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31 janvier 2020 5 31 /01 /janvier /2020 16:29
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2 février 2019 6 02 /02 /février /2019 12:03

Gilets Jaunes et Syndicats.
par Jean-Pierre Page (1)

samedi 2 février 2019, repris sur  Comité Valmy

 

http://www.comite-valmy.org/IMG/jpg/Gilets_Jaunes_ET_cgt.jpg

Gilets Jaunes et Syndicats.

Voici plus de 11 semaines que les gilets jaunes rythment par leurs initiatives la vie politique et sociale française. Le 26 janvier a été une grande journée de mobilisation à travers toute la France. Elle a aussi été marquée par une répression sans précédent violente, délibérée et orchestrée.

Emmanuel Macron, son gouvernement, le Parlement, les partis politiques, les médias, les analystes commentent et se déterminent quotidiennement en fonction de ce mouvement inédit dans sa forme, ses objectifs et sa durée. La plupart d’entre eux ont été totalement pris au dépourvu et ont toujours autant de mal à le caractériser et plus encore à y faire face, fut-ce par la contrainte et les représailles ! Dans les couloirs du pouvoir, on est chaque fin de semaine, proche du mode « panique ».

Les syndicats n’échappent pas à ce constat. Pire, bien que par leur rôle, ils se doivent d’être en phase avec les préoccupations et l’état d’esprit réel des travailleurs, ils n’ont pas vu venir cette vague populaire qui a pris l’ampleur d’un tsunami social et politique. Celui-ci est sans précédent dans l’histoire française. Plutôt, que d’en tirer les conséquences, le choix des dirigeants syndicaux a été de se réfugier dans un rôle d’observateur, non sans espérer fut ce au prix d’un lâche soulagement de voir les choses en finir au plus vite.

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, considère toujours « que le mouvement des gilets jaunes n’est en rien capable, de réunir les gens, de les faire débattre entre eux, de hiérarchiser les revendications, de s’engager dans la recherche de solutions. Il n’a rien inventé affirme-t-il, ni est capable de mobiliser en masse. Nous devons éteindre collectivement l’incendie ». 2)

On ne saurait pas être plus clair, chasser le naturel, il revient au galop ! En fait, et c’est bien là le problème, quand « tout remonte à la surface3) » , les syndicats ne rêvent-ils pas de continuer à faire comme si de rien n’était ! « Il faut que tout change pour que rien ne change »4) .

Pourtant et dorénavant tout le monde est au pied du mur et dans l’obligation de se déterminer par rapport à l’existence, aux débats et aux initiatives des gilets jaunes. Leur action est à ce point incontournable que non-content d’ébranler les bases d’un pouvoir politique qui se voulait conquérant, arrogant et sur de lui, elle révèle l’étendue d’une crise sans précédent autant sociale, politique, économique que démocratique. Elle renvoie également à la crise du syndicalisme et pas seulement à la représentation de celui-ci.

Macron, quant à lui, cherche à gagner du temps et à reprendre la main, mais de l’avis général les deux mois de débats, et d’enfumage dont il a pris l’initiative ne régleront rien. En guise d’exorcisme et d’incantations, il ne suffit pas d’affirmer qu’on ne changera pas de politique pour s’en persuader. C’est sans doute pourquoi les Français ne se font aucune sorte d’illusions sur les vertus de son « one-man-show », ce long monologue ou il bavarde sans écouter. Les gilets jaunes avec détermination ont décidé de poursuivre leur action contre vents et marées tout en déjouant les multiples pièges qu’on leur tend. Faisant preuve là, d’une rare intelligence politique !

Ils apprennent vite, tout en faisant face à une répression de masse, déchaînée et meurtrière 5) . Celle-ci est sans précédent depuis presque 60 ans. On se souvient du massacre de Charonne ou celui du 17 octobre 1961 6) qui couta la vie a des centaines de travailleurs algériens ! Pourtant, le 6 décembre à la stupéfaction et la colère de nombreux militants, les confédérations syndicales y compris la CGT ont été jusqu’à condamner comme coupables les victimes des représailles policières et« toutes formes de violences dans l’expression des revendications » 7) ! Fallait-il donner de cette manière choquante une nouvelle justification au concept de « syndicalisme rassemblé » ? 50 ans plus tard Macron n’en demandait pas tant ! Faut il rappeler qu’en 1968 la CGT s’est honoré en appelant à la grève générale contre la répression à l’égard du mouvement étudiant. Depuis, l’initiative de la CGT Paris de saisir la justice contre l’utilisation criminelle de « flash-ball » par les forces de l’ordre, à montrer un rejet net de cette manière de renvoyer tout le monde dos à dos 8).

Dans de telles circonstances, il y a urgence pour le Capital et la bourgeoisie, à trouver une issue à cette crise majeure, ils leur faut anticiper, car les problèmes s’enchaînent les uns après les autres ! Alain Minc et Jacques Attali parmi d’autres s’inquiètent du creusement des inégalités.

Comme au sein d’une « Cupola mafieuse sicilienne », les « parrains » de Macron comprennent, que cette situation ne peut perdurer indéfiniment. Déjà, dans un temps très bref, moins de deux ans, elle a fragilisé à l’extrême le pouvoir du jeune banquier de chez Rothschild, dont ils avaient fait le choix .

Faut-il ajouter au tableau, que le mouvement peut faire tâche d’huile et devenir contagieux ! Déjà en Belgique, au Portugal, en Pologne, en Grand Bretagne, en Hongrie, aux Pays-Bas, en Irlande, et même au Liban, en Afrique du Sud, en Irak, on revêt le gilet jaune de la colère populaire 9).

Dans ce contexte, les instances supranationales comme celle de l’Union européenne déjà à l’avenir incertain, voit celui-ci s’assombrir un peut plus à fortiori avec la perspective des prochaines élections européennes. Le moteur franco-allemand se met à tousser au point que l’on se demande s’il ne va pas caler. Le traité d’Aix la Chapelle entre la France et l’Allemagne que viennent de signer dans l’urgence et le secret Macron et Merkel consacre une capitulation française sur sa souveraineté au bénéfice d’une Europe des « Landers » et d’une armée allemande baptisée « européenne ». Comment ne pas remarquer que deux mois auparavant, par anticipation et sans consultations de leurs affiliés les syndicats français et le DGB allemand avaient décidé de soutenir ce grand projet d’intégration européenne 10) sous le pavillon d’Outre-Rhin.

Pour la France qui est encore admise comme 5e puissance mondiale, l’onde de choc internationale créée par le mouvement des gilets jaunes fait vaciller la crédibilité d’un système en question, plus encore que celle d’un président dont la suffisance et la morgue font dorénavant sourire, tant elle apparaît dérisoire. A Paris, Macron, à la remorque de Trump soutient les putschistes de l’extrême droite vénézuélienne, il ne tarit pas d’admiration et d’éloges pour leurs manifestants et ordonne à Maduro de respecter la démocratie et des élections sous 8 jours. « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ! » Imaginons Nicolas Maduro, exigeant de Macron l’organisation d’élections en France sous 8 jours au risque de voir le Venezuela reconnaître Eric Drouet des Gilets jaunes comme le président en charge.

Par conséquent, il est difficile de contester que les enjeux se soient singulièrement aiguisés ! On ne choisit pas la période dans laquelle on vit, il faut être à la hauteur de ce qu’elle exige. Pour le mouvement syndical et particulièrement pour la CGT ce nouvel épisode des « luttes de classes en France » n’est pas sans risques. Le paradoxe, c’est qu’il n’est pas non plus sans opportunités ! A condition, bien sur d’en avoir la volonté politique et de s’en donner les moyens si toutefois l’on veut créer le rapport de force nécessaire pour gagner. Dans de telles circonstances la seule stratégie qui vaille est donc de contribuer à fédérer et faire converger les luttes dans les entreprises avec celle des gilets jaunes. L’objectif, (encore, faut-il avoir un objectif), doit être de bloquer les entreprises, les centres de productions stratégiques, tout autant que les voies de circulation, faire pression sur le patronat ,le gouvernement et Bruxelles « là ou ça fait mal ! » .

Nous n’en sommes pas tout à fait là, pourquoi ?

