veut dire que les grecs ayant mis leurs avoirs à l’étranger pourraient les rapatrier avec un effet bien plus positif sur les investissements que si la Drachme n’avait pas été dévaluée. Notons encore que ceci s’applique aussi à l’ensemble des investisseurs étrangers. En fait, une sortie de l’Euro et une dévaluation de 25% de la Drachme constituent la condition pour qu’un flux d’investissement important en drachmes se reconstitue en Grèce.

Mais, il est peu probable que Pierre Laurent ignore à ce point les mécanismes de base de l’économie, ou alors il faut s’interroger sur les conséquences délétères sur le cerveau humain d’années de travail au journal l’Humanité. Il est bien plus probable que Pierre Laurent, ici encore, mente, et qu’il mente avec l’appond d’un arracheur de dents.

 

Quand Pierre Laurent joue au prestidigitateur

Reprenons le cours du raisonnement. Pierre Laurent nous offre une magnifique perle avec la citation suivante :

« Puisque les solutions apportées par Tsipras étaient totalement viables et elles restent praticables dans la zone euro. Ce n’est pas la zone euro qui les empêche mais la décision politique prise par les dirigeants allemands et un certain nombre d’autres dirigeants européens de rendre impossible l’expérience politique de Syriza ».

Ici, Pierre Laurent fait mine de croire que les dirigeants allemands et européens ont été conduits uniquement par leur haine politique de Syriza. Que ces dirigeants n’aient pas apprécié Syriza est certain. Mais, quand bien même l’auraient-ils apprécié, accepter les solutions proposées par Tsipras impliquait, à relativement court terme, faire basculer la zone Euro vers ce que l’on appelle une « union de transfert ». Or, les montants nécessaires pour faire fonctionner la zone Euro sans les politiques d’austérité ont été évalués, et on trouvera l’une de ces évaluations d’ailleurs dans ce carnet. Pour faire court, il faudrait que l’Allemagne consacre entre 8% et 10% de son PIB tous les ans pendant environ dix ans à ces transferts. Il est clair que cela n’est pas possible, sauf à vouloir détruire l’économie allemande. La véritable cause du rejet des options de Syriza se trouve là. Affirmer que « les solutions apportées par Tsipras étaient totalement viables et elles restent praticables dans la zone euro » est un nouveau mensonge. Les solutions proposées par Tsipras impliquaient une refonte totale de la zone Euro, et cette refonte aboutissait à faire peser un poids excessif sur l’Allemagne. Telle est la vérité. Mais, cette vérité gêne Pierre Laurent, qui préfère la faire passer sous le tapis pour sauver l’illusion de la possibilité d’une zone Euro qui ne soit pas austéritaire. Pierre Laurent doit donc mentir quant aux conditions de viabilité de la zone Euro, mais, nous l’avons vu, il n’est pas à un mensonge près.

 

Le dernier mensonge

Il ne reste donc à Pierre Laurent qu’un argument : le point Godwin ou la réduction du dilemme grec à un affrontement avec le Front National. Il suffit de regarder le paragraphe suivant pour s’en convaincre :

« Il y a aujourd’hui trois options en débat. L’option d’une Europe de l’ordre libérale, celle qui existe aujourd’hui. Il y a l’option d’une destruction de l’Europe et d’un retour à la compétition, voire au choc des nations dans la crise que traverse l’Europe, c’est l’option du Front national et des forces qui l’appuient. Et il y a l’option qui est la nôtre, celle de Tsipras, la mienne, celle que nous défendons, qui est l’option de la reconstruction d’une Europe de coopération, de solidarité, d’une Europe de souveraineté qui doit laisser plus de place aux pouvoirs de chaque nation de négocier démocratiquement son insertion dans cette Europe de solidarité. Nous parlons d’une Europe à géométrie choisie… ».

Passons sur le fait que proclamer que l’on vivrait mieux dans le monde des bisounours, la troisième option, na jamais fait avancer le débat. Mais, une sortie de la Grèce de l’Euro, et à terme, une dissolution de l’Euro, entraineraient-ils ce cataclysme que prévoit Pierre Laurent ? En fait, de nombreux économistes soutiennent aujourd’hui qu’une sortie de l’Euro était préférable, certains conservateurs comme Henkel[6], d’autres progressistes comme Kevin O’Rourke[7] ou Stefano Fassina[8], ancien ministre du PD en Italie, et parmi eux des assistants de Varoufakis[9]. C’est donc un nouveau mensonge de Pierre Laurent que de prétendre que l’option d’une sortie de l’Euro serait le fait du seul Front National. Un mensonge de plus dira-t-on. Espérons, en tous les cas, qu’il soit le dernier.

[1] Pierre Laurent : “Une sortie de la zone euro n’empêche pas la pression des marchés”, entretien avec Bruno Rieth, Marianne, 25 juillet 2015, http://www.marianne.net/pierre-laurent-sortie-zone-euro-n-empeche-pas-pression-marches-100235637.html

[2] Voir le blog de Guillaume Etievant, responsable économique du PG, le 24 juillet 2015,http://guillaumeetievant.com/2015/07/24/soyons-prets-a-sortir-de-leuro/

[3] Pierre Laurent : “Une sortie de la zone euro n’empêche pas la pression des marchés”, op.cit..

[4] Je renvoie à l’article de Jamie Galbraith, qui a travaillé avec Varoufakis publié dans Harper’s,
http://harpers.org/blog/2015/07/greece-europe-and-the-united-states/ ainsi qu’aux explications données par Yannis Varoufakis lui-même sur son blog :
http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/14/on-the-euro-summits-statement-on-greece-first-thoughts/

[5] Voir Bibow, J., et A. Terzi (eds.), Euroland and the World Economy—Global Player or Global Drag ? Londres, Palgrave, 2007.

[6] http://www.conservativehome.com/platform/2015/07/hans-olaf-henkel-mep-greece-must-leave-the-eurozone-for-the-good-of-us-all.html

[7]http://www.socialeurope.eu/2015/07/moving-on-from-the-euro/

[8] http://www.stefanofassina.it/lavoroeliberta/2015/07/19/sono-daccordo-con-schouble-una-grexit-assistita-unica-soluzione/

[9] Munevar D., « Why I’ve Changed My Mind About Grexit », in SocialEurope, 23 juillet 2015, http://www.socialeurope.eu/2015/07/why-ive-changed-my-mind-about-grexit/

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20 juillet 2015 1 20 /07 /juillet /2015 14:41

Par Jacques Sapir origine  Comité Valmy

18 juillet 2015

La crise grecque, dont on pressent qu’elle est loin d’être achevée, aura eu pour une de ses premières conséquences d’avoir exposé la véritable nature de la zone Euro et d’avoir permis au débat sur l’Euro lui-même de revenir au premier plan.

 

Le diktat pour rien

Il est en effet désormais clair que l’accord extorqué à la Grèce lors de la réunion de l’Eurogroupe et de Conseil européen dans la tragique nuit du 12 au 13 juillet n’a rien réglé. Non seulement le soi-disant « accord » se révèle d’heure en heure inadapté et inapte à traiter le fond du problème, mais on se rend compte que cet accord n’apportera aucun répit[1]. En effet, si lundi 20 juillet les banques grecques vont à nouveau ouvrir leurs portes, les opérations qu’elles feront seront extrêmement limitées. Les retraits de la population ne pourront toujours pas excéder 420 euros par semaines, même si cette somme pourra être retirée en une fois. Les opérations des entreprises grecques resteront toujours très limitées. En fait, cette situation de pénurie de liquidités qui a été organisée par la Banque Centrale Européenne porte un coup fatal à l’économie grecque. Le pourcentage des prêts dits « non-performants » a très fortement augmenté depuis le 26 juin dernier. Les besoins en financement des banques grecques sont passés de 7 à 10 milliards d’euros fin juin à 25-28 milliards au 15 juillet et pourraient atteindre la somme de 35 milliards vers le milieu de la semaine prochaine. En fait, le système bancaire grec a été délibérément détruit par les pressions exercées par la Banque Centrale Européenne à des fins essentiellement politiques. Les montants qu’il faudra accorder à la Grèce simplement pour que le pays ne sombre pas dans un chaos total s’il devait rester dans la zone Euro ne sont plus désormais de 82 à 86 milliards d’euros comme estimé le 13 juillet mais plus probablement de l’ordre de 120 milliards d’euros. La dette de la Grèce n’est aujourd’hui plus « soutenable » et l’accord n’a rien fait pour en assurer la soutenabilité[2]. Si Mme Merkel, M. J-C Juncker et M. Dijsselbloem sont les « vainqueurs » d’Alexis Tsipras, ils sont en train de comprendre ce que signifie l’expression de « victoire à la Pyrrhus ».

 

Le coût politique de cette crise

Mais, le coût principal ne sera pas économique. Il est en réalité politique[3]. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour la dire[4]. En fait, les conditions dans lesquelles les termes de ce véritable diktat ont été imposés a fait exploser la prétention de l’Union européenne d’être un espace de coopération et de solidarité, dénué de conflits. La zone Euro s’est révélée n’être qu’un instrument de domination voulu par l’Allemagne avec l’acquiescement de la France. L’Allemagne va d’ailleurs très vite comprendre le prix politique réel de son apparente victoire. Elle a fait disparaître en quelques jours tout le capital de sympathie relative, et en tous cas de respectabilité, qu’elle avait acquise en plusieurs dizaines d’années. Il est donc désormais très probable que l’on va assister à un aiguisement des conflits au sein tant de l’Eurogroupe (la Zone Euro) mais aussi au sein de l’Union européenne. Il est clair que les dirigeant allemands sont désormais devant l’alternative suivante : soit ils acceptent la transformation de la zone Euro en une Union de transfert, ce qu’ils ont toujours refusé depuis 1999, et ce qu’ils ne peuvent accepter d’un strict point de vue comptable, soit ils organisent la sortie de la Grèce de la zone Euro, mais dans des conditions qui entraîneront bien vite l’implosion de l’ensemble de cette zone. C’est pourquoi ils tentent désespérément de trouver une troisième voie, l’instauration d’un système à deux monnaies en Grèce pour prétendre que celle-ci fait toujours partie nominalement de la zone Euro. Mais, les systèmes bi-monétaires, quand le pays qui les subit n’a plus le contrôle de sa Banque Centrale, se révèlent extrêmement instables.