Il devrait aller de soit que le mouvement populaire agisse et parle d’une seule voix tant les objectifs légitimes de justice sociale, de démocratie et de respect sont massivement partagés dans et hors les entreprises, c’est d’ailleurs ce que souligne la CGT. Les gilets jaunes quand ils ne sont pas retraités ou chômeurs sont aussi des salariés. Toutefois, il ne suffit pas de répéter que les revendications sont voisines sinon identiques, quand toute la question est de savoir quelles conséquences pratiques l’on en tire en termes d’actions. Or, il aura fallu deux mois pour que la direction de la CGT finisse par accepter sous la pression d’un grand nombre de ses organisations : syndicats, fédérations, régions et départements d’appeler nationalement à la grève et aux manifestations le 5 février. Il faut se féliciter que l’Assemblée des Assemblées de Commercy(Meuse) des gilets jaunes réunissant une centaine de délégations est adoptée un Appel qui soutient une grève reconductible à partir du 5 février .11)

Prenons acte positivement de cette importante décision de la CGT soutenu par des gilets jaunes, tout en ajoutant que la question qui se pose dorénavant est celle de la suite qui sera donnée et de quelle volonté l’on va faire preuve pour que cette journée se poursuive en grève générale reconductible. Doit-on se satisfaire de grèves par procuration, s’accommoder de l’éparpillement des luttes, de leur pourrissement comme d’une fatalité ? Va-t-on reprendre le controversé chemin des « grèves saute-mouton » dont la faillite est consommée ? « Ne faut-il pas reconsidérer les vertus des grèves reconductibles » ? Philippe Martinez, a déclaré que « la mobilisation aux ronds-points, c’est bien, la mobilisation dans les entreprises, c’est mieux » 12). Prenons-le au mot : Chiche ! Passons des paroles aux actes ! « La preuve du pudding, c’est qu’on le mange » 13)

En fait-tout cela ne renvoie t’il pas à la capacité des syndicats à anticiper, à apprécier de qui change, bouge à la qualité de leurs liens avec les travailleurs dans leur ensemble et leur diversité, à l’activité depuis le lieu de travail c’est à dire là où se noue la contradiction capital/travail, là où se concrétise l’affrontement de classes. Ne faut-il pas par exemple, s’interroger sur la capacité des syndicats à prendre en compte le fait que nous sommes passés en quelques années d’une société de pauvres sans emplois à une société avec en plus des pauvres avec emplois, une société capitaliste dont les jeunes sont les premières victimes. A leurs côtés l’on trouve les retraités actifs et présents depuis longtemps dans les manifestations, ils se battent pour le droit de vivre dignement d’autant qu’ils sont de plus sont fréquemment les seuls soutiens matériels et financiers de leurs enfants et petits enfants frappés par la précarité et le chômage de masse. La France compte plus de 11 millions de demandeurs d’emplois et de travailleurs pauvres occasionnels. Dans le même temps, 40 milliardaires pèsent 265 milliards d’euros soit la richesse globale des 40% les plus pauvres. Les 15 ultras riches détiennent 22% de la richesse nationale et bénéficient avec Macron au pouvoir de 300 milliards de cadeaux fiscaux, dont 100 milliard s’évadent chaque année vers les paradis fiscaux.

C’est ce que disent les cahiers de doléances, ils mettent en avant les inégalités criantes sociales et territoriales, le besoin impératif de rétablir et revaloriser avec des moyens les services publics, en particulier ceux de proximité. La contradiction capital/travail est posée fortement et l’on revendique l’exigence de justice sociale d’augmentation du salaire minimum à 1800 euros, la revalorisation des retraites et pensions, une fiscalité qui fait payer les riches et les entreprises, l’annulation de la CSG, le rétablissement de l’impôt sur la fortune ou encore l’abrogation du CICE ce crédit d’impôt aux entreprises remplacé par un allègement des charges sociales voulu dès le début de son mandat par Macron. En fait-tout cela traduit l’aspiration à une société française de notre temps, une société de progrès et non de régression sociale

Dans ces conditions, le pouvoir d’achat est une priorité vitale pour des millions de gens et leurs familles. Cette exigence légitime doit s’articuler avec une démocratie qui implique l’implication de chacun et chacune à tous les niveaux, la reconnaissance, le recours et l’usage de droits sans privilèges d’aucune sorte. Le peuple veut être entendu et respecté. Cette évidence s’est imposée devant l’unilatéralisme qui caractérise autant la vie dans les entreprises qu’hors les entreprises. Le moment est venu d’y répondre, par de nouvelles formes de consultations et de prises de décisions comme le revendiquent les gilets jaunes ! C’est ainsi pensent-ils que l’on fera reculer dans tous les domaines les injustices croissantes de la société française.

Car c’est le système capitaliste qui cadenasse les libertés, c’est le néo libéralisme mondialisé, qui impose la pensée unique et la voix de son Maitre, qui pille les richesses du travail, saccage la nature et l’environnement. Tout cela se fait au bénéfice d’une oligarchie corrompue de riches toujours plus riches, ou encore de ceux qui s’en sortent le mieux ! Faut-il continuer à parler de partage des richesses et des ressources, quand dans la réalité il s’agit de la recette du pâté d’alouettes où le travail enrichit le centile le plus riche de la population et que les inégalités explosent ?

La France est passée championne dans la distribution des dividendes aux actionnaires. 46,8 milliards d’euros ont ainsi été distribués en 2018, de loin supérieur à 2017 de plus de 12%. Les groupes automobiles et les entreprises de luxe, dit-on se sont particulièrement montrés généreux.14)

N’est-il pas remarquable que le mouvement des gilets jaunes coïncide avec l’inculpation et l’emprisonnement au Japon pour fraude fiscale de Carlos Ghosn le patron de Renault-Nissan au salaire de 15,6 millions d’euros par an. Cette rémunération « surréaliste », n’est-elle pas précédée par celle de Bernard Charles, de Dassault qui gagne 24,6 millions d’euros annuel devant Gilles Gobin de Rubis du groupe Rubis qui lui empoche 21,1 millions d’euros ? Ce sont ceux-là et près de 150 patrons de multinationales, avec qui voici quelques jours, Macron de manière provocatrice a festoyé au Château de Versailles. Comble de l’ironie jour pour jour avec la décapitation de Louis XVI. Ainsi, l’on semble être passer « d’une royauté à une autre. » !

Dans un tel contexte, apparaissent bien dérisoires les arguties de certains dirigeants syndicaux sur les prétendues tentatives de récupération et l’influence de l’extrême droite raciste sur le mouvement des gilets jaunes, comme le répète à satiété les dirigeants de la CFDT et de la CGT. A ce sujet, les propos affligeants, les rapports, les interviews ne manquent pas et témoignent d’un décalage saisissant comme d’une profonde ignorance de ce que représente un mouvement social ! 15) Il est inquiétant de noter que certains dirigeants de la CGT ont cru bon, se saisir de ce contexte pour traquer les idées de ceux qui refusent la mise en conformité, comme par exemple un regard critique sur l’Europe et l’Euro, le prêt-à-porter de la pensée dominante et de l’air du temps 16). La pratique de l’amalgame à l’égard de l’historienne Annie Lacroix-Riz 17) accusée de complotisme, et de voisinage avec l’extrême droite a suscité une telle indignation que Philippe Martinez a du lui présenter des excuses et s’engager à retirer de la circulation une note infamante portant le sigle de la CGT. 18) Va-t-on dorénavant faire le tri chez les travailleurs, ou les militants exiger de leur part pour participer aux grèves et manifestations (comme on l’a vu) qu’ils présentent une identification politique ou un laissez passer conforme aux désidératas du dialogue et du partenariat social voulu par un syndicalisme d’accompagnement et de propositions en quête d’« union sacrée ».

N’y a t’il pas pour le mouvement syndical à réfléchir autrement et avec modestie sur lui-même sur ses insuffisances, son fonctionnement, ses retards, sur son approche des problèmes dans leur globalité, leur dimension européenne et internationale par ces temps de mondialisation néo-libérale à marches forcée. Se débarrasser enfin de cet esprit de suffisance, de condescendance, de donneurs de leçons qui minent la relation qui devrait être celle entre les syndicats, les travailleurs en général, les gilets jaunes en particulier, ceux dont les sacrifices de toutes sortes méritent le respect. Plutôt que porter sur eux des jugements de valeurs ne devrait-on pas faire preuve de plus de retenue ?