 

Le débat sur la viabilité de l’Euro

De plus, quelles que soient les différentes tentatives pour résoudre cette crise grecque, il est clair qu’elle ouvre de manière particulièrement violente le débat sur la viabilité de l’Euro. Il est très significatif que l’ancien économiste en chef de la BCE pose ouvertement ce problème[5]. Ici encore, les voix se multiplient. Il est donc clair que ce débat, longtemps supprimé et réprimé, est désormais en train d’éclater. Les arguments d’autorité qui sont souvent avancés, et en particulier en France, ne pourront plus convaincre. L’ouverture d’un véritable débat sur les coûts tant économiques que politiques de l’Euro est le signe évident de sa décomposition. Bien entendu, les facteurs de blocage restent important, ne serait-ce que parce qu’un tel débat remet en cause la légitimité d’une grande partie de la classe politique en France. Mais, cette classe politique désormais ne peut plus mettre son véto sur le débat lui-même et elle devra, dans les semaines qui viennent, faire face à une montée de critiques. C’est le début de la fin. Il n’y a vraisemblablement plus que notre Président, M. François Hollande, pour vouloir l’ignorer .

 

[1] Galbraith J., « Greece, Europe, and the United States », Harper’s Magazine, 16 juillet 2015, http://harpers.org/blog/2015/07/greece-europe-and-the-united-states/

[2] Barro J., « The I.M.F. Is Telling Europe the Euro Doesn’t Work », The New York Times, 14 juillet 2015,
http://www.nytimes.com/2015/07/15/upshot/the-imf-is-telling-europe-the-euro-doesnt-work.html ?_r=1&abt=0002&abg=0

[3] Comme le constate D. Tusk. Voir P. Spiegel « Donald Tusk interview : the annotated transcript », Financial Times, 16 juillet 2015,
http://blogs.ft.com/brusselsblog/2015/07/16/donald-tusk-interview-the-annotated-transcript/

[4] Le Point, « DSK fait encore la leçon », 18 juillet 2015,
http://www.lepoint.fr/economie/grece-dsk-fait-encore-la-lecon-18-07-2015-1949756_28.php

[5] Interview d’Otmar Issing dans Corriere della Sera, 16 juillet 2015,
http://www.corriere.it/economia/15_luglio_16/crisi-greca-l-economista-issing-inutile-illudersi-meglio-fuori-euro-0b802768-2b7d-11e5-a01d-bba7d75a97f7.shtml ?refresh_ce-cp

 

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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 13:21

A part le beau rôle octroyé à l'Union européenne ce n'est pas très éloigné de la réalité

 

 

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 16:07

A propos du référendum

Origine Comité Valmy

 

1. Le KKE salue les membres et amis du Parti et de la KNE [Jeunesse communiste de Grèce], les travailleurs qui se sont érigés contre les dilemmes fallacieux, tendus pour piéger le peuple. Il salue tous ceux qui dans une conjoncture de terrorisme idéologique, de pauvreté, d’angoisse quotidienne pour subsister, à cause des restrictions des opérations bancaires, des non-paiements, des licenciements, ont livré bataille, dans la mesure où le peu de temps alloué le permettait, pour que la position du KKE concernant le référendum soit connue largement, et qui est résumé par le slogan : « NON à la proposition de l’UE- FMI-BCE et NON à la proposition du gouvernement grec. OUI à la sortie de l’UE avec les peuple au pouvoir ».

 

Les processus économiques et politiques qui ont suivi la proclamation du référendum, ont une fois de plus démontré la nature impérialiste antipopulaire de l’UE, ainsi que sa profonde iniquité, ses antagonismes aigus. Ils ont justifié la position du KKE. Dans leurs communiqués communs, tant les forces politiques qui ont appelé à voter « NON » (SYRIZA - ANEL, avec le soutien de l’AD), que celles qui ont appelé à voter « OUI » (ND, POTAMI, PASOK) se servent du vote populaire comme d’une soi-disant approbation pour un nouvel accord antipopulaire - un protocole d’accord ou mémorandum, avec l’UE-BCE-FMI. Ceci, en l’occurrence, était clairement apparu avec les nouvelles propositions mises sur la table de négociation tant par l’eurozone et le FMI, que par le gouvernement SYRIZA - ANEL quelques jours avant la tenue du référendum. Les petits changements aux anciennes et plus récentes versions ne changent guère le caractère antipopulaire des nouvelles et plus douloureuses mesures à venir.

 

Indépendamment des manœuvres et des slogans, là où se rejoignent les partis qui appellent à voter « NON » ou « OUI » est leur acceptation de l’UE et de l’eurozone, ainsi que de l’assujettissement du peuple aux monopoles, sous la bannière de la soi-disant unité nationale.

 

2. Le gouvernement porte la responsabilité du refus de prendre en compte la question proposée par le KKE pour le référendum. Le gouvernement, voulait qu’il n’y ait que la sienne, rédigée en termes vagues, pour avoir les mains libres d’exploiter soit l’une soit l’autre réponse, qu’il interpréterait selon ses préférences politiques. La position du Parti communiste était la seule qui niait le dilemme bidon-piège du référendum, susceptible d’exprimer la volonté du peuple de se débarrasser de tous les mémorandums et non pas de valider l’une ou l’autre réponse.

 

C’est la seule position susceptible d’exprimer, sans ambiguïté ni mésinterprétation, les dispositions radicales parmi le peuple, contestant l’UE, qui peuvent s’identifier avec la proposition globale du KKE, à savoir la sortie de l’UE, l’annulation unilatérale de la dette avec le peuple aux commandes du pouvoir et de l’économie. Cette position du KKE concourt à l’émancipation ouvrière-populaire et répond aux desseins visant à impliquer le peuple dans différents scénarios antipopulaires.

 

Dès le départ, l’attitude du KKE au référendum n’avait pour cible une quelconque influence étroitement partisane. Il s’agissait d’une position de principe, il livrait un message politique au peuple de ne pas succomber au chantage, que ce soit celui de la troïka ou celui du gouvernement et des autres partis politiques bourgeois, pour que son « NON » - quel que soit le contenu – ne soit pas ajouté aux « OUI » pour l’UE, à l’accord, ni avec la proposition des « partenaires »[EE-BCE-FMI – NdT] ou du gouvernement SYRIZA-ANEL.

 

3. Cette position de classe, nette, conséquente a été confirmée dès le lendemain quand tous - sauf le KKE – ont compris le but de l’accord avec ses conditions douloureuses pour le peuple, sous la forme d’un nouveau mémorandum avec de dures mesures antipopulaires.

Le gouvernement a convoqué un Conseil de dirigeants politiques sous la Présidence de la République, avec comme ordre du jour, d’informer les partis politiques. Le KKE a participé et s’est positionné lors de la réunion, au cours de laquelle le Premier ministre a informé quant aux positions et propositions du gouvernement pour les négociations. Le Parti communiste a clairement exprimé ses points de vue au cours de la réunion et immédiatement après fait un communiqué public, aussi bien sur le référendum que sur le cours des négociations et des problèmes qui attendent le peuple ainsi que sur la proposition de la troïka et celle du gouvernement.

Le KKE a exprimé son désaccord global avec le communiqué conjoint, de tous les autres partis. Il a stipulé son désaccord avec les estimations du communiqué commun ainsi que sur l’orientation des négociations qui mènerait à de nouvelles sévères mesures. Il a souligné que le peuple n’a autorisé personne à avancer vers un accord–mémorandum douloureux, avec des mesures antipopulaires.

Le communiqué commun des cinq partis révèle que les forces du « OUI » ainsi que celles du « NON » ont un ciblage stratégique commun, le soutien au développement capitaliste. Ils soutiennent « le sens unique » de l’UE, vêtu du manteau bidon de « l’entente et du consensus national. »

4. Le gouvernement a d’immenses responsabilités, parce qu’avec sa décision de définir les choix posés au référendum il a permis au capital et à ses porte-paroles politiques de renforcer encore plus le chantage et le terrorisme en direction du peuple afin de piéger les forces ouvrières-populaires dans le sens-unique de l’UE et des monopoles, que ce soit comme soutiens du « OUI » ou comme soutiens du « NON », dans un plan déterminé de l’eurozone.

Telle est la contribution de la SYRIZA à la bourgeoisie et à l’Union européenne : avec des manœuvres tacticiennes et aventuristes d’altérer les consciences radicales, pour désamorcer la protestation et la canaliser de manière à ce qu’elle soit indolore.

La Nouvelle démocratie et ses alliés ont utilisé les éléments opportunistes de la politique de SYRIZA pour renforcer les conceptions conservatrices, pour endiguer le courant de protestation de l’UE, et déclencher un nouveau type d’anticommunisme, où Tsipras et SYRIZA ont été dépeints comme des expériences « communistes » échoués. Bien qu’ils n’aient rien à voir avec le socialisme-communisme.