Car au départ, il aura fallu une taxe sur les carburants suscitant la colère pour que cette fois ci, la goutte fasse déborder le vase des mécontentements accumulés, des colères légitimes, des rêves refoulés, des frustrations que l’on taisaient depuis si longtemps. « Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine ».

Si ne pas l’avoir compris ne peut être sans conséquence pour la classe politique, comment ne le serait-elle pas pour les syndicats. Comment s’étonner alors de l’ampleur de cette crise de confiance, car il faut bien reconnaître que ce mouvement des gilets jaunes s’est construit hors de l’intervention et de l’implication syndicale. Par conséquent, on ne saurait pas être surpris à entendre les critiques qui montent d’en bas, qui placent les syndicats et les politiques dans le même sac, et à qui l’on fait payer le prix fort des compromissions. Doit-on faire comme si cela n’existait pas. Déjà en son temps, Benoit Frachon parlait des « porteurs de serviettes, l’air affairé, le plus souvent trônant dans un bureau, parfois hypocritement installé par le patron » 19) . Qu’en est-il aujourd’hui ?

C’est vrai en France et ailleurs comme à une tout autre échelle. Ainsi la CES (Confédération Européenne des Syndicats) déjà totalement dévaluée démontre dans ces circonstances et une fois encore sa parfaite incapacité à saisir ce qui est essentiel ! Son silence est assourdissant ! C’est dire, son décalage avec le monde réel, sans doute parce que sa fonction n’est rien d’autre que celle d’être un rouage des institutions bruxelloises. Son fonctionnement et sa dépendance financière à cet égard semblent sans limites.

On parle beaucoup de l’ignorance dans laquelle Macron tient ce que l’on appelle les corps intermédiaires comme les syndicats. Ce qui est un fait, mais l’institutionnalisation du syndicalisme, sa bureaucratisation, sa professionnalisation, ne l’a t’elle pas rendu invisible et inaudible ? Comment alors être surpris de voir aujourd’hui beaucoup de salariés s’en détourner, questionner sa crédibilité, son utilité, son existence même et finir par voir ailleurs ? Pour se rassurer faudrait-il en l’appliquant au syndicalisme reprendre la formule de Brecht « puisque le peuple vote contre le gouvernement, ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d’en élire un autre »20) .

Comment en est-on arrivé là ? Peut-être faudrait-il se poser la question du pourquoi ? On ne peut évidemment pas se satisfaire de cette situation, elle appelle des réponses autres que la culpabilisation des militants sur lesquels repose l’existence de l’organisation syndicale à fortiori dans les entreprises. Cela ne saurait se réduire à la seule prise en charge des problèmes « de carreaux cassés » dont il faudrait s’inquiéter pour répondre à la crise du syndicalisme ! On a besoin sur ce sujet comme sur d’autres, d’une autre hauteur de vue. A la lumière d’évènements qui sont un formidable révélateur, il y a urgence pour le mouvement syndical de classe à tirer les leçons et à faire les bilans qui s’imposent. Il faut espérer que le prochain congrès national de la CGT 21) apportera des réponses convaincantes, une stratégie et une direction à la hauteur de cette situation. Faire preuve de lucidité ce n’est pas s’accabler, c’est voir les faits, la réalité telle qu’elle est pour la transformer.

Evidemment ce mouvement des gilets jaunes est pétri de contradictions, il est à l’image de notre société avec ses préjugés, ses faiblesses, ses erreurs, et même ses idées réactionnaires. Faut-il faire comme si cela n’existait pas ? Evidemment non ! Mais dans le même temps, comment concevoir autrement une lutte de masse qui soit conséquente ?

Un grand nombre de gilets jaunes font l’expérience de l’action pour la première fois, la plupart d’entre eux n’a jamais participé à une grève, à une manifestation. On s’étonne de leur spontanéisme, de leur absence d’organisation ce qui semble être de moins en moins le cas, mais comment ne pas voir qu’entre son début et le point où il est arrivé aujourd’hui, ce mouvement a fait un véritable bond qualitatif en avant. C’est vrai, dans la définition de ses objectifs, dans ses méthodes comme dans son organisation. Non sans erreurs ? Certes et alors ? Le mouvement syndical a aussi la responsabilité de partager et faire partager son expérience de la lutte de classes avec tous ceux et toutes celles qui font le choix d’agir collectivement.

Pour un grand nombre de gilets jaunes, et même si c’est parfois confusément, ce qui est en question au fond c’est la nature de cette société inégale, brutale, prédatrice et criminelle. Cette société-là, c’est le capitalisme lui-même. Qui va le dire ? Faut-il le considérer comme un horizon indépassable ou faut il au contraire l’abolir ? Pour le syndicaliste faudrait-il se plaindre d’une telle prise de conscience ? On peut comprendre qu’un tel changement des esprits n’est pas sans déranger les tenant d’une adaptation du syndicalisme-partenaire d’un capitalisme à visage humain. Certains, comme la CFDT, préférant négocier le poids des chaines plutôt que d’exiger l’abolition de l’esclavage. Mais, ne doit-on pas voir dans ce mouvement des gilets jaunes une prise de conscience qui s’affirme, celle qui conduit à la conscience d’appartenir à une classe et par conséquent des opportunités à saisir ! N’y t’il pas là pour le syndicalisme une responsabilité à assumer pour qu’il en soit ainsi.

Aussi et comme cela est souvent le cas dans les grands mouvements sociaux, il y a urgence pour le mouvement syndical à prendre en compte combien les consciences ont progressé quant aux causes, aux responsabilités et à la nature du système capitaliste lui-même

Ce constat renvoie à la « double besogne », cette double fonction qui doit être celle du syndicat : luttant tout à la fois pour les revendications immédiates comme pour le changement de société. Contrairement à ce qu’affirme Philippe Martinez 22) , la CGT n’est pas trop « idéologique ». Cette singularité qui est la sienne, cette identité, elle se doit de la prendre en charge en toutes circonstances. Ne voit-on pas que la CGT paye aujourd’hui 25 années de recentrage, de désengagement du terrain de la bataille des idées, en fait de dépolitisation 23) ? . Ceci, la pénalise grandement aujourd’hui face à un mouvement qui va marquer durablement la période que nous vivons.

Ce débat nécessaire donne raison à ceux des militants de la CGT qui depuis longtemps alertent, se mobilisent et interpellent leur Confédération sur la perspective « d’une explosion sociale », hors de toute intervention syndicale, tant la désespérance est à son comble 24). Il est heureux de constater que parfois à contre-courant des positionnements officiels et de l’impuissance de nombreux dirigeants, ils sont ceux qui ont fait le choix dès le début de se tourner vers le peuple en lutte, mêlant leurs gilets rouges à ceux des gilets jaunes comme on l’a vu dans bien des ville à Bourges, Créteil, Toulouse, Marseille, Lille, Paris, Montbéliard, Nantes, etc.

En fait, cette insurrection sociale, à laquelle nous assistons, tire sa force dans sa capacité à fédérer le peuple : les ouvriers, les employés, les paysans, les classes moyennes, les petits artisans, les chômeurs, les retraités, les ruraux et les citadins, ceux des banlieues. Fait significatif les femmes sont au premier rang des manifestations, des blocages routiers, des parkings des centres commerciaux. Tout un peuple d’en bas est entré en révolte, la CGT devrait se comporter comme un poisson dans l’eau et considérer qu’en dernière analyse, « il est juste de se rebeller » !

Voici plusieurs années, on parlait de fracture sociale, mais sans en tirer les conséquences. Celle-ci n’a cessé de s’élargir, au point que ce à quoi nous assistons couvait depuis longtemps, en particulier dans la jeunesse. Cette génération sans perspective, tous ces laissé-pour-comptes réduits à monter à l’échafaud de l’exclusion sociale et parmi eux les précaires, ou encore les enfants d’immigrés de plusieurs générations. Ils sont aux avants-postes de cette bataille. Comment ne pas se trouver à leurs côtés ?