Le gouvernement, pendant toute la période qui a précédé, ainsi que le jour du référendum, a continué à embellir l’UE, cette raillerie selon laquelle le seul choix pour les peuple est la « maison commune européenne », qui aurait soi-disant déviée de ses principes fondateurs de démocratie, de solidarité et de justice sociale, auxquels elle pourrait revenir grâce au « NON » du référendum. Parallèlement, il n’a pris aucune mesure de protection à l’égard du revenu ouvrier-populaire, tant par rapport aux conditions actuelles de blocage en Grèce du fonctionnement du système financier, que dans le cas de faillite de l’État et du passage à la drachme. Et tout cela dans une période où se renforce la tendance parmi les forces populaires de réaliser ou de se rapprocher de la vérité : que l’UE depuis sa création a été et reste une structure réactionnaire du capital, dans laquelle il n’y a pas de politiques en faveur des peuples. Le gouvernement, avec l’apparition de la résistance et de la dignité, n’a fait qu’inviter le peuple à se prosterner devant l’UE.

Le KKE appelle tous ceux qui ont voté « NON » et qui voulaient ainsi exprimer une véritable protestation populaire au memoranda et aux mesures impopulaires, de ne pas s’apaiser, de ne pas consentir à ce que le gouvernement utilise la dite « volonté populaire » pour mettre en place un nouvel accord-mémorandum antipopulaire en coopération avec les autres forces bourgeoises. Le KKE les appelle de ne pas accorder une nouvelle « période de grâce » de tolérance au gouvernement SYRIZA-ANEL, qui durant cinq mois a profité du vote populaire pour légitimer des plans antipopulaires, pour annuler toutes ses promesses électorales.

 

5. Dans tous les cas, un nouvel accord sur la base soit de la proposition Juncker, soit sur celle de Tsipras, donnera un nouveau mémorandum, qui de l’avis de tous sera pire que tous les précédents, avec des mesures et des conditions difficiles, au détriment des couches populaires. Par ailleurs les désaccords avec l’UE-BCE-FMI, qui ont conduit au blocage des négociations, ne concernent pas tellement les mesures antipopulaires et leurs divers équivalents, mais plutôt des contradictions autour de l’aménagement de la dette publique, quelles parties du capital seraient taxées et quelles autres favorisées, la lutte pour la réforme de la zone euro. Dans ces contradictions s’impliquent le FMI, les États-Unis, l’OTAN pour leurs propres intérêts, en antagonisme avec l’eurozone et en particulier l’hégémonie de l’Allemagne.

 

Cette lutte renforce souvent aussi la tendance d’utiliser la Grèce comme une « expérience » pour la reconstruction de l’eurozone, tendance qui reste puissante. En réalité la direction de la Commission et en particulier la classe dirigeante allemande, met les pays lourdement endettés comme la Grèce, devant le dilemme : Le strict respect des règles et des objectifs de l’eurozone ou la sortie forcée. Ce dilemme est un dilemme pour le capital, pas pour les gens, parce que dans l’un comme l’autre cas, il leur est hostile. Bien que parmi la bourgeoisie de notre pays, semble prévaloir le souhait de rester dans l’UE, une section bénéficierait directement de la sortie de l’euro. Dans les deux cas, c’est le peuple qui paiera en s’appauvrissant encore plus avec de sévères nouvelles mesures.

 

6. Le KKE continuera à informer le peuple concernant sa position et invite en même temps les travailleurs, les employés, les couches populaires moyennes, les retraités, les jeunes hommes et les femmes, de tirer les conclusions qui auraient un sens pour le lendemain :

 

 - Il ne peut y avoir de sortie de la crise et des solutions justes avantageuses pour le peuple dans la prison qu’est l’UE et la voie capitaliste de développement.

 - Tout gouvernement qui gère un régime exploiteur ne peut être favorable à la population et aux travailleurs, même s’il professe être de « gauche ».

 - Le gouvernement, ainsi que la bourgeoisie en général, se moquent de nous quand ils parlent de « souveraineté populaire », alors qu’il y a des dominants et des dominés. Ils trompent consciemment, car ils savent que toutes les lois et toutes les institutions en Grèce, en UE, que les accords internationaux sont fabriqués de manière à garantir la dominance de groupes monopolistiques, la dominance de la classe bourgeoise, la manipulation des forces ouvrières-populaires - et leur neutralisation. Ce système est ainsi fait, parce que le gouvernement et la bourgeoisie savent précisément que si le pouvoir ouvrier-populaire réagit, il peut ouvrir la voie au renversement des exploiteurs.

 - Dans son noyau l’UE n’a pas de « démocratie », comme le prétend le gouvernement de SYRIZA-ANEL et d’autres partis, tentant de tromper la majorité populaire. Dans le cœur de l’UE se trouve l’exploitation capitaliste, la concurrence monopolistique, l’inégalité économique, la dictature des monopoles. Voilà ce qu’est la « démocratie » des monopoles, qui s’oppose aux peuples. Par ailleurs, il est connu que l’UE a à plusieurs reprises annulé des référendums qui ont eu un résultat opposé à ce qu’elle voulait, imposant un nouveau vote jusqu’à ce que le « NON » devienne « OUI ».

 

7. Nous nous adressons aux couches ouvrières-populaires, qui dans leur majorité écrasante ont voté « NON », croyant ainsi rejeter les mesures antipopulaires, l’austérité, qui ont cru que la crise économique était due à la mauvaise gestion, que pour l’austérité seuls les gouvernements grecs précédents et leurs alliés européistes étaient à blâmer et non pas le gouvernement actuel. Nous les appelons de ne pas se laisser conduire à la désillusion, ne pas démissionner, à une nouvelle acceptation passive face au gouvernement et ses choix. Nous appelons à la lutte du lendemain, contre la détérioration de la vie du peuple.

 

Nous nous adressons également aux travailleurs qui ont voté « OUI » sous la pression des employeurs, devant la crainte des fermetures des banques pour leur salaire ou leur retraite, leurs petites économies.

 

Nous invitons tout le monde, dès demain, d’organiser ensemble la résistance contre la politique antipopulaire qui continue à mettre en faillite le peuple. Le mouvement ouvrier-populaire doit tracer sa propre ligne ainsi que le ralliement avec une orientation anticapitaliste antimonopolistique. Pour ne pas être pris au piège par les théories de la prosternation et de l’unité qui sont promus, parce que les intérêts de la classe ouvrière sont en contradiction avec ceux des capitalistes.

 

Soutenons tous les nécessiteux, les chômeurs et les faibles. Combinons la solidarité avec la revendication. Organisons la lutte par des Comités lutte, sur les lieux de travail, dans les usines, les hôpitaux, les services par des Comités Populaires dans les quartiers, par des Comités de solidarité et d’aide sociales, par des groupes et des comités de surveillance contre les fraudes, la possibilité de pénuries de produits alimentaires, médicaments et autres produits nécessaires à la survie de la famille populaire. Que les usines, les espaces de travail, les quartiers deviennent des centres de résistance et de solidarité ; personne ne doit être seul dans cette crise ; rejetons la logique du « chacun pour soi ».

 

8. Il reste plus nécessaire que jamais d’exprimer, par le ralliement au KKE, le vrai, le « NON » de classe des ouvriers et des salariés, des couches laborieuses contre tous les gouvernements du capital, leurs alliances impérialistes, les chantages de l’UE et du FMI contre les peuples. Ce qui est nécessaire est un mouvement ouvrier-populaire émancipé des partis et des gouvernements bourgeois avec leur gestion antipopulaire, ainsi qu’une puissante Alliance populaire qui se battra pour une rupture réelle, ce qui mènera le pouvoir ouvrier-populaire, résultat de la rupture avec les monopoles, le capital, leurs alliances, à réaliser la sortie de l’UE, l’annulation unilatérale de la dette, l’organisation de l’économie et de la société sur la base de la propriété sociale, la planification centralisée, le contrôle ouvrier-populaire.

 

Cet objectif, s’il devient une conscience populaire massive, conduira à élever le mouvement ouvrier-populaire, à renforcer l’alliance sociale, à changer et renverser le rapport des forces, pour devenir le pouvoir populaire antimonopolistique-anticapitaliste, impétueuse tempête dans le conflit avec les monopoles, leurs associations transnationales, leurs partis et gouvernements, une tempête de renversement pour la conquête du pouvoir ouvrier-populaire.

 

Seulement ce pouvoir mérite les sacrifices de notre peuple. DANS CETTE VOIE DE LUTTE ET DE CONFLIT LE PEUPLE DEVIENT VRAIMENT DIGNE ET FIER. Le KKE dans cette perspective appelle la classe ouvrière, les travailleurs indépendants, les agriculteurs pauvres, les femmes et la jeunesse à joindre leurs forces. Le KKE donnera dans cette lutte toutes ses forces. Son renforcement est la garantie pour la victoire finale.

Le Comité central du KKE  Athènes 7 juillet 2015

[Traduction Alexandre MOUMBARIS

Relu par Marie-José MOUMBARIS]
 

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 09:35

 

 

Avant, quand on voulait faire plier un pays qui ne se soumettait pas aux exigences du capitalisme, on organisait un putsch. Cela avait le mérite de la franchise et au moins, les choses était claires: le 11 septembre 1973, les chars de Pinochet entraient dans Santiago, le palais présidentiel de la Moneda était bombardé par des avions de combat et Allende mourait les armes à la main après un ultime discours bouleversant.

Chacun pouvait se faire une idée de la brutalité de la chose, même sans connaître  tous les tenants et les aboutissants: les chiffres les plus modérés estiment à trois cents le nombre de disparus dans les deux semaines qui suivirent le putsch et à dix fois plus sur la période où la junte te militaire exerça le pouvoir. On ne parle évidemment pas des partis et des syndicats interdits et de la fin de la liberté de la presse.