L’on sait maintenant qu’à la fracture sociale, il faut associer la fracture politique et démocratique. Elle révèle l’étendue d’une rupture entre le peuple et ses représentants, les institutions nationales et supranationales, les partis politiques, les syndicats, les parlementaires de droite comme de gauche, le gouvernement et singulièrement le chef de l’état sur qui se focalise l’ensemble du rejet exprimé à travers le mot d’ordre « Macron démission ». En une année la confiance dans le président de la République s’est effondrée de 23%. Jamais en France, un homme politique aura fait l’objet d’une telle détestation pour ne pas dire d’une haine.

Un récent sondage25° fait ainsi apparaître que 88% des Français ne font pas confiance aux partis politiques, 73% ne font pas confiance aux médias et 70% aux banques, 55% se déclarent prêt à participer à des manifestations pour défendre leurs idées,. Deux mois après le début de l’action des « Gilets jaunes » 57% continuent à leur apporter leur soutien. Plus de 70% des Français n’attendent rien du grand débat voulu par Macron.

.

Le mouvement des gilets jaunes est fondamentalement une révolte contre la situation intolérable qui est faite aux classes les plus défavorisée, à l’appauvrissement qui touche dorénavant les classes moyennes ceux qui arrivaient encore à s’en sortir, mais dont les fins de mois se terminent dès le 15 et qui n’ont d’autres alternatives que les privations pour presque tout. « Dans les fins de mois, le plus dur ce sont les 30 derniers jours ! » disait Coluche. Le combat des gilets jaunes est aussi une résistance contre ce recul de civilisation voulu par le Capital en crise.

Les politiques néo libérales des gouvernements successifs de droite comme de gauche, les injonctions de l’Union européenne ont détricoté de manière systématique le tissu social. Macron dans un volontarisme aveugle a accéléré ce processus y associant l’insulte, la condescendance, l’humiliation et le mépris du peuple souverain. La nature monarchique et de classe du régime est ainsi apparue dans toute sa brutalité. Il ne faut pas chercher plus loin le rejet de cette société inhumaine.

Il ne fait aucun doute que les « Gilets Jaunes » feront leur entrée au Panthéon des grands mouvements sociaux, annonciateur de ruptures avec le système dominant. Leur empreinte est indiscutable et marque déjà notre époque par la radicalité progressiste de leurs objectifs, par leur détermination, leur esprit d’initiative, les formes d’organisation dont ils ont fait le choix, la continuité qu’ils donnent à leur action. Ils ont réussi à gagner la sympathie et la solidarité d’une très large majorité de Français, mais aussi des peuples d’Europe et d’ailleurs.

Ils font la démonstration de cette exception française, celle d’un pays où comme disait Marx, « les luttes de classes se mènent jusqu’au bout ». La filiation des « Gilets Jaunes » est bien celle qui trouve ses racines dans les « Jacqueries »26) , dans la grande Révolution de 1789 à 1793, de la Commune de Paris, des combats de la Libération et plus près de nous de 1968, 1995, et de ces milliers de luttes sociales et politiques souvent anonymes, de grèves, de manifestations innombrables. Macron n’a pas tort de reconnaître l’esprit « réfractaire » 27) frondeur et indocile des Français ! Non sans raison les « Gilets Jaunes » le revendiquent ! Après tout, « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »28) . 225 ans plus tard, les gilets jaunes légitiment et rappellent publiquement souvent d’ailleurs cette vision ambitieuse des révolutionnaires de 1793. L’honneur du mouvement ouvrier français et de la CGT en particulier est d’avoir toujours été fidèle à ces principes. C’est aussi à elle de les défendre !

Jean-Pierre Page
jean.pierre.page@gmail.com

1) Jean-Pierre Page est l’ancien responsable international de la CGT Membre de la Commission Exécutive Confédérale de la CGT, auteur de plusieurs livres dont « CGT : pour que les choses soient dites » (Delga-2018).

2) « Certains syndicats fragilisent la démocratie » Laurent Berger, Le Figaro, 22 janvier 2019 et JDD du 26 janvier 2019.

3) « Quand tout remonte à la surface », Serge Halimi, Le Monde diplomatique janvier 2019.

4) Giuseppe Tomasi de Lampedusa (1896-1957), Le Guépard.

5) Depuis le 17 novembre, on compte 11 morts, plus de 2000 blessés dont plusieurs manifestants seront amputés, plus de 8000 arrestations, des centaines de condamnation y compris à la prison ferme, des emprisonnements. Il faut remarquer toutefois l’initiative de la CGT Paris de saisir la justice contre l’utilisation incontrôlée de « flahball » par les forces de l’ordre.

6) Le 17 octobre 1961 la police réprima à Paris une manifestation de travailleurs algériens qui avaient répondu à l’Appel du FLN.

7) Déclaration commune « les syndicats condamnent la violence » CGT-CFDT-CGC-CFTC-FO-UNSA-FSU. 6 décembre 2018.

8) Déclaration UD CGT de Paris sur la répression. 22 janvier 2019.

9) « Ces pays en Europe ou les gilets jaunes ont défilé »JDD 18 décembre 2018

10) Déclaration commune « L’Europe que nous voulons ! »Forum syndical franco- allemand (DGB+CFDT+CGT+CFTC+FO+UNSA) 8 et 9 novembre 2018.

11) « L’appel pour le 5 février de l’Assemblée des Assemblées de Commercy »(Meuse), Syndicollectif ,28 janvier 2019.

12) « La CGT est parfois trop idéologique ! » Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, Ouest France, 4 janvier 2019.

13) Friedrich Engels (1820-1895)

14) « CAC40 : 46,8 milliards d’euros de dividendes versés en 2018 », Le Revenu, 9 mars 2018

15) Intéressant de ce point de vue l’interview croisée et l’approche divergente de deux dirigeants de la CGT, Sonia Porot des Yvelines et Cedric Quintin du Val de Marne. NVO de janvier 2019 « Gilet jaune, du social au syndical »

16) Rapport de Pascal Bouvier, commission exécutive confédérale de la CGT du 8 janvier 2019

17) Au sujet d’Annie Lacroix Riz, voir le dossier complet que l’on peut consulter sur le site du Front Syndical de classe en date du 28 janvier 2019,
www.frontsyndical-classe.org/

18) CGT-Activité confédérale 009 du 14 janvier 2019, lettre de Philippe Martinez à Annie Lacroix Riz.

19) « Parlons des porteurs de serviettes » Benoit Frachon (1883-1975), ancien Président de la CGT, l’Humanité, 1 er janvier 1949.

20) Bartold Brecht (1898-1956)

21) Le 52e congrès national de la CGT aura lieu du 13 au 17 mai 2019 à Dijon.

22) Philippe Martinez : déjà cité.

23) Stéphane Sirot, Regards, 21 septembre 2017

24) « Le spectre des jacqueries sociales » Michel Noblecourt, Le Monde, mars 2013

25) « CEVIPOF » (Centre d’étude de la vie politique française) pour qui le rejet de la classe politique a atteint un niveau historique. 11/01/2019

26) « Les Jacqueries » révoltes paysannes dans l’Occident médiéval et l’Ancien régime. La « grande Jacquerie » de 1358 conduite par Jacques Bonhomme, fût violemment réprimée.

27) En voyage officiel au Danemark en aout 2018, Macron avait affirmé que « les Français sont des Gaulois réfractaires au changement ».

28) Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793

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14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 10:31

 

 

par Karine Bechet-Golovko

dimanche 13 janvier 2019, repris sur  Comité Valmy

Christophe Dettinger, après s’être rendu à la police et avoir regretté publiquement les coups portés aux forces de l’ordre qui tabassaient des Gilets Jaunes à terre, le gazage et les grenades de désencerclement n’ayant pas été suffisants pour faire reculer la foule, il a été immédiatement placé en détention provisoire par décision du tribunal correctionnel. Si juridiquement la décision est plus que surprenante et semble emporter un renversement du principe de liberté au profit de celui de la répression, stratégiquement elle s’explique tout à fait : au-delà des grands discours bisounours d’un monde merveilleux sans violence, historiquement seule la violence a jamais permis d’inverser un cours politique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle est réhabilitée pour les forces de l’ordre, non pas pour défendre l’Etat, mais le cours politique antiétatique radicalisé par le régime de Macron.