Il y eut des gens pour approuver à l’époque comme il y a des gens pour approuver ce que l’on fait subir à la Grèce. Après tout, les USA n’allaient pas laisser s’installer à ses portes un régime de type socialiste, même élu tout ce qu’il y a de plus démocratiquement. Ils n’allaient pas non plus risquer un effet domino. Cuba et les tentatives du Che en Bolivie, c’était déjà largement suffisant. C’est pour cela que Nixon avait demandé dès l’élection d’Allende en 70, selon ses propres termes de «faire hurler l’économie chilienne». On se souvient le plus souvent, en matière de hurlement économique, de la grève des camionneurs financée par la CIA, via le syndicat des routiers américains. Dans un pays  comme le Chili, étroit et très long, c’était la paralysie assurée. Les difficultés d’approvisionnement des commerces et des stations services pour tenter d’exaspérer la population devaient rendre logique et acceptable le coup de force.

Aujourd’hui, pour faire plier la Grèce, la Commission européenne, l’Eurogroupe, la BCE et le FMI ont d’autres moyens. On est dans une époque postmoderne qui n’aime plus les grands récits et sait mieux cacher ses intentions de domination réelle. Les marchés, la propagande unilatérale des «experts» et certains médias ont remplacé les chars et les escadrons de la mort mais le décor est le même. Et peut-être aussi le résultat.

Les faits sont là pourtant : les Grecs ont démocratiquement élu le 25 janvier un parti de gauche radicale, Syriza. Très symboliquement, ce parti a trouvé ses députés d’appoint dans la droite souverainiste des Grecs indépendants   comme pour mieux illustrer La rose et le réséda d’Aragon : «Quand les blés sont sous la grêle/Fou qui fait le délicat/Fou qui songe à ses querelles/Au coeur du commun combat».  Mais cette onction par les électeurs dans un pays qui a inventé la démocratie et où l’on trouve les plus anciennes racines historiques et philosophiques d’un continent que l’UE prétend aujourd’hui représenter dans son intégralité, elle ne signifie rigoureusement rien pour ceux qui jouent le rôle de petits télégraphistes de ces fameux « créanciers ».

Il est vrai que l’on peut estimer que la logique qui préside au putsch larvé qui se déroule sous nos yeux aujourd’hui est là depuis le début de la crise grecque, c’est-à-dire 2010. De mémorandum en mémorandum, la Troïka (UE, BCE, FMI)  se moquait bien de la majorité présente à la Vouli, le parlement hellène : Pasok, conservateurs de la Nouvelle Démocratie ou grande coalition des deux, qu’importe le flacon pourvu que les créanciers obtiennent ce qu’ils veulent et vite. Ce qui a changé avec la victoire de Syriza, c’est que cette fois-ci, ça résiste, ça résiste vraiment.

Ainsi, l’incroyable Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe a pu déclarer deux jours après le scrutin: « Les Grecs doivent comprendre que les problèmes majeurs de leur économie n’ont pas disparu du seul fait qu’une élection a eu lieu. » Ce qui signifie, si l’on y réfléchit bien, que c’est l’économie (ou plutôt une certaine vision de l’économie) qui prime sur tout le reste, et notamment sur le politique alors que le primat du politique est tout de même, précisément, ce qui fonde la démocratie.

Le paradoxe est que l’on accuse aujourd’hui la Grèce de ne pas respecter les traités signés avec l’UE mais que pour qui sait lire les déclarations réitérées de Syriza, il ne s’agit pas tant de sortir de l’euro, ce qui n’a jamais été dans son programme, que de refuser un maintien dans la monnaie unique si celui-ci est assorti de conditions tellement draconiennes qu’elles en deviennent insoutenables. C’est là où se mesure tout l’aveuglement politique de l’UE : pousser un gouvernement élu par un peuple à bout de force, un gouvernement clairement mandaté pour en finir avec l’austérité, dans ses derniers retranchements, sans prendre en compte son opposition à une politique austéritaire et son profond attachement à l’UE qui lui a, jadis, beaucoup apporté.

On pourrait ainsi multiplier à l’infini les citations méprisantes ou carrément insultantes envers la gauche grecque au gouvernement: par exemple Christine Lagarde parlant des négociateurs grecs qui devaient se comporter en « adultes » ou  le ministre des Finances allemand Wolfang Schaüble qualifiant le ministre des Finances Varoufakis de «stupidement naïf». On pourrait multiplier les exemples de présentations médiatiques subtilement biaisées. On explique sur les chaines d’infos continues que le défaut grec, voire le Grexit, coûterait 700 euros par Français. Ce mode de calcul, de toute manière aberrant et démagogique, n’est pourtant jamais utilisé pour dire ce que nous coûte le capitalisme en France: cadeaux au patronat, renflouement des banques-casino, traitement social du chômage dû aux délocalisations boursières et autres plans sociaux…  Ou encore comme dans cet article du Monde du 18 juin où il est dit qu’il faut que « la raison l’emporte sur les tirades politiques. » Evidemment, Tsipras, mandaté par son peuple, est dans la « tirade » et la « raison » du côté de ceux, pour la plupart non élus, qui ont infligé à la Grèce des plans de sauvetage n’ayant rien sauvé du tout comme l’indique un article de Libé ayant obtenu copie d’un document de 2010 du FMI, classé « secret »,  qui reconnait qu’une telle thérapie de choc empêchera au bout du compte la Grèce de retrouver la croissance et de se financer sur les marchés. Bref, une saignée qui ne guérira pas le malade mais servira d’exemple pour ceux qui seraient tentés de prendre des libertés avec l’orthodoxie exigée par les marchés.

On retrouve finalement la vision nixonienne pour le Chili: « Faire hurler l’économie » et tant pis pour les dégâts sociaux qui confinent depuis plusieurs années à la crise humanitaire. L’important est que l’idée ne vienne pas à d’autres de suivre un chemin anti-austéritaire comme l’Espagne qui vient de triompher aux municipales ou le Portugal qui vote pour les législatives à l’automne.

Ce qui se joue donc aujourd’hui, c’est bien une forme de putsch. Mais alors qu’il est sur le point de réussir, il semblerait qu’il y ait un certain flottement du côté de l’UE. Angela Merkel, reine d’Europe, s’est soudain faite plus discrète. C’est que soudain, sans doute, elle mesure les conséquences d’une Grèce qui s’en irait. Pour la zone euro, bien entendu mais aussi sur un plan géopolitique. Alors que l’URSS, finalement, s’était montrée assez peu ferme lors du renversement d’Allende, personnage gênant pour elle puisqu’il était en passe de réussir une expérience socialiste et démocratique, le contexte a changé.  L’URSS est devenu la Russie et ces temps-ci, Tsipras va souvent à Moscou. Il est vrai que son pays partage au moins avec celui de Poutine le même alphabet et la même histoire religieuse.

Alors si vraiment, il n’y avait pas d’autres solutions, autant tenter le tout pour le tout semblent dire les Grecs qui n’iront pas plus loin dans la paupérisation. Et pour Merkel, et avec elle l’UE,  le putsch réussi se transformerait en victoire à la Pyrrhus.

*Photo : Wikicommons.

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 09:17

Le consensus entre  Syriza et les partis d'opposition  ne laisse présager rien de bon ...  car il faut bien le reconnaitre l'Eurogroupe et la BCE sont bien pire que le FMI et ce n'est pas peu dire 
Maryvonne Leray

 

 

Une réunion des dirigeants des partis politiques s’est tenue au palais présidentiel, le lendemain du référendum du 5 juillet, sous la présidence de P. Pavlopoulos, Président de la République. Y assistaient le premier ministre et président de SYRIZA, A. Tsipras, le président exécutif de ND, E. Meimarakis, le président de POTAMI, S. Theodorakis, le secrétaire général du Comité central du KKE, D. Koutsoumbas, le président d’ANEL, P. Kammenos et le président du PASOK, F. Gennimata. La rencontre a duré 7 heures.

 

Lors de cette rencontre, les partis SYRIZA, ANEL, ND, POTAMI et PASOK sont arrivés à un accord et ont signé une déclaration commune, interprétant le résultat du référendum comme une adhésion de l’euro et de l’UE et pavant la voie à un nouvel accord antipopulaire.

 

Le secrétaire général du CC du KKE, D. Koutsoumbas, a exprimé son désaccord total avec la déclaration commune.

 

Le secrétaire général du CC du KKE, Dimitri Koutsoumbas, a fait la déclaration suivante à la suite de la réunion d’hier des dirigeants des partis politiques : 

 

« Nous avons écouté l’exposé du premier ministre, à la rencontre qui a eu lieu sous la présidence du Président de la République, sur l’état de la poursuite des négociations et des discussions après le référendum.

 

Pour notre part, nous avons exprimé clairement, une fois de plus, les positions du KKE sur la signification du référendum, surtout en rapport avec les problèmes énormes vécus par le peuple grec au sein de l’alliance prédatrice qu’est l’UE. Cette dernière a une ligne politique qui aggrave continuellement les difficultés vécues par les gens, dans leur revenu, qui aggrave la situation du pays et la situation de notre peuple pris globalement. Il a été démontré, une fois de plus, qu’il ne peut y avoir aucune négociation qui se fasse dans l’intérêt du peuple et des travailleurs, à l’intérieur du carcan de l’UE, dans une voie capitaliste de développement.

 

Le KKE est en désaccord avec l’ensemble de la déclaration commune adoptée par les autres dirigeants et partis politiques. Notre désaccord repose sur notre analyse du vote du peuple grec hier. Il porte en particulier sur l’état des négociations et sur les tactiques que propose le gouvernement pour  les poursuivre et que tous les autres partis acceptent, du moins dans le cadre et orientation généraux.

 

 

Personne n’a donné mandat à qui que ce soit pour signer de nouveaux mémorandums, de nouvelles mesures douloureuses pour notre peuple. Et ces mesures seront terribles ».

 

En réponse à une question d’un journaliste qui demandait s’il parlait d’une « solution par la sortie de l’euro », D. Koutsoumbas a insisté : 

 

« Non. Nous nous sommes exprimés clairement sur ce sujet. Cette ligne politique peut aller dans deux directions. Ou bien, comme cela semble le cas et bien prévu – nous le verrons dans les jours qui viennent – ils signent un nouvel accord douloureux, comprenant des mesures dures pour le peuple, un nouveau mémorandum, ou bien nous allons connaître une faillite d’Etat, avec un « Grexit », avec une sortie de l’euro ou l’établissement d’une double monnaie ou encore quelque chose d’autre. Nous entendons parler de cela principalement par nos « partenaires ». Les partis politiques ne l’ont pas évoqué à la réunion des dirigeants politiques. Mais les « partenaires » en parlent. Donc notre peuple doit se préparer. La position du KKE est que ces deux issues possibles, c’est-à-dire un accord avec un nouveau mémorandum et de dures mesures ou bien un grexit ou quelque chose comme ça se feront aux dépens du peuple grec.

 

 

La rupture avec l’UE, avec le capital et leur pouvoir est la condition préalable à une stratégie totalement différente, avec un pouvoir véritablement aux travailleurs et au peuple, allant vers la socialisation des moyens de production, un détachement de l’UE et une dénonciation unilatérale de la dette. C’est la proposition globale, totalement différente, que porte le KKE. Elle n’a rien à voir avec différents points de vue conduisant à une nouvelle paupérisation de notre peuple. Et je veux parler des points de vue qui existent au sein d’autres partis, minoritairement pour l’instant (notamment le parti qui gouverne et pour cela), qui parlent de sortie uniquement de la monnaie unique ».

 

Solidarité Internationale 

Source http://billets-du-temps-perdu.blogspot.fr/2015/07/grece-et-si-le-kke-avait-raison.html

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8 juillet 2015 3 08 /07 /juillet /2015 16:24

 

Par Descartes

 

Les grecs ont donc voté « non ». Ne sous-estimons pas le courage que ce geste implique : pendant la courte campagne, on n’a pas compté les déclarations péremptoires de telle ou telle sommité européenne menaçant les grecs des foudres de l’enfer aux cas où ils feraient le mauvais choix. Et ces gens ont le pouvoir de rendre la vie de la Grèce très, très difficile. On aurait pu comprendre si, malgré leur désir de dire « non » aux propositions des créanciers, les grecs avaient fait le choix « raisonnable » du moindre risque. Ce ne fut pas le cas : a une majorité écrasante, proche des deux tiers, les grecs ont préféré le choix de la souveraineté plutôt que celui de la sécurité.

 

Certains pisse-copie bien connus se sont précipités pour diminuer la portée du vote. L’angle d’attaque est classique : le référendum serait juridiquement contestable. La campagne était trop courte, la question trop vague, la proposition européenne à laquelle le texte faisait référence n’était plus sur la table à la date du référendum. Il est drôle de constater combien ceux-là même qui n’ont pas hésité à faire revoter l’Irlande jusqu’à ce qu’elle donne la bonne réponse – ce qui « juridiquement » est fort contestable, la logique interdisant de reposer la même question sans qu’un changement des circonstances de fait ou de droit ne le justifient – deviennent tout à coup les gardiens du droit. Curieusement, ces juristes passionnés ne s’interrogent guère sur la question de savoir par exemple si le président de la Commission européenne n’a violé les devoirs de sa charge en prenant position pour le « oui » alors que le gouvernement grec avait pris la position contraire. Ce qui tendrait à montrer que dans cette affaire les appels au droit ne servent qu’à déguiser les manipulations politiques.

 

La victoire du « non » a aussi provoqué quelques réactions dans notre chère « gauche radicale ». Et certaines d’entre elles ont de quoi laisser perplexe. Ainsi, par exemple, on trouve sur le site du PCF un communiqué signé « Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et président du PGE » qui vaut son pesant en drachmes (1). Je cite : « Le peuple grec vient de refuser, avec un "OXI" écrasant (59,7%) l’ultimatum lancé par les créanciers. C’est la deuxième fois en 6 mois qu’il rejette l’austérité. La deuxième fois qu’il dit en même temps son attachement à l’Europe. »

 

Ainsi, en votant « oxi », le peuple grec aurait « dit son attachement à l’Europe ». On se demande bien par quel étrange raisonnement Pierre Laurent à pu parvenir à cette conclusion. D’abord, elle comporte une contradiction logique. Si l’on admet qu’en votant « oxi » le peuple grec a exprimé un attachement à l’Europe, alors il faut admettre aussi que le vote « nai » en exprimait le rejet, ce qui est de toute évidence absurde. Et si le vote « oxi » et le vote « nai » sont censés tous deux exprimer l’attachement à l’Europe, comment peut-on tirer la moindre conclusion du résultat ?

 

Que Pierre Laurent se sente obligé de proclamer à chaque pas son attachement total et indéfectible à l’Europe, on peut le comprendre. D’une part, ses militants et son électorat, largement issu des « classes moyennes », ne lui pardonneraient pas le moindre écart souverainiste. Et d’autre part, c’est indispensable pour garder la place de président du PGE à laquelle il semble tenir tellement. Mais vouloir à tout prix déduire du vote des grecs leur attachement indéfectible à l’Europe est une falsification de la réalité. Et falsifier la réalité, c’est s’interdire de l’analyser.

 

D’abord, cela veut dire quoi « l’attachement à l’Europe » ? A quelle « Europe » précisément ? Il serait paradoxal que Pierre Laurent se réjouisse de l’attachement des grecs à l’Europe telle qu’elle est alors que par ailleurs il passe son temps à la dénoncer. Alors, quand il parle de l’attachement des grecs à l’Europe, s’agit-il de « l’autre Europe » avec laquelle il nous bassine les oreilles depuis un certain temps ? Admettons…mais dans ce cas, il ne s’agit pas d’attachement à « l’Europe » mais plutôt à « une Europe », car il y a plusieurs « autres Europes » possibles…

 

Mais surtout, on se demande d’où Pierre Laurent tire sa conclusion. La question posée au peuple grec ne concerne nullement son attachement à « l’Europe », qu’elle soit « autre » ou pas. Et lorsqu’on regarde les images des grecs célébrant dans les rues la victoire du « non », on a vu agiter une légion de drapeaux grecs. On y a vu quelques drapeaux portugais, espagnols, et même un drapeau français. On ne vit nulle part des gens agiter des drapeaux européens. Pour des gens « attachés à l’Europe », avouez que c’est curieux, non ?

 

En fait, s’il faut tirer du résultat du vote une conclusion sur les rapport des grecs à l’Europe, elle irait plutôt dans le sens contraire à celui pointé par Pierre Laurent. En admettant même que les grecs soient attachés à « l’Europe », ils sont de toute évidence prêts à prendre le risque d’en sortir plutôt que d’accepter les conditions posées par les créanciers. Ils sont peut-être « attachés à l’Europe », mais de toute évidence cet « attachement » n’implique pas pour eux qu’on fasse n’importe quoi pour y rester. Si le prix est trop élevé, au diable « l’Europe ». Ce qui relativise fortement « l’attachement » qui ravit tant Pierre Laurent.

 

Ce vote montre d’ailleurs combien il faut traiter avec précaution les résultats de sondages sur des points de principe. C’est un peu comme sur le nucléaire : lorsqu’on pose la question « faut sortir du nucléaire », la réponse est majoritairement « oui ». Mais si on pose la question « êtes vous prêt à payer votre électricité 5% plus cher pour sortir du nucléaire », on obtient 80% de « non ». Conclusion : les français ont une position pragmatique : ils ne sont pas attachés au nucléaire par religion, mais par réalisme économique. Et c’est un peu la même chose avec l’Euro : je ne doute pas qu’une majorité des français répondrait « oui » à la question « voulez-vous garder l’Euro ». Par contre, posons-leur la question « êtes vous prêt à risquer le chômage pour garder l’Euro ? »… je me demande si la réponse justifierait la confiance de Pierre Laurent sur « l’attachement à l’Europe »…

 

On raconte qu’il suffit d’un communiste pour changer une ampoule, mais qu’il lui faut trente ans pour se rendre compte qu’elle est grillée. Le PCF depuis trente ans a pris toutes les modes à contresens : il est devenu soixante-huitard quand la société revenait de soixante-huit, il est devenu « diversitaire » alors que le multiculturalisme commence à se casser la gueule, il devient eurolâtre juste au moment ou l’Europe commence à faire eau de toutes parts. Remarquez, c’est rassurant : on sait déjà que dans trente ans, le PCF sera souverainiste…

(1) http://www.pcf.fr/72848

le 7 Juillet 2015

http://descartes.over-blog.fr/2015/07/pierre-laurent-l-europeen.html


"pro rege saepe, pro patria semper"

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8 juillet 2015 3 08 /07 /juillet /2015 08:36
Par Alexandre Douguine

 

 

Ce texte est extrait d’un article publié le 1er juillet sur le site « Le Printemps Russe ». Il est dû à Alexandre Douguine, qui y décode quelques éléments du contexte propres aux jours qui ont précédé le referendum, et insère celui-ci dans la perspective géopolitique globale qui lui est chère. Il est intéressant d’y lire la position adoptée par les médias de Russie vis-à-vis du referendum en Grèce. Le résultat de celui-ci étant connu, les perspectives tracées par Douguine prennent un relief supplémentaire.