Les systèmes juridiques libéraux sont caractérisés par le principe de liberté. Toute atteinte qui lui est portée ne peut être qu’exceptionnelle et juridiquement justifiée. Tel est, en tout cas, le postulat théorique. Ainsi, l’article 144 du Code de procédure pénale souligne bien le caractère dérogatoire de la mise en détention provisoire, uniquement si toute autre mesure moins restrictive comme le contrôle judiciaire ou l’assignation à résidence avec bracelet électronique, ne peut permettre de garantir la protection des preuves, des témoins, d’éviter que les complices ne s’entendent, ou à l’inverse en vue de la protection de la personne mise en examen, pour empêcher qu’elle ne se défile et n’échappe à la justice ou, enfin, qu’elle ne réitère les faits litigieux. Le dernier élément, mettre fin à un trouble grave et persistant à l’ordre public n’est pas ici applicable, car il ne concerne pas le correctionnel (les délits).

En réfléchissant à ces éléments, la mise en détention provisoire de Christophe Dettinger est quelque peu ... surprenante, du point de vue juridique. Le magistrat a estimé qu’un contrôle judiciaire ou une assignation à domicile n’était pas suffisant pour empêcher 1) qu’il n’échappe à la justice et 2) qu’il ne répète les faits.

Or, il s’est lui-même présenté à la police, certes deux jours après, mais il n’a pas été nécessaire de le rechercher. Il n’a pas été en fuite, il était avec sa famille, il n’a pas quitté son emploi à la mairie. Il n’y a donc aucun élément qui laisse entendre que Christophe Dettinger ait voulu se soustraire à la justice.

En ce qui concerne la réitération des faits, il a présenté ses excuses au tribunal, il a regretté comme il se doit le recours à la violence contre les forces de l’ordre. Par ailleurs, il a expliqué son acte par la révolte de voir un homme et une femme à terre se faire tabasser. Christophe Dettinger n’est pas une petite crapule, qui aime à jouer des poings après avoir arrêté la boxe. C’est un père de famille, qui n’a jamais eu de problèmes avec la justice, qui travaille dans les services municipaux. Il vit sa vie tranquillement. Mais n’a pas aimé l’injustice et a défendu le faible contre le fort.

Le juge, sans grande surprise, a suivi à la lettre le procureur, qui ne voulait pas du contrôle judiciaire, mais exigeait le placement en détention provisoire, puisque lors de sa garde à vue (par la police) Christophe Dettinger a refusé de s’expliquer sur les faits ... Si réellement un procureur de la république a pu avancer une telle argumentation, le niveau de la justice a sombré dans les méandres du politique. Rappelons, quand même, cette règle processuelle venue des Etats-Unis, les Miranda Rights, introduite en France sous la notion de droit de garder le silence en 2000, qui s’impose dès le début de la garde à vue. Rappelons également que, en conséquence de cela, le droit français a consacré, toujours dans la logique américaine, le droit de ne pas s’incriminer dès la garde à vue (et d’être averti de ce droit), c’est-à-dire de ne pas donner des éléments pouvant être utilisés contre soi. Or :

 

Conformément aux réquisitions du parquet, le tribunal correctionnel a toutefois ordonné son placement en détention provisoire afin d’« empêcher la réitération des faits et une soustraction à la justice », le prévenu ayant refusé en garde à vue « de s’expliquer sur les raisons de sa fuite ».

L’argumentation du procureur, repris par le magistrat, au regard du droit français en vigueur, surprend. Si parce qu’un individu ne s’explique pas devant les policiers, mais devant le magistrat, il faut le placer en détention provisoire, alors il serait souhaitable de modifier le Code de procédure pénale ...

L’absurdité juridique de la situation oblige à voir cette mise en détention sous un autre angle, la question devenue très sensible du recours à la violence. D’un côté, toute violence est bannie dans notre société, ce culte du non-violent est très récent mais bien ancré, et chacun de s’excuser d’avoir eu un accès (humain) de violence, une réaction de ras-le-bol. De s’excuser de n’avoir pas pris sa dose quotidienne de Lexomil, de ne pas l’avoir augmentée, pour voir comme le monde est beau, gentil, peuplé de bisounours tous doux et plein de calinoux. Les révolutions doivent alors se faire en fleurs et en bonbon - pour ne pas se faire. Pour que finalement rien ne change. Et, à ce jour, ça marche.

D’un autre côté, le recours à la violence par les forces de l’ordre s’intensifie sans cesse, car dans le monde réel, pas celui des bisounours, il est évident que seule la violence permet de maintenir en place un système idéologique minoritaire - ou de le faire tomber.

Les canons à eau sont réhabilités et ne discutent même pas. En hiver, parfois contre une petite poignée de manifestants. Les tirs de flash ball à hauteur de visage - normal. Frapper les gens à terre, les coincer contre les murs et frapper - normal. Lancer des grenades de désencerclement non pas en les faisant rouler à terre, mais en les lançant en l’air pour qu’elles retombent dans la foule - normal. Le gazage systématique - normal. Les aérosols que les policiers pulvérisent sur les visages des manifestants, comme on arrose les insectes dont on veut se débarrasser - normal.

La police est en légitime défense. Perpétuelle. A priori en légitime défense, car a priori lancée contre le peuple. Et d’une certaine manière, c’est vrai. Seulement, cela n’a rien à voir avec la légitime défense dans le sens juridique du terme, qui obligerait les policiers, au cas par cas, à recourir à ces moyens techniques uniquement pour se défendre. Or, usage en est fait de manière offensive. L’attitude est agressive. Et cela n’a rien à voir avec le rôle de la police, du maintien de l’ordre, de la protection de l’Etat. Les ordres donnés déshonorent les forces de l’ordre. Leur application déshonore les policiers.

Et cette violence-là est acceptée. Expliquée. Normalisée. Le système se défend, il maîtrise le discours et sait parfaitement que seule la violence permet d’obtenir des résultats. C’est pourquoi Christophe Dettinger a dû être écarté immédiatement. Il présente un danger. Car il peut recourir à la violence contre la violence et par là même montrer le caractère illégitime de la violence dirigée contre un peuple désarmé et le fait même de cette violence. Mais étrangement, l’on ne retrouve pas les casseurs professionnels, ni la racaille sur le banc des accusés, car eux ne représentent aucun danger pour le système. Ils sont même très utiles pour tenter de justifier la réaction disproportionnée de la police. Pour discréditer la violence du côté des manifestants et la réhabiliter du côté du régime. Un régime qui se maintient grâce à ce mythe de la non-violence.

Karine Bechet-Golovko
dimanche 13 janvier 2019

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Russie politics

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26 février 2016 5 26 /02 /février /2016 17:32

Résistance et contre attaque

 

De la part d’un prolo,  lui même issu de prolétaires de souche paysanne  ce qui, soit dit en passant, fait plonger  la saga familiale dans  la seconde moitié du 19 ème siècle sans autre médiation que la transmission orale du vécu.

 

« La terre à celui qui la travaille » était un slogan repris régulièrement, et pour ces gens là,  le système Kolkhozien, de type coopératif, n’était pas un repoussoir.

 

Compte tenu des contraintes qui pèsent sur eux,  les  agriculteurs et les éleveurs de notre pays contraints de travailler à perte « ou-et » de disparaître, c'est-à-dire de se mettre pieds et poings liés au services d’une entreprise capitaliste ou de lui brader leur  patrimoine foncier et leur cheptel1, regarderaient à deux fois si on leur proposait  l’instauration  d’un système qui leur permette de pérenniser leur force et leur outil de travail tout en améliorant leurs revenus puis de disposer d’une retraite correcte, plutôt que d’aller grandir le nombre des chômeurs, précaires et autres.

 

A défaut de reprise de l’exploitation par les héritiers en ligne directe, le foncier revenant à l’Etat en contre partie d’une juste indemnisation, à charge pour lui d’en concéder à nouveau l’usufruit.

 

Il est possible, sous des formes adaptées, d’étendre le processus à d’autres corps de métiers, dont nul n’est aujourd’hui en mesure d’assurer un emploi durable. D’ailleurs il est prévu que dans le cadre le la concurrence dite libre et non faussée, les CDD, c'est-à-dire la précarité, deviennent la règle et que le code du travail soit réduit à la portion congrue avant  de disparaître de sorte que les salariés deviennent taillables et corvéables à merci, jusqu’à être jetables sans indemnisation. (Voir à ce sujet l’analyse du  projet de loi khomri  par la CGT)

 

Tous dans la même galère

 

Quelle différence entre les producteurs laitier auxquels l’UE interdit de se regrouper pour négocier collectivement le prix de vente de la traite et les salariés qui se voient octroyer la faculté de renoncer aux  35 heures, entreprise par entreprise, service par service, voire individuellement… ? 