 

Être ou ne pas être. La question sera tranchée le 5 juillet. Si la Grèce est, l’Union européenne n’est plus. Si l’Union européenne est, une Grèce souveraine ne peut exister. Si le peuple vote en faveur des mesures que l’Union européenne veut imposer, il ne sera plus question en Grèce ni de souveraineté, ni de politique sociale, ni de pensions, ni d’avantages, ni de droits économiques. Le pays passera sous le marteau. Si le peuple se prononce contre ces mesures, pour la Grèce, et non seulement pour la Grèce mais pour toute l’Europe, et même pour le monde entier, commencera une ère nouvelle ; les règles auront radicalement changé. Certaines portes se refermeront, d’autres s’ouvriront, en Eurasie, en Russie, à l’Est. Cela ne signifie pas que ce sera facile. Ce sera même difficile, mais la Grèce vaincra, tout comme la liberté et la dignité nationale. Dire non à la Troïka c’est dire « la Grèce est ».

 

La bureaucratie de l’Union européenne a eu recours à tous les moyens pour faire pression sur les autorités grecques pour empêcher celles-ci de porter les problèmes au niveau d’un referendum, pour qu’elles acceptent le diktat de la Troïka, dans les coulisses, par-dessus la tête de la nation. Tsipras a refusé de se prêter à ce jeu. En soi, il s’agissait d’un défi au système antidémocratique et totalitaire qui s’installe progressivement et insensiblement en Europe. Les décisions sont prises par ceux à qui elles profitent. Concrètement, il s’agit de l’oligarchie financière mondiale, les Rothschild et Rockefeller, avec l’appui des « bataillons d’assaut » de Soros (des Ong à n’en plus finir, les équipes de la politique des genres, etc…), mais sûrement pas le peuple. Tsipras a enfreint les règles du jeu. Et le referendum du 5 juillet eut lieu. Voyant leurs plans déjoués, les dirigeants mondiaux jouèrent leur va-tout à défaut d’autres moyens. Le 1er juillet, le journal Financial Times, qui entretient des liens étroits avec les services de renseignements britanniques, publie une information fausse à propos d’une soi-disant lettre de Tsipras à la Commission européenne dans laquelle il aurait acquiescé aux exigences de la Troïka. La publication de ce mensonge fut jugée nécessaire afin de discréditer le Premier Ministre grec, alors que celui-ci indiquait clairement sur son compte twitter qu’il appelait les Grecs à préserver leur dignité nationale et à voter « Non ». On s’empressa de passer sous silence le message de Tsipras sur twitter et de gloser à l’infini sur le faux.

 

Tous les coups étaient permis, y compris les sondages falsifiés. Bloomberg épilogua longuement sur les résultats d’un sondage du journal « Ephimerida Ton Syntakton », média financé par l’oligarchie financière transnationale, qui affirmait un pur mensonge, à savoir que le pourcentage de Grecs disposés à voter « Non » était tombé en quelques jours de 57 % à 46 %. Ces chiffres ne correspondaient à rien. Tous les instituts de sondage fiables en Grèce, ainsi que des sociétés indépendantes annonçaient avec assurance que le nombre de ceux qui se disaient prêts à voter contre la Troïka se maintenait fermement autour des 60%, excluant toute variation de plus de 5% dans un sens ou l’autre. Nous étions en présence d’une attaque psychique directe de l’Occident contre la Grèce, d’une tentative d’orienter les résultats du referendum, de maintenir la Grèce dans le camp de concentration européen de la finance libérale, de la pousser à commettre un suicide. Bien entendu une sourde menace se mit à résonner de plus en plus fort : voir se répéter à Athènes le scénario du maïdan ukrainien et plonger le pays dans le gouffre d’une guerre civile sanglante (à l’aide des bataillons-gay de Soros).

 

La lourde maladresse des méthodes en dit long à propos de la panique des dirigeants mondiaux, surpris par la série de démarches et décisions audacieuses des dirigeants grecs.

 

Nous vivons un moment de rupture. Les médias de Russie minimisent clairement la portée des événements qui se déroulent en Grèce, reproduisant souvent de façon irréfléchie et peu critique une propagande ouvertement anti-grecque. Les Russiens doivent apprendre la vérité : si la Grèce décide d’être, l’Europe libérale pro-américaine se dirigera vers sa fin. Cette situation nous donnera, à nous, la Russie, une nouvelle chance d’entrer dans l’histoire en devenant un joueur actif sur l’échiquier de la politique européenne. La Russie fut toujours un pareil joueur, et elle le restera. Nous vaincrons en Grèce, nous vaincrons en Nouvelle-Russie et ensuite en Ukraine, dans le même grand réseau fraternel que nos frères orthodoxes grecs.

 

Aujourd’hui, il y va de la responsabilité de chacun. Il faut contribuer à briser le blocus de l’information autour de la Grèce. Il faut annoncer et répandre sur les réseaux d’information les données de la situation réelle et de ses développements, à Athènes et dans les autres villes de Grèce, à la veille du referendum. Les Grecs doivent savoir que les Russes sont à leurs côtés, que nous ne les laisserons pas tomber dans la pauvreté. Nous leur viendrons en aide et leur apporterons tout le soutien nécessaire. Bruxelles et l’hégémonie libérale tentent de brise la Grèce. Nous voulons la sauver. Nous avons reçu des Grecs leur foi, leurs lettres et leur culture. Nous devons assumer nos responsabilités à l’égard du peuple grec, source historique d’enseignement pour les Russiens, fondateur de notre culture et de nos lettres. Et nous portons aussi des responsabilités envers l’Europe. Nous devons devenir les garants de sa liberté, de son indépendance et de sa souveraineté.

 

Le 5 juillet peut signifier le début du processus fondamental libérant l’Europe de la dictature du nouvel ordre mondial. C’est notre lutte.

 

Sources :
http://rusvesna.su/recent_opinions/1435752375

Russie Sujet Géopolitique

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7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 16:39

Léanalyse de  Jacques Sapir

6 juillet 2015

 

La victoire du « Non » au référendum est un événement historique. Elle fera date. En dépit des pressions nombreuses pour un vote « Oui » tant de la part des médias grecs que de celui des dirigeants de l’Union européenne, en dépit de l’organisation par la BCE des conditions d’une panique bancaire, le peuple grec a fait entendre sa voix. Il a fait entendre sa voix contre les mensonges qui ont été déversés continument sur la situation de la Grèce depuis ces dernières semaines. Nous aurons ici une pensée pour ces éditorialistes qui ont, à dessein, travestis la réalité, et laissés entendre un lien entre Syriza et l’extrême-droite d’Aube Dorée. Ces mensonges ne nous étonnent plus, mais nous ne les oublieront pas. Le peuple a fait entendre sa voix avec une force inaccoutumée, puisque contrairement à ce que laissait penser les sondages réalisés à la sortie des urnes, la victoire du « Non » est obtenue avec un écart important, par près de 60%. Cela renforce bien évidemment le gouvernement d’Alexis Tsipras et devrait faire réfléchir ses interlocuteurs. Nous verrons rapidement ce qu’il en sera. Mais, on doit dire immédiatement que les réactions, que ce soient celles de Martin Schulz au Parlement européen, de Jean-Claude Juncker pour la Commission[1], ou de Sigmar Gabriel, le Ministre de l’économie et l’allié SPD de Mme Merkel en Allemagne[2], ne laissent guère de place à l’optimisme sur ce point.

 

Cette victoire du « Non » a aussi, et c’est une évidence, une résonnance particulière en France. Elle a lieu quasiment dix ans après une autre victoire du « Non », cette fois dans notre pays (ainsi qu’au Pays-Bas). Il s’agissait alors, en 2005, du projet de Traité Constitutionnel Européen. Ce projet fut rejeté dans notre pays par plus de 54% des suffrages. Ici encore la campagne de presse menée par les partisans du « oui » avait passée toute les mesures, franchie toute les bornes. Les partisans du « non » furent enfouis sous les injures et les menaces[3]. Mais ils tinrent bon. De là date le divorce, sans cesse grandissant, entre les français et la caste médiatique, divorce qui se lit à la fois dans les statistiques déclinantes de la presse « officielle » et dans l’explosion de l’audience des blogs, dont celui-ci.

 

Le vote avait marqué la nette différence entre ce que pensaient les électeurs des classes populaires et ceux des classes plus aisées[4]. Je l’avais qualifié de « victoire des prolos sur les bobos »[5]. Il semble bien que l’on ait assisté à un phénomène du même ordre en Grèce, puisque si les banlieues huppées d’Athènes ont voté « Oui » à plus de 80%, c’est dans une proportion inverse que le « Non » l’a emporté dans les quartiers populaires. Le vote « non » des grecs est un écho direct à celui des français. Pourtant, après des manœuvres multiples, un texte presque similaire, le « Traité de Lisbonne », fut adopté au « congrès » quelques années après par le biais d’une alliance sans principe entre l’UMP et le PS. De là date certainement la rupture que l’on constate entre les élites politiques et médiatiques et les électeurs. Ce déni de la démocratie, ce vol d’un vote souverain, est une blessure profonde chez de nombreux français. La large victoire du « Non » grec vient réactiver cette blessure et pourrait pousser les électeurs à demander des comptes pour un passé qui décidemment ne passe pas.

 

Le sens d’un « Non »

Mais, il faut comprendre le sens profond de ce « Non ». Il s’oppose aux comportements très antidémocratiques des responsables tant de l’Eurogroupe que de la Commission européenne ou du Parlement européen. Il discrédite des personnalités comme Jean-Claude Juncker, ou M. Dijssenbloem, ou encore M. Martin Schulz, le Président du parlement. Il s’oppose surtout à la logique qui avait été mis en œuvre depuis le 27 juin, quand M. Dijssenbloem, Président de l’Eurogroupe, avait décidé d’exclure de fait M. Varoufakis, le Ministre des Finances grec, d’une réunion. Ce geste inouï revenait à exclure la Grèce de la zone Euro. On doit alors remarquer l’étonnante passivité du Ministre Français, M. Michel Sapin. En acceptant de rester dans la salle, il fut connivent de l’abus de pouvoir commis par M. Dijssenbloem. Même si le gouvernement français dit actuellement qu’il veut que la Grèce reste dans la zone Euro, le comportement de l’un de ses membres éminent, qui plus est proche du Président de la République, vient apporter si ce n’est un démenti, du moins fait peser un doute sur la réalité de cet engagement. Le gouvernement grec n’a pas pu ne pas le noter et en prendre acte. De fait, nous avons été exclu d’une bataille où l’Allemagne a, que ce soit directement ou indirectement, largement inspirée les positions européennes.

 

Le fait que la BCE ait organisé dans la semaine du 28 juin au 5 juillet l’asphyxie financière des banques grecques, provoquant une émotion très compréhensible dans la population, est bien la preuve que les institutions européennes n’entendaient nullement continuer les négociations avec Alexis Tsipras mais cherchaient à obtenir soit son départ volontaire soit son renversement dans une de ces arnaques d’assemblée que rend possible un régime parlementaire comme le régime grec. Le référendum était aussi une tentative pour s’opposer à ces manœuvres. La victoire du « non » garantit que, pour un temps, le gouvernement Tsipras sera à l’abri de ce genre de tentative.

 

Une reprise des négociations est-elle possible ?

Mais, cela ne signifie nullement que les négociations sur la question de la dette grecque, pourtant nécessaires, pourtant justifiées comme le rappelle un rapport du FMI[6] opportunément publié en dépit des tentatives d’embargo de la part de l’Eurogroupe, pourront reprendre. Tous les économistes qui ont travaillé ce dossier, des personnalités illustres comme Paul Krugman et Joseph Stiglitz (prix Nobel), des spécialistes internationaux comme James Galbraith ou Thomas Piketty, ont expliqué depuis des semaines que sans une restructuration de la dette accompagnée d’une annulation d’une partie de cette dernière, la Grèce ne pourrait retrouver le chemin de la croissance. Il serait donc logique d’accorder à la Grèce ce qui fut, en 1953, accordé à l’Allemagne. Mais il faut faire vite, sans doute dans les 48h, et il n’est pas dit que les institutions européennes, qui ont tenté d’empêcher la publication du rapport du FMI, le veuillent. La déclaration de Martin Schulz, le Président du Parlement européen, ou celle de Sigmar Gabriel disant que les ponts étaient rompus, ne présage rien de bon.

 

La décision de Yannis Varoufakis de démissionner de son poste de Ministre des Finances a beaucoup étonné. Il est en effet l’un des grands vainqueurs du référendum. Mais cette décision est assez logique. Son remplacement par Euclid Tsakalotos va plus loin qu’une simple concession tactique accordée aux « créanciers ». C’est ainsi d’ailleurs que Varoufakis présente d’ailleurs sa démission[7]. Mais le nouveau ministre pourrait aussi signifier l’arrivée d’un homme plus résolu à une rupture. Tsakalotos ne cache pas qu’il est devenu un « Eurosceptique ». On ne l’a pas pleinement mesuré à Bruxelles, mais Varoufakis était en réalité passionnément attaché à l’Euro et à l’idée européenne. Ce n’est pas le cas de Tsakalotos. Ceci pourrait avoir des conséquences importantes dans les prochains jours.

 

En effet, si la BCE ne se décide pas très rapidement à augmenter le plafond de l’accord d’urgence sur les liquidités (ELA), la situation deviendra rapidement critique en Grèce et ces négociations perdront tout sens. C’est ce qu’a dit Alexis Tsipras au soir de la victoire du « Non ». Un accord est peut-être possible, si tant est que les deux parties le veuillent. Mais, justement, on est en droit d’avoir un doute, et même plus que cela, sur les intentions des institutions européennes.

 

Si, donc, la BCE n’augmentait pas le plafond de l’ELA, le gouvernement grec n’aurait plus le choix. Il devrait soit mettre en circulation des « certificats de paiements » qui constitueraient une monnaie parallèle, soit prendre le contrôle de la Banque Centrale par décret (ce que l’on appelle une réquisition) et la forcer à mettre en circulation tant les billets qu’elle conserve en réserve que ceux qui sont conservés dans les banques commerciales sous son autorisation. Si une prise de contrôle de la Banque Centrale serait entièrement justifiée du fait du comportement de la BCE et de l’Eurogroupe qui ont sciemment violé le fond comme la lettre des traités, il est néanmoins probable que ce sera la première solution qui sera choisie. En tous les cas, ce n’était pas la position de Yanis Varoufakis. Nous ne savons pas à l’heure actuelle quelle sera la position de Tsakalotos. Si le gouvernement grec se décide donc à émettre des certificats de paiement, cela conduira rapidement à un système à deux monnaies en Grèce, et d’ici quelques semaines on peut penser que l’une de ces deux monnaies disparaîtra. Nous serions confrontés à la sortie de l’Euro, au « Grexit ». Il convient ici de dire que cette sortie de l’Euro serait totalement et complètement imputable aux institutions européennes.

 

La sortie de la Grèce de l’Euro est-elle en cours ?

On doit rappeler qu’une sortie de l’Euro ne passe pas nécessairement (et obligatoirement) par une décision nette et tranchée. Ce point a été particulièrement bien mis en lumière par Frances Coppola dans un article publié par le magazine Forbes[8]. Elle peut résulter de la logique des circonstances et des réactions du gouvernement grec face au double jeu tant de l’Eurogroupe que de la BCE qui sont en train de l’étrangler financièrement. Il est, là encore, inouï qu’une Banque Centrale comme la BCE, qui a légalement en charge la stabilité du système bancaire dans les pays de la zone Euro, organise en réalité l’étranglement des banques et leur faillite. C’est un fait inouï, mais ce n’est pas un fait sans précédent[9]. Il nous faut ici remonter dans l’histoire tragique du XXème siècle.

 

En 1930, en Allemagne, le Président de la Reichbank (la Banque Centrale de l’Allemagne), M. Hjalmar Schacht, avait fait obstacle à un prêt américain au gouvernement de l’Allemagne de Weimar, provoquant une panique bancaire[10]. Cette panique provoqua la chute de la coalition alors au pouvoir, et la démission du Ministre des Finances, le socialiste Rudolph Hilferding. Ayant obtenu ce qu’il désirait, Schacht leva son obstruction. On voit ainsi que l’action antidémocratique d’une Banque Centrale a un précédent, mais un précédent tragique. Avec l’arrivée du chancelier Brüning l’Allemagne fit le choix d’une austérité insensée qui porta quelques années plus tard les Nazis au pouvoir. Ceci établit le pouvoir de la Reichbank comme un pouvoir parallèle à celui du gouvernement. Le terme de “Nebenregierung” ou « gouvernement parallèle » est d’ailleurs passé dans le discours technique et historique en Allemagne.

 

On est donc en droit de se demander si la sortie de la Grèce de la zone Euro n’a pas commencée depuis maintenant une semaine à l’instigation de la BCE et du poids de l’Allemagne au sein des organismes de la BCE. Mais il est clair, alors, que cette sortie est entièrement du fait de l’Eurogroupe et de la BCE. Il s’agit en réalité d’une expulsion, un acte à la fois scandaleux et illégal, qui légitimerait le recours par les autorités grecques aux mesures les plus radicales.

 

C’est ici que la France pourrait être un frein. Une réunion entre François Hollande et Angela Merkel est prévue pour la fin de journée du lundi 6 juillet. Mais, disons le tout net, pour que cette réunion arrive à changer la position de l’Allemagne, la France devrait mettre tout son poids dans la balance et menacer elle aussi de quitter la zone Euro si l’Allemagne poursuivait ses actions et sa politique. Gageons que François Hollande n’en fera rien. En dépit des déclarations rassurantes faites par des seconds couteaux, notre Président tient beaucoup trop à ce qu’il imagine être un « couple franco-allemand ». Il n’a probablement pas le courage de tirer les conséquences, toutes les conséquences, du comportement dangereux et scandaleux de l’Allemagne. Ce faisant, et à son corps défendant, il conduira l’Euro à sa perte, ce qui n’est rien, mais sans doute aussi l’Union européenne, ce qui est bien plus.

 

La grande crainte des prêtres de l’Euro

Disons le, une chose terrorise totalement les responsables européens : que la Grèce fasse la démonstration qu’il y a une vie hors de l’Euro, et que cette vie peut, sous certaines conditions, s’avérer meilleure que celle que l’on a dans l’Euro. Telle est leur grande crainte, tel est ce qui les remplit d’effroi. Car ceci montrerait à tous, aux Portugais, aux Espagnols, aux Italiens et aux Français le chemin à suivre. Ceci dévoilerait tant l’immense fraude qu’a représenté l’Euro, qui ne fut pas un instrument de croissance ni même un instrument de stabilité pour les pays qui l’ont adopté, que la nature tyrannique du pouvoir non élu de l’Eurogroupe et de la BCE.