 

La mise en concurrence de travailleurs à statuts différents : Les micro entreprises qui bénéficient d’une fiscalité et de taux de cotisations sociales allégés face ne peut que multiplier et exacerber les confits  et les entreprises individuelles classiques. Il est possible de multiplier les exemples (cas des taxis)… L’ubérisation en cours et le système D ne sont pas la solution même si ça permet de temps à autres de mettre du beurre dans les épinards.

 

Le Medef attaque tous azimuts avec la bénédiction d’un pouvoir politique, soi disant de gauche, mais à la solde des financiers (Terme générique) et des transnationales. Pour réduire le coût du travail. Ils  restreignent  de concert les cotisations sociales patronales, partie de salaire mutualisée,  et par conséquent  les prestations qu’elles permettent de couvrir,  ce que les petits patrons, les artisans apprécient en tant qu’ultime bouée de sauvetage sans même percevoir qui subissent les conséquences de l'érosion du pouvoir d'achat des salaires, retraites et pensions...  Les salariés, phagocytés  par ce qu’ils croient être la fatalité payent plus du moins ceux qui le peuvent pour se soigner moins.

 

Il en sera ainsi autant que nous n’auront pas réussi à nous émanciper des contraintes des traités européens pour retrouver notre souveraineté monétaire et les marges de manœuvre qui en découleraient…

 

Tenter de négocier un compromis est voué à l’échec. Cameron n’y a recouru que pour jeter de la poudre aux yeux de l’opinion publique, aux prétextes fallacieux d’une part de défendre un système de protection sociale dont il poursuit le délabrement, d’autre part pour préserver la City et les paradis fiscaux, situés dans les Iles Britanniques, qui ne sont en rien menacés par l’union Européenne dont les nantis tirent  profit à notre détriment au même titre que la famille royale Britannique.

 

C’est la voie dans laquelle s’est engagé la classe politique française dans sa globalité,   y compris ceux et celles qui suivent encore la direction du  PCF dans ses errances droitières.

 

Son opposition interne, morcelée en diverses tendances encore plus que ne l’était le Parti communiste de l’Union soviétique,  manifeste son impuissance à inverser le cours des évènements. Ceux qui l’ont quitté  cherchent en vain quel est le meilleur panache rouge, à défaut le  dénominateur commun acceptable par le plus grand nombre possible de nos concitoyens. Ajoutons cependant à condition  de ne pas  déroger aux  fondamentaux  marxistes, ou il n’est pas écrit que la prise du pouvoir doive être le fait d’une minorité agissante, mais en fonction   de l’état de l’opinion, qui en  l’état interdit toute avancée autrement qu’à petits pas  en évitant les déviances qui conduisent à faire deux pas en arrière après en avoir fait un en avant.

 

Pratique  à ne pas reproduire car dans l’ex Union soviétique elle a progressivement, dès la disparition de Staline, puis très vite dans les années 80 abouti au rétablissement du capitalisme sauvage sous les applaudissements de l’occident jusqu’à ce que Poutine remette un semblant  d’ordre dans la maison. 

 

Tâche ardue pour nous aussi, mais nécessaire, afin d’être à même de soumette une réelle alternative aux électrices et aux électeurs lors des prochaines présidentielles. C’est le préalable à la constitution d’un rassemblement,  d’ou pourrait émerger, à l’exclusion des illusionnistes et des fossoyeurs de la république, un « groupe  dirigeant pluraliste » à même de dépasser des divergences secondaires pour en rester à l’essentiel, chargé de coordonner la préparation des prochaines présidentielles.

 

Ensuite et seulement ensuite, il sera possible de retenir, sur la base d’orientations précises, anticrises et non pas du genre cautère sur une jambe de bois, le candidat ou la candidate, intellectuellement honnête, qui ne renie pas ses engagements dès le lendemain du scrutin,   chargé de les faire vivre durant la campagne électorale.

 

Qui osera s’engager dans cette voie surtout  en prendre l’initiative?

 

ça urge sinon nous n’aurons, en 2017, de choix  qu’entre  l’abstention et la poursuite de l’austérité prônée par les  partisans des mesures d’exceptions, le Parti socialiste, la Droite et le Front National. Mesures, dont chacun devrait le savoir, ne sont pas à l’intention des seuls terroristes islamistes mais également destinées à contenir l’inévitable révolte sociale qui se manifestera tôt ou tard…

 

Il reste dans notre pays des hommes et des femmes qui ont cette envergure en particulier ceux et celles qui animent les luttes contre la casse de l’emploi, l’érosion de notre protection sociale, le délitement de la France

jusqu’à sa disparition en tant qu’Etat.

 

A tous ceux qui refusent l’abandon de la monnaie unique que constitue l’Euro il est aisé de rétorquer que les BRICS  ne disposent pas, du moins pas encore de monnaie unique, et  que les sanctions et la dévaluation du Rouble, comme des autres monnaies de ces pays,   par rapport à celles de l’occident sont une incitation au développement de leurs appareils productifs respectifs pour une moindre dépendance de l’étranger, c'est-à-dire du capitalisme de séduction autre piège à cons.

 

Tous ne l’ont pas encore compris mais ça viendra.

 

Malgré un PIB par habitants, 6 ou 7 fois moindre que le nôtre le nôtre, Cuba est dans le groupe des pays dont l’Indice de Développement Humain (IDH) est le plus élevé. Dans ces conditions cela mérite d’être souligné.

 

Mais à ceux qui prétendent le contraire je rétorque que c’est  à la suite d’une saine gestion de l’embargo qui a incité les dirigeants cubains à diversifier les échanges et  développer les moyens de production intra muros tout en prenant des mesures protectionnistes à l’égard des tentatives d’intrusion des Etats Unis, afin que le ver ne s’insinue dans le fruit et finisse par le dévorer. Affaire de lucidité, de volonté politique et de soutien populaire.

 

Nous avons de la marge à condition de nous émanciper des traités qui régissent l’Union Européenne, d’interdire les mouvements spéculatifs de capitaux, de ranger l’euro monnaie unique dans le placard aux oubliettes et  relancer notre appareil productif afin de réduire nos importations à au strict nécessaire.

 

Cessons d'avaler des couleuvres  Aidons nous le ciel nous aidera…

 

1 Le cheptel comprend les animaux ou cheptel vivent, les bâtiments agricoles, les outils , l'ensemble de la machinerie ou cheptel mort.

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19 février 2016 5 19 /02 /février /2016 10:37

Résistance

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15 mars 2013 5 15 /03 /mars /2013 13:39

Les travailleurs de GOODYEER Amiens étaient venus en délégations à Rueil Malmaison au Siège de leur entreprise pour accompagner leurs représentants qui se rendaient à la réunion du CCE qui devait examiner un plan de fermeture de l’entreprise. 1173 emplois sont menacés. Ce sont les CRS, et les gaz lacrymogènes qui ont accueilli les militants de base. Comment s’étonner des affrontements entre travailleurs et CRS qui s’en sont suivi. Depuis 5 ans défendant leur outil de travail, et leur emploi, avec juste raison les travailleurs de Goodyeer se considérèrent en légitime défense.* De plus ils défendent l’industrie française, ce qui n’est pas le cas pour le patronat.

 

Ce qui est insupportable ce sont les propos tenus par le ministre de l’intérieur, premier flic de France "la violence est inacceptable dans une démocratie, c’est un message de fermeté, il y aura des poursuites" ; 5 salariés ont été blessés, 2 ont des arrêts de travail de 14 jours. Une fois de plus des militants syndicaux sont traités comme des voyous, assimilés à des terroristes. C’est sans doute pour les mêmes raisons que Manuel VALLS s’oppose à la loi d’amnistie sociale votée par le Sénat sans être contredit par le chef du gouvernement ou par le président de la République.


Après Arcelor Florange, PSA Aulnay, Sanofi, Pétroplus, le gouvernement socialiste choisit son camp, celui du capital. Le ministre de l’intérieur est il en train d’emboiter le pas d’un Jules MOCH, ministre de l’intérieur socialiste qui a du sang sur les mains. En 1948 pour briser la grève des mineurs, en raison d’un retard des salaires sur les prix de 30%, ce ministre mobilisa 60.OOO CRS et soldats contre 15000 grévistes pour lutter contre un prétendu complot communiste. Il y eu 3000 licenciements chez les mineurs, 6 morts, de nombreux Blessés*.

 

La lutte de classe plus réelle que jamais est une donnée majeure de la société française et du monde dans lequel nous vivons. Pour le pouvoir politique et économique la classe ouvrière reste le danger principal puisqu’elle aspire à une autre société. De gré ou de force il faut donc la soumettre, la plier à la loi du profit maximum. L’austérité, les sacrifices demandés au monde du travail ne touchent pas les grandes fortunes.

 

Les médias ne parlent jamais du coût du capital, ainsi en France la distribution des dividendes, fruit des richesses crées par le travail, est passée de 92 milliards en 1999, à 237 en 2011. Aujourd’hui il n’y a jamais eu autant de milliardaires. La politique d’austérité imposée par les instances de l’union Européenne se traduit en Europe par 80 millions de personnes ( 16,4%) vivant sous le seuil de pauvreté. La loi de régression sociale ( ANI) made in MEDEF qui en avril sera présentée au vote des députés et sénateurs loin d’améliorer la situation de l’emploi l’aggravera, elle permettra au patronat d’exercer un énorme chantage sur le monde du travail pour accroitre son exploitation. Comment ne pas relever qu’une fois encore le gouvernement socialiste se conduit en gérant loyal du capital celui des actionnaires et de l’obscénité des richesses, et de la rente.

 

La tournure prise par les évènements amène à reparler de la résistance à l’oppression. Cette donnée fait partie de l’histoire de France, elle fut le 35eme article de la constitution de 1793. Il déclare :  »Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » Il s’agit de novations apportées à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’expérience que vit le monde du travail et de la création atteste que la priorité des priorités est la réalisation de l’union à la base, les luttes collectives et leurs convergences pour aboutir à un vaste mouvement populaire dans lequel se retrouvera le monde du travail et de la création, la jeunesse, les privés d’emploi, les sans papier. Dans l’immédiat cette force peut imposer le rejet de la loi Made-in MEDEF.


Cette victoire emblématique donnerait du souffle aux luttes populaires, le peuple redécouvrirait qu’il est assez fort pour vaincre les forces du capital, faire prévaloir ses droits à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises, décider de son avenir. L’espoir est de ce coté.

 

Guy Poussy ancien membre du comité central du PCF Le11mars 2013

 

• En 1986 à Ivry les syndicalistes soutenus par la population réoccupèrent l’usine SKF qui était investie par les CRS.

• En 2011 une cour d’appel a reconnu l’illégalité de ces licenciements pour faits de grève. 17 mineurs survivants de la grande grève de 1947 ont perçu une indemnité de 30000 euros.

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14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 18:31

Par Jacques Sapir

9 mars 2013

 

Les sondages indiquent un effondrement de la popularité du Président, mais aussi du Premier Ministre et des ministres du gouvernement. Moins d’un an après l’élection présidentielle, et les élections législatives, c’est un phénomène très rare de désaffection massive[1], qui conduit certains commentateurs à parler « d’enfer ». François Hollande se retrouve avec seulement 33% de réponses lui accordant leur confiance pour résoudre les problèmes du pays. Il est au plus bas d’un Président dans l’année suivant l’élection[2]. Jean-Marc Ayrault, avec pour sa part 30% d’opinions favorables, enregistre un record absolu. De manière significative, la chute des opinions favorables est la plus forte chez les ouvriers et les employés ainsi que chez les jeunes (avec 30%), et la plus faible chez les cadres. Notons enfin le faible nombre de réponses « ne se prononce pas » avec 5% de l’échantillon. Les résultats du sondage sont donc représentatifs de l’opinion des Français. Des résultats à peu près similaires avaient été obtenus dans un sondage IFOP-Paris Match réalisés quelques jours auparavant[3]. On dira que ce gouvernement et ce Président l’ont bien cherché. Rarement a-t-on vu en aussi peu de temps autant de promesses se transformer en leurs contraires. Rarement aussi aura-t-on vu s’établir, dans le cadre d’une supposée alternance politique, une telle continuité avec la politique du précédent gouvernement, politique qui avait été rejetée tant aux élections présidentielles que législatives du printemps dernier. Ceci explique sans doute la chute de François Hollande dans les sondages, chute à la hauteur des espérances qui s’étaient portées sur sa personne. À cela ajoutons un style de gouvernement quelque peu déroutant. Et l’on sait bien que « le style c’est l’homme » (ou la femme).

 

L’effondrement de la popularité du pouvoir et ses conséquences.


Le problème posé par cet effondrement de la cote de popularité tant du Président que du gouvernement est qu’à priori ceci ne devrait pas avoir de conséquences. Les prochaines échéances électorales sont en 2014. Et c’est l’un des raisons pour lesquelles le pouvoir fait actuellement le dos rond, espérant qu’une amélioration de la situation économique se produira entre la fin de cette année et le début de l’année prochaine. On a déjà, et à plusieurs reprises, expliqué pourquoi une telle hypothèse avait très peu de chance de se réaliser. La France s’enfoncera progressivement dans la récession, à moins qu’un effondrement de la consommation des ménages ne provoque un basculement de la récession vers la dépression, et une accélération brutale de la progression du chômage (Chômage, la marée noire qui nous menace). Les implications politiques de la trajectoire économique doivent donc être étudiées avec attention.

Au mieux, les élections prévues en 2014 se transformeront en un vote sanction qui sera d’autant plus massif que les enjeux électoraux sont limités. Car en matière d’élections, nous serons servis pour 2014. Tout d’abord nous aurons en mars 2014 des élections municipales, les élections cantonales et régionales devant être repoussées à 2015. Dans des élections municipales, le facteur « local » a traditionnellement une grande importance. C’est ce qui explique qu’à l’heure actuelle on ne prévoit pas de grands déplacements de voix[4]. Mais, ceci pourrait changer d’ici à élections. Dans le contexte probable qui dominera en France, il n’est pas impossible qu’elles puissent prendre l’allure d’un test national. Puis, en juin 2014, se tiendront les élections européennes. Ces élections prendront elles, naturellement, la dimension d’un test national. Mais, elles auront aussi des enjeux limités, compte tenu des faibles pouvoirs du Parlement européen. Il est donc probable que le message envoyé par les électeurs soit très clair, mais qu’il soit ignoré par le pouvoir et les états-majors politiques. On voit très bien qu’il n’est pas impossible que le Front National, ou l’un de ses avatars, se hisse à plus de 30% des suffrages dans une élection marquée par ailleurs par une faible participation. Ce serait un coup de tonnerre dans la vie politique française, mais un coup de tonnerre que les médias n’auraient de cesse de transformer en coup de cymbales. Tout sera mis en œuvre pour que les leçons d’un tel scrutin ne soient pas entendues, et nous continuerons, en brinquebalant, à aller jusqu’aux élections présidentielles de 2017. Tel est, fondamentalement, le scénario dans lequel François Hollande met ses espérances, comptant bien être réélu, en dépit de tout ce qu’il a fait et n’a pas fait, s’il devait affronter au deuxième tour Marine Le Pen. Ce pari est risqué ; bien de choses peuvent changer d’ici 2017. Cependant, convenons qu’il est tentable. Il est en tout cas dans la logique « mitterrandienne » qui inspire aujourd’hui François Hollande.

 

Mais une autre hypothèse, tout aussi et même plus probable, est aujourd’hui parfaitement possible. Elle représente le pire, du point de vue du pouvoir actuel, et ne doit pas être écartée à la légère. Si l’économie française connaît une chute brutale d’activité dans le cours de 2013, la perte de crédibilité du gouvernement et du Président se transformera en une perte de légitimité. Cette crise de légitimité pourrait survenir de la conjonction de trois mouvements dont on sent dès aujourd’hui la montée dans la société : une colère politique, une colère sociale, une colère issue d’un sentiment de la perte d’identité. C’est là l’hypothèse la plus sérieuse sur laquelle il convient de réfléchir, car la crise de légitimité implique une crise de régime.