 

Il est donc possible, voire probable, que les dirigeants de l’Eurogroupe et de la BCE fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour provoquer le chaos en Grèce. Ils ont d’ores et déjà commencé ce sale boulot depuis la semaine dernière. Il convient donc que le gouvernement grec, tout en cherchant à négocier honnêtement mais fermement, comme il le fit depuis février 2015, se prépare aux mesures qui assureront la stabilité dans le pays et le fonctionnement normal de l’économie et des institutions, fut-il pour cela obligé de prendre des libertés avec la lettre des traités. Peut-être est-ce là le sens du départ de Yannis Varoufakis, qui doit vivre le comportement de l’Allemagne et de l’Eurogroupe comme une tragédie, et son remplacement par Euclid Tsakalotos. Après tout, ce n’est pas la Grèce qui brisa la première les traités, et l’on peut considérer que l’action tant de l’Eurogroupe que de la BCE depuis une semaine ont constitué des actes contraires et en contravention tant avec la fond qu’avec la forme de ces dits traités.

Cette rupture porte en elle la fin de la zone Euro. Quelle que soit la politique décidée par Alexis Tsipras, il est désormais clair que cette fin est l’horizon de la crise actuelle.

 

Notes

[1] http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-15-5310_en.htm

[2] L’Obs, « Grèce, un non qui passe mal en Allemagne », 6 juillet 2015,
http://tempsreel.nouvelobs.com/la-crise-grecque/20150706.OBS2132/grece-un-non-qui-passe-mal-en-allemagne.html

[3] On se reportera aux archives du site ACRIMED,
http://www.acrimed.org/article1980.html et http://www.acrimed.org/article2014.html ainsi qu’à Lordon F., « La procession des fulminants », texte installé sur le site ACRIMED,
http://www.acrimed.org/article2057.htm

[4] B. Brunhes, « La victoire du non relève de la lutte des classes », propos recueillis par François-Xavier Bourmaud, Le Figaro, 2 juin 2005.

[5] Sapir J., La Fin de l’Eurolibéralisme, Paris, Le Seuil, 2006.

[6] The Guardian, « IMF says Greece needs extra €60bn in funds and debt relief », 2 juillet 2015, http://www.theguardian.com/business/2015/jul/02/imf-greece-needs-extra-50bn-euros ?CMP=share_btn_tw<.a>

 

[7]http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/06/minister-no-more/

[8] Coppola F., « The Road To Grexit », Forbes, 3 juillet 2015,
http://www.forbes.com/sites/francescoppola/2015/07/03/the-road-to-grexit/print/

[9] Je remercie un de mes correspondants, Christoph Stein, qui a porté mon attention sur ce point.

[10] Müller H., Die Zentralbank – eine Nebenregierung Reichsbankpräsident Hjalmar Schacht als Politiker der Weimarer Republik, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1973.

 

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7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 14:58

Près de 62 % de NON au référendum, à l’occasion d’un scrutin dont nul ne conteste la légitimité, avec un taux de participation plus important que les consultations précédentes,  ce que même les plus optimistes n’aurait pu espérer,  plaçaient le gouvernement Grec en position de force pour négocier l’allègement de la dette voire obtenir un  effacement qui ne serait pas le premier de l’Histoire, y compris récente.

 

Ce résultat  témoignait de l’évolution en cours des opinions des pays membres de l'UE et de la zone euro, tendance confirmée par un sondage du Parisien, récupéré le même jour vers 18h00,  ou à la question : Et vous si vous étiez à la place des grecs comment voteriez vous, sur 15000 personnes environ, ce n’est pas négligeable, 70 % ont répondu NON.

 

Patatras, Veroufakis, le ministre le plus résolu à faire plier les créanciers  vient de démissionner, on ne sait si c’est sous la pression des créanciers ou celle de Stipras, les premiers  recherchant peut être un alibi avant éventuellement de lâcher du lest, le second restant   européiste   pour demander simplement un allègement et un étalement de la dette, ce qui dans ces conditions risque  d’être   illusoire.

 

Rappelons qu’il est impossible,  pour un Etat, de  retrouver sa souveraineté monétaire et regagner en compétitivité sans quitter la zone euro.

 

Les pays du sud, l’Espagne avec Podemos, l’Italie, le Portugal, la France, d’autres encore,  pouvaient s’engouffrer dans la brèche. Hélas la porte à peine entre ouverte est entrain de se refermer. Tout est à recommencer à moins d’un « joker surprise » qui pourrait venir des BRICS, mais Tsipras  semble négliger cette possibilité par ailleurs les USA toujours en piste ne manqueront pas de tenter de  déborder l’UE pour s’imposer en grèce, ce serait une autre histoire, sans  doute pire encore, avec la possiblté d'une Ukraine bis.

 

Désaccords, manœuvres,  manipulations, ou coup de pied de l’âne afin de ne pas porter la responsabilité d’un échec des négociations ? L’avenir le dira mais les grecs en feront les frais car aujourd’hui c’est la troïka qui se retrouve, jusqu’à preuve du contraire, en position de force pour imposer sa loi.

 

Notons que dans ce cadre, si la Grèce obtenait satisfaction, ne serait-ce que partiellement, pour sauver les apparences, l’Union Européenne, les banques, les organismes financiers en général exigeront que nous comblions le trou.. Ces gens là ne sont pas des philanthropes, nous nous retrouverons à la case départ  encore plus en difficulté. 

 

Les  bobos, politiques ou non,  qui crient  « victoire » pour se placer dans la perspective des prochaines présidentielles devraient pourtant savoir qu’il ne faut jamais vendre la peau de la bête encore sur pieds et que  croissances économiques nationales et monnaie unique sont incompatibles, à part il est vrai pour l’Allemagne qui en tire profit car l’euro a été taillé  à sa mesure. 

 

Mais, autre hypothèse,  entre les dits et les non-dits des uns et des autres le gouvernement grec ne cherche-t-il pas à faire porter la responsabilité de la rupture à l’Union européenne via la Troïka, ce qui permettrait de dédouaner  Merkel, Hollande et tutti quanti…

 

Ne nous hâtons pas de trancher et soutenons le peuple grec.

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3 juillet 2015 5 03 /07 /juillet /2015 09:15
5 juillet peut être un nouveau 14 juillet pour la Grèce et l’Europe toute entière Par jean Levy       origine Comité Valmy

 

Les fondés de pouvoir du capital européen, Juncker, Merkel, Hollande et beaucoup d’autres, sont scandalisés qu’un gouvernement ose dire NON à l’ultimatum lancé au peuple grec par l’Union européenne et le FMI. D’habitude, de Rome à Paris, de Madrid à Lisbonne, les dirigeants des pays de l’UE - en fait les porte-paroles des financiers de BusinessEurope (le Medef européen) - obtempèrent toujours aux oukases de Bruxelles...

 

D’où la fureur non contenue des maîtres à penser de la construction européenne.

 

Ils s’étaient déjà étranglés de rage quand les Français et les Irlandais avaient dit NON à leur prétention hégémonique en 2005. Ces politiciens sans scrupule s’étaient aussitôt évertués à annuler la décision démocratique de ces deux peuples.

 

Et aujourd’hui, rebelote, une autre nation est appelée à décider souverainement de son avenir !

 

Aussitôt, c’est la mobilisation générale dans le camp de l’oligarchie financière. Il lui faut une réponse positive du peuple grec pour que le FMI et la BCE retrouvent les milliards placés dans les banques d’Athènes, car les fonds versés n’avaient pas pour objectif de pourvoir aux besoins vitaux de la population. Au contraire, il était imposé à celle-ci de se serrer de plus en plus la ceinture, pour rembourser les banquiers. On connaît le bilan de ce casse du siècle : la misère généralisée, la santé en péril, le petit peuple contraint de faire les poubelles...

 

Le gouvernement de Syriza, après de mois de « négociation » avec Bruxelles, sans pouvoir changer une virgule au plan d’asservissement « proposé » en appelle au peuple pour trancher. D’où la colère des financiers. D’où les pressions intenses exercées sur les Grecs par les autorités financières et politiques de l’Union européenne, pour que ceux-ci répondent OUI, Berlin comme Paris s’estiment en droit de dicter la « bonne » réponse au peuple hellène. C’est ça l’Europe !

 

Les dirigeants de Syriza, Tsipras en tête, croyaient (croient peut-être toujours), pouvoir convaincre Bruxelles du bon droit des Grecs, au prix de nouveaux sacrifices...Mais ceux-ci étaient insuffisants aux yeux des dirigeants européens, qui exigeaient tout. C’était trop ! D’où l’appel au peuple pour trancher...

 

Une première leçon à tirer de cette crise : c’est une illusion d’espérer modifier la philosophie de la construction européenne, de faire de celle-ci un jardin d’Eden, une Europe sociale ! L’UE est une machine de guerre conçue dès l’origine pour établir un ensemble politique unifié au service du capital pour permettre à celui-ci de circuler librement, sans douane et sans frontière, avec à son service une main-d’œuvre, sans droit, corvéable à merci, et des peuples soumis, sans lois particulières qui les protégeraient, sans souveraineté pour garantir leur destin. En un mot, l’Union européenne ne doit être qu’un espace commercial voué à la concurrence libre et non faussée.

 

C’est pour cela qu’elle a été, pas à pas, crée.

 

Les mafias ne peuvent être métamorphosées en ONG.

Dimanche 5 juillet 2015, la réponse du peuple grec peut ouvrir la voie à l’espérance d’une nouvelle libération, non seulement au pays de la première démocratie, mais chez tous les peuples d’Europe.

Jean LÉVY

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