 

Les trois colères


La colère politique est facile à prévoir. Elle s’enracine sur un mécontentement allant s’approfondissant et sur le fait que ce dernier ne peut, en théorie, trouver de solution d’ici 2017. Ce mécontentement est redoublé du fait qu’une partie des électeurs qui font partie du socle traditionnel de la gauche s’estime flouée par la politique actuelle du Président et du gouvernement. Ceci est visible dans les sondages récents où le recul de François Hollande est le plus important dans les catégories qui l’ont le plus soutenu : les ouvriers, employés, les professions intermédiaires et les jeunes. Une partie des responsables du Parti Socialiste s’en inquiète d’ailleurs. Cette déception pourrait, si elle s’enracinait d’ici les prochains mois, se transformer en un mouvement d’abstention massif lors des élections de mars 2014, modifiant ainsi brutalement les rapports de force. Mais, il convient immédiatement de dire que la droite traditionnel n’est pas une alternative, et qu’elle est encore très peu audible sur les préoccupations de cet électorat. Voilà qui incite à penser que cette colère politique pourrait s’exprimer hors du cadre électoral, ou s’incarner dans tout mouvement rejetant d’emblée les partis traditionnels.

 

La colère sociale est elle aussi facilement prévisible. Elle s’exprime à la fois dans la montée de la violence sur des sites qui sont devenus emblématiques de la crise (PSA-Aulnay, Continental-Amiens) et dans une désespérance très sensible dans des milliers de petits sites où, à une échelle plus réduite, se rejoue le même drame. L’échec relatif de la mobilisation syndicale contre le projet d’accord ANI entre le MEDEF et quelques syndicats minoritaires ne doit pas faire illusion. Il n’y a eu échec que parce que l’on a proposé à des gens en colère et désespérés des formes bien trop traditionnelles d’expression de leur colère et de leur désespérance. Cet échec est avant tout celui des formes classiques de mobilisation syndicale. Notons déjà que la conjonction de la colère politique et de la colère sociale est redoutable. Le potentiel d’une explosion massive ne fait donc que se renforcer, mais cette explosion suivra des voies différentes de celles qui ont été tracées par les syndicats. Seuls ceux qui sauront s’y adapter y survivront. Cette explosion sera, selon toute vraisemblance, violente. Elle confrontera directement les organes du maintien de l’ordre (Police et Gendarmerie) au choc frontal avec cette colère. Comme ces organismes sont eux aussi travaillés, pour des raisons générales mais aussi des raisons particulières, par un fort mécontentement, nul ne peut dire quelle sera l’issue de ce choc. Si le gouvernement met en œuvre une politique directement répressive, il risque d’aggraver dans des proportions considérables la fracture politique qui se dessine. S’il tergiverse, il peut être emporté par une succession de mouvements se renforçant l’un l’autre.

 

La colère issue du sentiment de perte de l’identité est un phénomène encore plus complexe à décrypter. Elle a, bien entendu, une dimension politique, qui s’enracine dans le déni de démocratie auquel on a assisté en 2005 lors du référendum sur le projet de constitution européenne. Les partisans du « non », largement victorieux, ont été dépossédés de leur victoire, une manœuvre à laquelle François Hollande a été connivent. Les Français ont eu, à ce moment, le sentiment d’être dépossédés de la démocratie, de leur démocratie. Les gouvernants et une partie de l’opposition ont cru que ce sentiment serait passager. C’était oublier le lien très profond, enraciné dans l’histoire, qui unit en France le peuple avec le principe de la démocratie (et non nécessairement ses formes). De là date une fracture symbolique[5]. Cette fracture s’est transformée en une facture qu’il faudra bien solder. Il n’est pas sans une certaine ironie que cette facture retombe sur François Hollande qui, en tant que dirigeant du Parti Socialiste, a beaucoup fait pour l’existence de cette fracture et de cette facture. Cette colère a aussi une dimension sociale, en ceci que le mouvement de désindustrialisation qui s’accélère aujourd’hui nous confronte à l’image d’une France qui n’est plus celle que nous connaissions, ou que nous pensions connaître : un pays fier de ses réalisations industrielles. Une partie importante de la population, qui excède de loin le nombre des simples ouvriers d’industrie, est très profondément attachée à cette image de la France. C’est ce qui explique le succès initial du Ministère du « Redressement Productif ». Mais la maîtrise du verbe ne masque qu’un instant les réalités. L’importance de ce sentiment de perte de l’identité, qui peut s’incarner passagèrement dans un rejet de « l’autre », tient en ce que s’articulant avec la colère politique et la colère sociale, il va provoquer provoquer une délégitimation massive du pouvoir.

 

Vers la guerre civile ?


La crise qui s’annonce va faire voler en éclats l’idée d’une « démocratie apaisée ». D’une part, cette expression est une contradiction dans les termes. Les intérêts qui divisent une société ne sont pas de ceux qui peuvent se régler dans le calme feutré des cénacles privés. Leur exposition au grand jour, qui est l’une des conditions nécessaires à l’existence d’une véritable démocratie, implique un degré d’affrontement qui rend illusoire toute idée d’apaisement. D’autre part, quand les conditions d’exercice de la démocratie sont à ce point fautives que des colères convergentes ne trouveront pas de formes institutionnelles d’expression, il est illusoire de chercher à s’abriter derrière l’idée d’une « démocratie apaisée ». Il faut d’ailleurs remarquer que, de ce point de vue, la France n’est nullement une exception. C’est à un phénomène du même ordre que l’on a assisté lors des récentes élections italiennes.

 

Dès lors, le pouvoir actuel a devant lui trois options. Il peut rester « droit dans ses bottes », et supporter la totalité du choc de ces trois colères. Il est possible qu’il y survive, mais au prix d’une répression qui le fera changer de nature et se transformer en Tyrannie. Il est aussi possible, et c’est l’hypothèse la plus probable, qu’il soit brisé par cet affrontement, ouvrant alors une période d’incertitudes politiques et institutionnelles comme la France n’en a pas connues depuis 1958. Il peut chercher à dévier la lame de fond qui monte, en organisant des élections anticipées, donnant ainsi une forme d’expression dans le cadre institutionnel actuel à ces trois colères. Mais, le système électoral français est ici mal adapté. Rien ne serait pire que l’élection d’un nouveau Parlement qui ne soit pas à l’unisson des sentiments de la majorité de la population. Il peut, enfin, chercher à anticiper sur ces événements et changer radicalement de politique, apaisant ainsi la colère sociale et la colère identitaire. C’est la voie de la logique et de la raison, chose dit-on la plus mal partagée au monde…

 

Jacques Sapir:
Ses travaux de chercheur se sont orientés dans trois dimensions, l’étude de l’économie russe et de la transition, l’analyse des crises financières et des recherches théoriques sur les institutions économiques et les interactions entre les comportements individuels. Il a poursuivi ses recherches à partir de 2000 sur les interactions entre les régimes de change, la structuration des systèmes financiers et les instabilités macroéconomiques. Depuis 2007 il s’est impliqué dans l’analyse de la crise financière actuelle, et en particulier dans la crise de la zone Euro.

 

NB: Cliquer sur les liens pour en savoir plus en particulier pour connaître l'impact d'une sortie de l'euro sur l'économie française via chômage la marée noire...ci-dessus.

 


[1] Ici

[2] Nicolas Sarkozy était tombé à 38% d’opinions favorables en mars 2008.

[3]Ici

[4]Municipales : premier sondage avant le scrutin

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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 13:51

A travers l’histoire de Walter, ancien résistant, ancien déporté Haut savoyard et sur fond de politique actuelle, deux questions se posent tout au long du film :

  • « Qu’avons-nous fait des idéaux du Conseil National de la Résistance ? »
  • « Résister se conjugue-t-il au présent ? »


"C'est un film magnifique, une leçon de civisme et de courage. Un élan d'optimisme." Raymond Aubrac

 

C'est un film qui ne peut laisser  indifférent, que chacun  choisisse son camp. Resistons et contre- attaquons. Jack Freychet



http://www.walterretourenresistance.com/reactions.html

 



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